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par Francis PIAN • le 15 décembre 2024

DES IDEES ET DES LUTTES: Victor Hugo et la Commune

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« La Commune ! […] Mais hélas ! »

« Le cadavre est à terre et l’idée est debout ». Victor Hugo avait le sens de la formule. Même si ce vers est antérieur à la Commune de Paris, il s’applique impeccablement à cet évènement historique majeur pour notre pays et le monde ouvrier. Quel fut le rôle de ce monstre sacré de la littérature dans ces journées parisiennes ? A-t-il soutenu le mouvement ? S’est-il réfugié à Bruxelles par crainte ? S’est-il engagé dans le combat pour l’amnistie ? Christian Godin, philosophe, nous propose une analyse fouillée, précise, étayée par des écrits, des témoignages des relations entre Victor Hugo et la Commune, un ouvrage dense, publié aux éditions Champ Vallon en 2024.
Jusqu’à présent, aucune étude d’ensemble dans la considérable bibliographie consacrée à la Commune n’est consacrée à cette rencontre. Il faut dans un premier temps chercher au sein de L’Année terrible, recueil de poèmes écrits en 1872, retraçant les souffrances de 1870-1871 et de Quatrevingt-treize, son dernier roman qui relatant la Terreur, évoquant en filigrane la Commune.

Révolution, République, Paris
Quelle est la pensée d’Hugo sur un plan politique et social ? Trois points forts, trois mots en gras. Il s’appuie sur la Révolution, celle de 1789. Elle a produit la République qui est de droit naturel. Il se reconnaît dans l’expression, une République universelle, démocratique et sociale. Celle que Paris reprit de mars à mai 1871. Paris, pour lui, est une ville monde. « Des révolutions, Paris est le volcan ». On peut ajouter la question sociale, la misère qu’il dénonce dans L’Homme qui rit, « C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches. » et évidemment Les Misérables. Il étend son intérêt au sort des femmes, à celui des enfants. Conservateur initialement, il se découvre en 1848, une âme de protecteur surtout en juin. Il s’exile pour dénoncer le coup d’Etat de 1851 fomenté par Napoléon III. Il dénonce la guerre. A son retour en 1870, c’est une stature d’homme proche du peuple, de démocrate, de républicain. Il reste à Paris lors du siège. Elu à l’Assemblée en janvier 1871, il se rend à Bordeaux, outré des attitudes politiciennes, il en démissionne le 8 mars 1871.

C’est un homme de combat
Ce n’est pas un homme de pouvoir, c’est un homme de combat. Il découvre l’attitude de l’armée, les jeux politiques. Lorsqu’éclate la Commune, il la désapprouve, elle s’opposerait à la République. Pourtant, l’idéal communaliste, la fédération des communes de France, les décisions sociales de la Commune, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, l’enseignement figurent parmi les thèmes hugoliens. S’adressant aux communards, il a cette formule, « Prenez garde, vous partez d’un droit pour aboutir à un crime ». Le crime, ce sont les troupes versaillaises qui l’ont commis. Toute l’ambiguïté est là, mâtinée de naïveté. Il lui faudra découvrir les massacres de fin mai pour comprendre les rapports de classe dans ces combats. Il voulait rassembler, il est écartelé. Il a une pensée affectueuse pour ce peuple qui ouvre le passage du cercueil de son fils vers le cimetière du Père Lachaise. « La Commune ! Quelle belle chose cela eût pu être en face de cette odieuse Assemblée ! Mais hélas ! » (extrait d’une lettre écrite lors des évènements). Autre citation, « J’accepte le principe de la Commune, je n’accepte pas les hommes ». Toujours écartelé entre l’idéal et le réel. Il déplore l’absence d’organisation, de projet politique. En cela, il ne sera pas le seul à l’instar de Louise Michel, mais elle et tant d’autres étaient dans l’action. Eugène Varlin analysant Les Misérables affirme déjà en 1867 : « Monsieur Hugo est le plus bourgeois des bourgeois ».
Tout à sa naïveté, il accueille à Bruxelles, des exilés et là il subit la violence, le mépris, le rejet. Lui qui voulait l’indulgence envers les deux parties, il mesure la réalité, comprend l’intensité de la répression. De retour en France, il se bat pour l’amnistie. Ce sera son grand combat. Vous lirez ces pages où d’anciens amis comme Louis Blanc, Victor Schœlcher lui tournent le dos, où Gambetta, symbole de l’opportunisme refuse cette mesure pour s’en parer ensuite.. La haine des écrivains va le poursuivre. Il est exclu de la Société des gens de lettres tout comme Verlaine et Vallès, une bien belle compagnie. On va même le faire passer pour fou. Tiens, comme Louise Michel ! Et enfin arrivera la loi d’amnistie du 10 juillet 1880 après des années de douleur. A son enterrement en 1886, des drapeaux noirs flottaient dans la foule.

• Christian Godin
Victor Hugo et la Commune
Ed. Champ Vallon, 2024.

PAR : Francis PIAN
Groupe Commune de Paris
Emission Au fil des pages sur Radio libertaire

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