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Histoire
par Sylvain Boulouque le 20 décembre 2025

PAGES D’HISTOIRE N°106

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Allemagne, le nazisme et sa mémoire

La parution récente de plusieurs ouvrages permet de revenir sur le nazisme, son histoire et sa postérité.

Une excellente synthèse a été réalisée grâce au travail de l’historienne Marie Moutier-Bitan et du graphiste Nicolas Guillerat. Ils mettent le nazisme en carte, graphique et tableaux, si l’on peut évoquer les choses ainsi, dans une collection appelée « Infographie ». Le travail n’était pas chose facile. La dimension pédagogique est évidente et s’avère particulièrement utile. Le découpage choisi est chronologique. Ils abordent d’abord la conquête du pouvoir puis étudient la société allemande sous le IIIe Reich et enfin se penchent sur les années de guerre.




L’ouvrage commence par un bilan de la Première Guerre mondiale, montre les révoltes sociales et politiques qui ont traversé l’Allemagne et les principaux lieux de violence politique. Ils présentent également la structure de la société allemande, les modalités d’accession au pouvoir. Ils analysent la diffusion spatiale du nazisme à partir des réseaux d’Hitler en Bavière. Ils proposent aussi une analyse de la diffusion des ouvrages d’Hitler, en particulier Mein Kampf. La seconde partie s’attache à décrire la société allemande sous le Troisième Reich.
Ils montrent par exemple par quels biais et grâce à quelles structures, les nazis contrôlaient la société, ajoutant une liste détaillée des emblèmes et des structures d’encadrement. Plusieurs graphiques explorent les structures de propagande, les moyens utilisés, comme le cinéma et les cibles désignées : les Juifs, « la ploutocratie capitaliste », les communistes, les socialistes, les syndicalistes. Enfin la troisième partie est consacrée aux années de guerre. Elles commencent en 1938 avec l’Anschluss puis l’annexion de la Tchécoslovaquie. La dimension militaire est également présente. Enfin, en plusieurs pages, ils étudient la politique nazie d’extermination des Juifs et des Tsiganes d’une part et d’asservissement des Slaves d’autre part. Ils restituent à travers l’exemple d’un village d’Union soviétique en 1942 l’action des commandos mobiles de tueries. De même, la description graphique du camp de Sobibor permet de montrer le fonctionnement des camps d’extermination. Enfin, les auteurs proposent une riche mise en perspective de la fin du nazisme des conséquences de la guerre et des tentatives judiciaires différentes selon les régions du monde.




Cet ouvrage constitue une excellente entrée en matière pour aborder l’ouvrage classique de William L. Shirer Le IIIe Reich aujourd’hui réédité. L’ouvrage constitue un récit alerte et passionnant de l’histoire du nazisme que le journaliste américain a observé alors qu’il était en poste à Berlin. Il y décrit son avènement étudie la société allemande de l’intérieur, montre comment s’est effectué l’adhésion d’une partie importante de la population allemande au nazisme. Il décrit après les avoir observés les rassemblements de masse des nazis et leur capacité à mobiliser les foules. Le journaliste a également suivi les grandes crises générées par cette diplomatie agressive et ses projets expansionnistes. Il était présent lors du congrès de Nuremberg, en Autriche lors de l’Anschluss puis lors de la crise de Munich et à Berlin lors de la déclaration de guerre. Obligé de quitter l’Allemagne en 1940, il rentre aux États-Unis, Shirer en a tiré un journal. À la fin de la guerre, il suit pour la presse américaine le procès de Nuremberg se plonge dans les archives pour décrire au jour le jour ce qu’il a perçu. L’ouvrage écrit au ras du sol est passionnant, car il permet de comprendre les mécanismes d’adhésion d’une société à un projet totalitaire.




Ces ouvrages peuvent être complétés par la monographie de Stéphan Füzesséry, La Destruction de Berlin. Il répond aussi à cette analyse de la société allemande sous le Troisième Reich. Son étude commence avant l’avènement du nazisme quand la ville grandit à la faveur de l’industrialisation et de l’urbanisation galopante. Elle devient l’une des plus importantes villes d’Europe. Hitler, au milieu des années trente, décide de transformer la capitale en une cité monumentale, alors que pendant longtemps, les nazis avaient défendu le peuplement dans de petites villes. Il étudie comment les architectes du IIIe Reich tentent de transformer la ville à partir d’un projet de type pharaonique. Le projet est conçu sous le nom de Germania. La ville devant être à la fois un milieu de pouvoir, une ville musée et un espace de propagande. La ville est en partie remodelée. La guerre a raison de ce projet et les destructions puis la division de la ville en deux entraînent une nouvelle transformation de la ville, qui avait avant 1933 le charme d’une cité d’Europe centrale.




Enfin, Frank Trentmann, universitaire britannique, analyse dans une grande saga fourmillant de témoignages les transformations de l’Allemagne. L’ouvrage est une vaste enquête d’histoire orale sur le rapport des Allemands à leur passé. Il cherche à montrer comment la société allemande qui a été façonnée par le nazisme, divisée en deux, traversée par un nouveau totalitarisme, a tenu à distance pendant près de 5 décennies le nazisme. Si la RDA a construit un imaginaire antifasciste dans lequel tous les nazis étaient à l’ouest, la RFA a-t-elle conduit une politique d’abord de mise à l’écart des principaux cadres du NSDAP puis a fini par les amnistier. Parallèlement s’est construite une société civile qui abhorrait l’ancien régime et sur un sentiment de culpabilité. L’abandon de l’histoire et l’écriture en RDA d’une histoire torve expliquent en grande partie, les évolutions les plus contemporaines et le succès grandissant des nostalgiques de la « grande Allemagne ». Enfin, selon son analyse, si les Allemands avaient un sentiment de responsabilité collective ; individuellement rares étaient ceux qui l’acceptaient au niveau familial. Cette enquête en souligne la dichotomie en les deux aspects, comme si la mémoire ne permettait pas de tirer des leçons pour le présent.

Infographie du Nazisme
Marie Moutier-Bitan
Nicolas Guillerat
Passé Composés 2025 176 pages 29 €

Le IIIe Reich
William L. Shirer
Les Belles lettres, 2025, 1302 p. 39 €

La destruction de Berlin
Stéphane Füzesséry
La découverte 2025 376 pages 24 €


Les Allemands
Sortir des ténèbres (1942-2002)

Frank Trentmann
Grasset 2025 1050 p. 39 €
PAR : Sylvain Boulouque
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