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par Francis PIAN • le 20 septembre 2025

33 Newport Street

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Issu des couches populaires
D’un quartier populaire de Leeds, ville au passé industriel du nord est de l’Angleterre, au monde universitaire, tel est le parcours de Richard Hoggart, sociologue, auteur d’une trentaine d’essais dont La Culture du pauvre en 1957 et celui publié par les éditions Hors d’atteinte, 33 Newport Street, autobiographie d’un intellectuel issu des classes populaires anglaises.

L’auteur mêle souvenirs d’enfance et outils d’analyse pour présenter la vie d’un quartier ouvrier dans les années 1920 et celle de sa famille. Pas de misérabilisme, pas de condescendance à l’égard d’un milieu dont il est issu et pour lequel, il garde estime, amour notamment envers les femmes, sa grand-mère, sa tante qui l’ont soutenu dans son ascension sociale. Trop souvent les individus issus des milieux populaires travestissent leurs origines. D’autres observateurs provenant de milieux plus favorisés tentent de comprendre cette vie ouvrière où chaque sou compte mais ils ne peuvent pas donner de la chair à leur récit. Albert Camus ou Louis Guilloux l’expliquent fort bien dans leurs ouvrages et correspondances.

La justesse des descriptions et des sentiments
Richard Hoggart mêle autobiographie sociologique et récit littéraire avec talent, 33 Newport street « se lit comme un roman, captivant et chargé d’émotion », souligne son éditrice, Marie Hermann. La justesse des descriptions, des faits, des sentiments est sensible pour ceux qui sont issus de ces milieux. Sa mère compte et gère son budget, qui est obligée de refuser tout extra à ses enfants. « S’ils veulent survivre et ne pas couler, les pauvres doivent, fardeau supplémentaire, ironique et pervers, gérer leur argent comme le feraient des comptables. »

Certains membres de sa famille qui vont à l’usine et se privent de progrès social. Chaque détail du récit permet de comprendre la vie de ces quartiers, la difficulté pour les enfants de se projeter. Le sociologue Bernard Lahire souligne avec justesse le « mépris de classe qui frappe ordinairement ceux que l’’on qualifie de « tendus », de « radins » ou d’anxieux alors qu’en réalité, ils n’ont jamais eu le luxe de ne pas l’être. Ceux qui, comme on dit, « ont les moyens », traversent sans inquiétude les petites épreuves […], rien de tout cela ne met en péril leur équilibre financier ni la survie de leurs proches. Ils donnent ainsi l’impression d’être détachés des contingences matérielles, mais uniquement parce que, pour eux, tout est facilement remplaçable. » Au-delà de ces rapports de classe, il y a aussi l’opposition entre « eux/nous » au sein de l’espace social, d’une rue à l’autre, presque d’un étage à l’autre. Par des exemples, des souvenirs, Richard Hoggart analyse des questions toujours actuelles comme l’héritage, les handicaps culturels, les inégalités à l’école. Il sait aller du concret à l’analyse théorique. Sa famille, l’oncle Walter et son alcoolisme, la tristesse de la grand-mère, les colères de la tante Ethel, on vit en vase clos, peu d’invitations. Les plaisirs sont faits maison, ils sont simples et on est heureux.

Pas de misérabilisme
Pas de misérabilisme au fil des pages. Des constats. Le regard des enfants est rude à l’égard de ceux qui ne peuvent se permettre de sortir, qui doivent porter des vêtements de faible qualité, regardés comme des boursiers.
La vie sociale est analysée par touches : l’école, les enseignants, les clubs, les vies sentimentales, la place des juifs. Une remarque assez juste à l’égard des flics. « Chaque fois que la police se comportait de façon peu honorable, on se contentait de dire : « Les flics ne chient pas des roses. » C’était la phrase populaire type ».
L’analyse largement développée du milieu scolaire, des inégalités, la motivation ou pas des enseignants, la pédagogie, la critique de l’enseignement de l’histoire, le parcours d’un adolescent jusqu’à l’Université font songer aux textes de Pierre Bourdieu et de Jean-Claude Passeron.

Il ressort de ce livre, une intense et légitime fierté d’être issu de ce milieu populaire, de s’en revendiquer et de souligner les ressorts personnels et familiaux qui ont permis à Richard Hoggart de transmettre, par sa culture et son enseignement, les valeurs du monde ouvrier.

• Richard Hoggart
33 Newport Street
Autobiographie d’un intellectuel issu des classes populaires anglaises
Ed. Hors d’atteinte, 2025

PAR : Francis PIAN
Groupe Commune de Paris
Emission Au fil des pages sur Radio libertaire

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