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par Francis Pian • le 4 juin 2023

La forme -Commune

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Forme associative et stratégie révolutionnaire

Au sein des luttes actuelles, la Commune de Paris tient une place de choix en tant que référence. Nombre de banderoles proclament la Commune d’une fac, d’un lieu. Pour autant, il ne s’agit pas d’avoir une approche mémorielle mais au contraire d’utiliser les valeurs, les principes de la Commune pour les traduire aujourd’hui dans la défense des droits des personnes et des territoires. C’est le sens du livre de Kristin Ross, La forme-Commune, la lutte comme manière d’habiter, publié aux éditions La Fabrique en 2023.
« La Commune de Paris était une intervention pragmatique dans l’ici et maintenant. La forme-Commune, ce sont d’abord des gens qui vivent différemment et qui changent leur propre situation en œuvrant dans la condition du présent. En ce sens, la forme en tant que forme est indifférenciable de ces personnes précises en train de changer leur vie, de vivre différemment, en cet instant précis dans le temps et en ce lieu précis de l’espace - leur quartier. »

Bien évidemment l’ouvrage présente la théorie de Pierre Kropotkine établissant le lien entre la Grande Révolution, celle de 1789 et la Commune, sans oublier le rôle des campagnes dans ces révolutions. C’est un peuple qui doit se soulever et agir. Ce fut en partie le cas pendant la Grande Révolution mais pas lors de la Commune de Paris. Les appels depuis Paris en 1871 n’eurent pas d’écho dans le monde paysan et plus tard la lettre d’Élisée Reclus, A mon frère paysan, montre bien la nécessité de mobiliser le monde urbain et le monde rural en traitant la question de la possession de la terre.

Une organisation parallèle
Kristin Ross s’appuie sur différentes expériences, la Commune de Nantes en 1968, la question du ravitaillement des quartiers populaires, la mise en place d’une organisation parallèle ignorant l’État tout comme dans certaines villes des USA avec le pouvoir noir (Detroit, Oakland). C’est toujours à Nantes que l’alliance entre les ouvriers, les paysans, les étudiants produit des expériences passionnantes qui se prolongent dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. La sensibilisation du monde paysan a connu un point d’orgue avec l’action et le livre de Bernard Lambert, Les Paysans dans la lutte des classes publié en 1970. Celui-ci distinguait le paysan qui connaît et défend sa terre de l’agriculteur qui exploite celle-ci. Il soulignait la solidarité entre les travailleurs. L’expérience du Larzac est significative dans la constitution d’un collectif distinct et autonome des partis politiques et semi-sécessionniste. On peut s’interroger sur la prudence actuelle du monde ouvrier. Y a-t-il encore des Lip comme au temps du Larzac ?

Qu’est-ce qui mobilise les habitants d’un quartier, d’une région ? Kristin Ross s’appuie sur d’autres luttes contre des aéroports, notamment au Japon. A chaque fois, il y a destruction irrémédiable de l’espace, des pratiques, des relations entre la terre et ses habitants jusqu’à l’épuisement des terres, une logique capitaliste qu’avait déjà dénoncée Élisée Reclus en 1886 dans son livre Du sentiment de la nature dans les sociétés modernes (Ed. Bartillat, 2020). Le lissage des territoires, des individus, des différences en guise de modernité !

La part du meilleur
Dans la défense ou mieux la valorisation de la vie des habitants, il faut compter avec le luxe. Vous savez, ce luxe communal défendu notamment par la Fédération des artistes pendant la Commune, « le ralliement de toutes les intelligences artistiques ». Gustave Courbet n’est pas loin. « Ce luxe communal signifie que chacun a droit non seulement à sa juste part mais à sa part du meilleur. Le luxe communal remet en cause les manières mêmes dont la prospérité est vécue et mesurée, ce qu’une société reconnaît et apprécie, ce qu’elle considère comme richesse et comme bien-être, et ce qu’elle est prête à défendre. »

Faisant appel aux thèses d’Henri Lefebvre, Kristin Ross s’interroge sur l’appropriation des terres. Elle introduit des distinctions très intéressantes. « L’appropriation suppose l’usage plutôt que la possession ; quelque chose comme un droit d’usage conjointement à un droit à l’œuvre. »

En ce qui concerne la forme-Commune, la diversité et l’adaptation sont évidentes. Pour reprendre Kropotkine, « elle ne se figera pas en des formes déterminées et immuables, mais elle se modifiera incessamment ». Cette commune évoque l’idée d’un groupe constitué pour gérer des intérêts collectifs, une forme associative traduisant la solidarité sous forme de stratégie révolutionnaire.

Cette notion de stratégie révolutionnaire est fondamentale car le risque dans une société comme la nôtre dans laquelle la forme-Commune peut se développer, c’est celui du repli sur soi. Il faut s’appuyer sur la vie quotidienne, aspirer à ce « luxe communal », pour mieux se projeter dans une approche globale. Comme la Commune de Paris de 1871, gardons à l’esprit la construction d’une république démocratique et sociale.

Francis Pian

La forme-Commune, la lutte comme manière d’habiter. Kristin Ross. Ed. La Fabrique, 2023

PAR : Francis Pian
Groupe Commune de Paris

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