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par Francis Pian • le 13 février 2023

Des idées et des luttes : Lobbytomie

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Attention, Lobbies, danger !!

Les lobbies. On en parle, on les banalise, on les connaît en fait très mal et surtout on ignore leurs capacités de manipulation. Stéphane Horel, journaliste au Monde nous propose une analyse particulièrement fouillée de ce milieu dans son livre Lobbytomie, Comment les lobbies empoisonnent nos vies et la démocratie, publié à La Découverte en 2022.

Je cite : « Lobby des pesticides, lobby du tabac, lobbies de la chimie, de l’amiante, du sucre ou du soda. On brandit souvent les lobbies comme une force abstraite et sans contours : ils seraient presque des créatures fantastiques en excursion depuis le mystérieux pays du Marché, bivouaquant dans les brouillons des textes de loi et doués de superpouvoirs corrupteurs. […] Pourtant leur influence n’a rien de magique, et les firmes qui constituent ces lobbies ne sont pas anonymes. Elles s’appellent Philip Morris, Exxon, Monsanto ou Coca Cola ». N’omettons pas les experts. Vous savez ces personnes sérieuses, avec lunettes et blouse blanches, sans oublier parfois le stéthoscope autour du cou. Face à cette science, le péquin lambda est un nul, évidemment. Tout est dans la communication, la manipulation. Plus le langage est impénétrable, plus c’est sérieux. Les conflits d’intérêts qui animent ce milieu le sont tout autant.

Le bonheur de l’Argent
Ainsi Stéphane Horel nous guide, avec au contraire un langage très clair, dans ces méandres où le fric, la science, la politique, les principes de santé publique, se mêlent, s’annulent pour le plus grand bonheur de l’Argent.

Nous savons tous que le tabac est très dangereux pour la santé. Aucun souci, le rôle du lobby du tabac consiste à partir d’un constat, à détruire la vérification des données en les cachant et/ ou en créant un doute sur leur véracité. Il suffit de mobiliser quelques scientifiques prêts à tout pour un plat de lentilles. Ils produisent les résultats attendus par leurs clients. Les pouvoirs publics peu au fait de la complexité technique et craignant des effets non mesurés se replient avec une lâcheté à toute épreuve, comme nous avons pu le constater avec les néonicotinoïdes. Les propos du ministre français de l’agriculture au lendemain de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne démontrent la faiblesse des politiques et leur absence de culture scientifique. C’est le cas pour la pollution environnementale, le réchauffement climatique ou de sujets similaires.

Stéphane Horel présente des enquêtes très argumentées et factuelles, par exemple sur les perturbateurs endocriniens. Des laboratoires créés par ces lobbies reçoivent des financements publics pour instiller le doute et conduire à la paralysie de la protection de la santé publique. Le scandale de l’amiante est parfaitement illustratif (cf le livre très émouvant de Virginie Dupeyroux, Amiante et mensonge, notre perpétuité aux éditions Valmont, 2021). Le pire est peut-être là, nous savons qu’ils mentent et pourtant nous les payons. En complément de la science, le droit est mobilisé. Des cabinets d’avocats sont spécialisés pour défendre l’indéfendable avec l’aide de sociétés de relations publiques.

Un peu de conscience, de valeur morale !
Lorsque la situation est trop sensible dans l’esprit du public, ils changent les noms des produits ou de la technologie. Un peu de conscience, de valeur morale nous ferait du bien, citons Albert Camus : « Mal nommé un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde ». N’oublions pas Orwell et la novlangue « destinée non à étendre, mais à diminuer le domaine de la pensée ». Dans d’autres cas, il suffit de mentir comme ce professeur devant une commission du Sénat qui, découvert, finit devant les tribunaux, abandonné de tous ceux qu’il protégeait de « l’autorité de son savoir ».

Plus subtil, le sponsoring transforme l’image de l’entreprise. La mal bouffe ? Organisons des conférences, des banquets et tout le monde sera bienveillant… Vous polluez ? Sponsorisez Mozart et autres festivals !! Le pire ? Ça marche !!! Éventuellement, il faut se cacher derrière des associations et autres masques, le tour est joué. Dans le livre, vous découvrirez les processus, les noms des entreprises et leurs prête-noms.

Le cynisme de ces consortiums est sans limite. Ils défendent, selon eux, la liberté d’agir ! Il faut oser. Ils défendent la liberté de fumer et si la victime meurt, elle est responsable de ses choix… En cas de procédure contentieuse, la justice de classe opère et va même jusqu’à condamner la victime qui n’aurait dû s’arranger pour ne pas être victime !!! Les fonctionnaires même européens font pâle figure et pèsent bien peu face aux éléments de langage distribués aux élus.
Une des craintes de l’auteure est que le monde qui nous attend soit « un totalitarisme à but lucratif qui ressemble à de la pure fiction ». Je voudrais aussi citer cette question dans le domaine de l’exposition des travailleurs aux risques : « A quel moment la mort d’un travailleur devient-elle un meurtre ? »

Francis Pian

Lobbytomie, comment les lobbies empoisonnent nos vies et la démocratie. Stéphane Horel. Ed. La Découverte, 2022

PAR : Francis Pian
groupe Commune de Paris

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