Le Monde Libertaire

Littérature > Des idées et des luttes: Révolutions à l’envers

Littérature

par Francis PIAN • le 31 août 2024

Des idées et des luttes: Révolutions à l’envers

Lien permanent : https://monde-libertaire.net/index.php?articlen=7996

« Un travail important de réimagination »

Les éditions Payot et Rivages proposent fréquemment des ouvrages portant sur l’anarchisme, certes des classiques de Proudhon, Bakounine, Kropotkine mais aussi d’autres d’auteurs plus récents comme Catherine Malabou (Il n’y a pas eu de Révolution, Réflexions sur la propriété privée, le pouvoir et la condition servile en France, chronique Des idées et des luttes du 27 avril 2024 site du Monde Libertaire) et David Greaber, tous deux participants au renouvellement de la pensée libertaire en introduisant notamment la notion de féminisme. David Greaber est décédé en 2020, de parents d’origine modeste, son père, ouvrier imprimeur combattit dans les Brigades internationales, sa mère artiste dans une comédie musicale produite par un syndicat d’ouvrières du textile. Après des études d’anthropologie, il obtient sa titularisation comme professeur à la London School of Economics an Political Science. Il publie à l’issue de sa thèse son Pour une anthropologie anarchiste. Il écrira sur de nombreux sujets de la valeur à la dette en passant par le pouvoir royal, la démocratie et même la piraterie. En 2000, il rejoint la section newyorkaise du Direct Action Network, participe au mouvement Occupy Wall Street. Ainsi il mène de front une carrière universitaire et des prises de position activiste.

Tirer des leçons et dégager des points de convergence
Un ouvrage reprend des textes de David Graeber dans lesquels il s’implique et souligne l’engagement qui fut le sien, Révolutions à l’envers, Essais sur la politique, la violence, l’art et l’imagination. Comme le souligne son préfacier, Vassily Pignoudès, « le recueil qui suit contient des écrits parmi les plus politiques de David Graeber [et j’ajouterai, parmi les plus lisibles et accessibles] ; ce sont des textes qui ont été publiés dans des journaux et des revues politiques et qui, pour la plupart, portent sur des questions de stratégie révolutionnaire. Les trois premiers essais (« Le choc de la victoire », « L’espoir en commun ») et le dernier (« Contre le capitalisme kamikaze ») traitent directement de ces questions, les uns s’attachant à tirer les leçons du mouvement altermondialiste et l’autre à dégager des points de convergence entre militants écologistes et travailleurs du pétrole. « Une armée d’altruistes » est un commentaire sur les luttes politiques autour des valeurs dans les Etats-Unis contemporains et sur l’attrait que suscite le populisme de droite au sein de la classe ouvrière. « Misère de l’opéraïsme » est une réflexion critique sur la théorie autonomiste italienne des années 1970 ».

Espoir dans un paysage déprimant ?
Un des points forts de ces textes réside certainement dans la recherche de signes d’espoir dans un paysage déprimant. Reprenant les luttes en question, Graeber démontre les réussites enregistrées et les craintes du capitalisme, des tenants du pouvoir. Pour nous européens et particulièrement français, certains conflits sont peu connus. Cependant, les affirmations, selon lesquelles il n’y a pas d’alternatives au capitalisme, trouvent leurs limites et cela constitue une victoire, celle de l’espoir en commun. Partout dans le monde. Il apparaît clairement que le système est épouvantable, même ses partisans savent qu’il ne peut donner à la majorité de la population une réponse aux « besoins aussi fondamentaux que la santé ou l’éducation ». Alors ? Interrogeons-nous ! Comment renverser l’ordre traditionnel. « Comprendre toutes les implications de ce changement exige un travail important de réimagination. Cela exige aussi de reconsidérer ce que des termes comme la violence, l’aliénation ou le « réalisme » signifient réellement. »
D’autres passages invitent à une réflexion rétrospective et prospective quant aux luttes sociales menées en France. Pour ceux qui avaient encore un espoir dans les combats électoraux, ce que nous vivons est éclairant. Le pouvoir, ses outils, l’Etat et ses forces coercitives cherchent à nous diviser. Les instances internationales restent inefficaces. Pour évoluer, faut-il promettre des lendemains qui chantent ou créer des trous dans la réalité ? Greaber reprend les propos du collectif GrimethInc : « Nous devons construire notre liberté en découpant des trous dans l’étoffe de la réalité. […] Le changement, le changement révolutionnaire, se produit constamment et partout – et chacun y joue un rôle, consciemment ou non. »
Peut-on y croire ? David Graeber nous en donne l’envie. « La seule solution qui nous laisse une chance de nous en sortir est de nous débrouiller seuls – en commençant par créer un langage neuf, un nouveau sens commun qui permette d’exprimer ce que les êtres humains sont réellement et ce qui serait normal d’attendre les uns des autres et de la vie. On pourrait en fait soutenir que le sort du monde en dépend. » Il y aurait comme un ton de L’Internationale.
« […]Le monde va changer de base
Nous ne sommes rien soyons tout […]
Il n’est pas de sauveur suprême
Ni Dieu ni César ni tribun
Producteurs sauvons-nous nous-mêmes […]»

• David Greaber
Révolutions à l’envers
Essais sur la politique, la violence, l’art et l’imagination
Ed. Payot et Rivages, 2024

PAR : Francis PIAN
Groupe Commune de Paris
Emission Au fil des pages sur Radio libertaire

Réagir à cet article

Écrire un commentaire ...

Poster le commentaire

Annuler

Des idées et des luttes: Révolutions à l’envers

Numéro en cours

Fouiller autrement

Glané sur le web