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par Francis Pian • le 29 janvier 2023

Des idées et des luttes : Histoire globale de la France coloniale

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« Un récit de sueur et de sang »

Trois siècles de colonisation par la France sur quasiment tous les continents, des conséquences dramatiques pour les populations, les territoires, leur histoire, il fallait engager une Histoire globale de la France coloniale. C’est une somme de plus de 800 pages que nous livre un collectif d’historiennes et d’historiens, ouvrage publié aux éditions Philippe Rey en 2022. Comme l’écrit Mohamed Mbougar Sarr, romancier, « il s’agit d’un récit de sueur et de sang, de crimes et de ruse, de domination et d’exploitation ». Il s’appuie sur une extraordinaire bibliothèque qui nous renseigne sur ces épisodes et les protagonistes. Nous connaissons le grand débat sur l’accès aux archives et l’État - à l’initiative de ces conquêtes et de leurs sinistres conséquences - est particulièrement frileux pour jouer la carte de la transparence, les lobbies sont trop forts pour de faibles politiciens. Pourtant nous en savons déjà beaucoup et ce livre contribue par son contenu à « donner à chacun la possibilité d’en avoir une compréhension à la fois plus détaillée, plus critique et plus élargie ».

L’objectif de ce collectif vise à rassembler une grande diversité de contributions, une centaine, publiées au cours des trente dernières années et actualisées, donnant « un aperçu de la densité des dynamiques historiques à l’œuvre durant la période coloniale et le temps postcolonial, mais aussi la variété et la qualité des recherches réalisées ces dernières années ». Pour qui souhaite aller plus loin, une riche bibliographie est à disposition.

Donner les outils pour penser
Les temps sont difficiles avec des tensions mémorielles et les a priori politiques développent le sectarisme, le rejet de l’autre, suscitent les conflits. « Il est temps que les historiennes et les historiens soient des acteurs actifs de ces enjeux. » L’histoire de ces événements est très mal enseignée alors de nombreux jeunes se sentent impliqués dans ces débats mais sans matériau, il est difficile de sortir des clichés. L’histoire est instrumentalisée par des revues comme Valeurs actuelles, l’extrême droite jongle sur la nostalgie coloniale (voir les effets dans le sud de la France). Ce livre contribue à mieux comprendre ce passé et à en mesurer les conséquences sur notre contemporanéité. Vous retrouverez des thèmes connus mais aussi des faits oubliés, occultés, la Guerre du Rif, celle du Cameroun, la répression coloniale, la construction de l’Outre-mer et la césure en la métropole et ces territoires, le poids du parti colonial qui traversera toutes les sensibilités politiques.

La diversité des thèmes est rehaussée par celle des disciplines mobilisées, la sociologie, la science historique, politique, économique, la littérature comparée, l’histoire de l’art, l’anthropologie, c’est-à-dire l’ensemble des connaissances qui nous permettent d’appréhender cet Empire colonial français. Notons aussi la qualité de l’iconographie qui met en relief les stéréotypes, le discours colonial aux antipodes de la sinistre réalité, de l’indigénat qui maintenait les populations en infériorité juridique.

Un ouvrage complet
Le livre se construit selon cinq grandes parties.
La première partie débute en 1763 et s’achève à la fin du XIXe siècle intégrant la concurrence plus que dynamique avec l’Angleterre. Les bases du colonialisme sont là, le racisme, l’exploitation, la conquête avec l’hypocrisie de l’abolition de l’esclavage.
La deuxième période va jusqu’à la Première guerre mondiale, la République récupère l’idéologie de Napoléon III, la conquête de l’Indochine notamment.
La troisième période de 1914 à la fin des années 30 mobilise les troupes coloniales dans les conflits en métropole et les premières contestations anticoloniales apparaissent. Pourtant c’est le point d’orgue de la « pensée coloniale » avec les expositions de 1930 et 1931.
La quatrième période débute avec la Seconde guerre mondiale, les promesses non tenues, les violences de la décolonisation jusqu’à la fin de la guerre d’Algérie.
Enfin la cinquième partie aborde la politique post-coloniale, la gestion du pré-carré africain et l’immigration post-coloniale.

Devant les thèmes et les contributions, certains lecteurs pourraient s’étonner et se perdre mais il faut rappeler que « l’histoire coloniale a bouleversé le monde. A chacun de prendre la mesure de ces bouleversements et d’en tirer ses propres conclusions. »

Retrouvons Mohamed Mbougar Sarr qui considère que l’on referme ce livre, « non seulement édifié mais convaincu que ce n’est que par la connaissance puis la transmission de cette histoire que les luttes mémorielles trouveront une manière d’apaisement, et que l’opposition souvent jouée entre valeurs républicaines supposées et communautarisme prétendu pourrait avoir une chance d’être surmontée ».

Francis Pian

Histoire globale de la France coloniale. Sous la direction de Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire et Dominic Thomas. Ed. Philippe Rey, 2022

PAR : Francis Pian
Groupe Commune de Paris

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