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par Francis PIAN • le 19 avril 2025

DES IDEES ET DES LUTTES: Jean Meslier, curé, athée et anarchiste

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Ni Dieu, ni César…
Sacré curé, ce Jean Meslier ! Certes, nous avons déjà lu ou entendu parler de libertins farouchement anticléricaux et violemment opposés à la religion en ce 17ème siècle. Ils étaient parfois discrets mais leurs écrits démontraient leurs pensées. Une approche prudente en ces temps où l’Eglise est encore très puissante. Mais la démarche de Jean Meslier est davantage révolutionnaire. Tout d’abord, c’est un curé du petit village d’Etrépigny dans les Ardennes, donc membre de l’institution, qui étudie, recherche, analyse les textes sacrés pour mieux en dénoncer les contradictions et les affabulations. De plus, il n’hésite pas à penser une autre société sans classe et sans Etat. Des éléments qui trouvent un écho dans le courant socialiste du 19ème siècle.

Son livre Testament ou Mémoire de plus de 1000 pages ne connaît pas d’édition intégrale récente. Ecrit dans la précipitation, la nuit dans sa cure, le texte contient de nombreuses redites, le style est parfois confus. Aussi Philippe Diaz, producteur de film, philosophe, s’est chargé d’en réaliser une synthèse sans, nous dit-il, en changer le sens, à la différence d’auteurs comme Voltaire qui restait déiste et ont réécrit certains passages du livre.

Une dénonciation des religions
Nous voici donc devant un petit ouvrage publié chez L’Harmattan, intitulé Jean Meslier, curé, athée et anarchiste pour le XXIè siècle. La vie de Meslier et les conditions de la rédaction du manuscrit tiennent du romanesque mais tout est vrai. C’est pourtant le texte synthétisé qui retiendra notre attention.
Une dénonciation des religions qui rappelle bien Dieu et l’Etat de Michel Bakounine. C’est Meslier qui s’exprime. « Sachez donc, mes chers amis, que tout ce qui se pratique dans le monde en matière de religion n’est qu’abus, illusion, mensonge et imposture. Toutes les lois et les ordonnances publiées sous le nom et l’autorité de Dieu, ou des dieux ne sont véritablement que des créations humaines, inventées par des fins et rusés politiciens, puis propagées par de faux prophètes et enfin maintenues par les lois de ceux qui sont au pouvoir et s’en servent pour tenir plus facilement le commun des hommes en bride. » Cette alliance entre les religieux et les nobles le conduit à affirmer: « il faudrait pendre et étrangler avec les boyaux des prêtres tous les grands de la terre et tous les nobles ».
Soyons clairs, le ton relève davantage du pamphlet que de la critique pondérée, les mots sont forts et Meslier analyse les contradictions, dénonce les évangiles. Disposant d’une réelle connaissance de la religion chrétienne, il se moque des miracles et des découvertes fortuites comme celle de la Sainte-Croix sur laquelle le Christ aurait été crucifié. En réalité, il n’y a pas de preuve de l’existence de Dieu. On comprend pourquoi ce curé écrivait la nuit en se cachant.
Au-delà de la dénonciation de la religion et des méfaits causés par des hommes inutiles, à savoir les religieux, il analyse la société et ses inégalités renforcées par les impôts. « En plus, ils imposent toutes sortes de marchandises, afin de tirer profit et tout ce qui se vend et de tout ce qui s’achète. » Qui « ils » ? Les grands de la terre ! Qu’adviendrait-il d’eux si le peuple ne les soutenait pas ? Notre petit curé aurait-il lu Le discours de la servitude volontaire d’Etienne de la Boétie ?

Une autre société
Il demande la mise en commun de la terre qui était la principale source de richesse et d’injustice au 17ème siècle. « L’injustice d’un partage des biens fait naître d’abord l’envie et la haine entre les hommes, puis les troubles, les séditions et les guerres qui causent une infinité de mots parmi eux. » Il affirme que tous les hommes sont égaux par nature. Ils ont droit à l’éducation. C’est une autre société que préconise Jean Meslier. En ce sens, c’est un visionnaire dénonçant la tyrannie des puissants de l’Etat et de la religion. Pour vivre libre : « Point d’autre religion parmi vous que celle de la véritable sagesse et du respect des mœurs ». Nul doute qu’écrivant de telles affirmations, le curé devait sentir l’odeur du bûcher.
Par ailleurs, il s’oppose au sacrifice des animaux et les considère comme des êtres sensibles. Nous pourrions trouver des propos similaires chez Louise Michel et Elisée Reclus. Et vient la grande question : Meslier a-t-il inspiré Bakounine, Kropotkine, Benoît Malon, le courant anarchiste ? Est-il un précurseur du socialisme, voire de l’anarchisme ? A vous de juger.

• Philippe Diaz
Jean Meslier, curé, athée et anarchiste pour le XXIè siècle
Ed. L’Harmattan, 2025

PAR : Francis PIAN
Groupe Commune de Paris
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