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par Francis PIAN • le 17 mars 2024

Paris 2024, une ville face à la violence olympique

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Comme un rêve en introduction du livre de Jade Lindgaard, Paris 2024, une ville face à la violence olympique, publié aux éditions divergences en 2023. « Les JO de 2024 sont les premiers de l’histoire moderne à rapporter de l’argent au pays hôte. Cet argent sert à créer des postes d’enseignants sportifs dans les quartiers populaires »… et tout fait rêver : réduction de la pollution, accessibilité des logements aux plus démunis, la vidéosurveillance est supprimée, le béton reverdit… Evidemment, ce ne sera pas la réalité et Jade Lindgaard souligne dans tout son livre les atteintes au droit, à l’environnement, au logement, au travail, à la sécurité sur les chantiers, le gaspillage financier. Pour qui a connu d’autres grands travaux de l’Etat, on a le sentiment que rien n’a changé et la puissance de l’Etat alliée à celle du fric écrase la vie sociale. J’ai l’impression de revivre l’installation de Disney sur la plaine de la Brie à proximité de Paris et avec la complicité, les applaudissements des élus locaux. A noter que le livre est à la mémoire d’Amara Dioumassy, mort sur un chantier en 2023.

Le lecteur pourrait s’attendre à une charge violente contre les JO, le style est vif certes, mais l’autrice veut livrer « un récit d’élucidation devenu au fil de l’enquête une alerte contre les injustices que je voyais se dérouler sous mes yeux dans une indifférence quasi générale ». Elle s’appuie sur le cas des jardins ouvriers d’Aubervilliers détruits pour réaliser notamment un solarium avec la bénédiction des élus locaux, destruction annulée par le juge administratif mais c’est trop tard…

« On nous chasse »
Ces JO peuvent-ils faire du bien à la population ? Ce fut le grand argument de vente qui produisit une grande illusion en Seine-Saint-Denis, ce département si défavorisé aux portes de Paris. « Saint-Denis, L’Île-Saint-Denis, Saint-Ouen, Aubervilliers, le quartier de la Porte de la Chapelle forment une Péripolis, une continuité urbaine qui encercle la capitale parisienne sans en partager le capital économique ni le prestige. » La concentration des équipements sportifs sur une carte est impressionnante, c’est aussi une manière de déloger des populations. Le cynisme haussmannien est au rendez-vous. Où va-t-on loger les expulsés ? Environ 1 500 personnes ? Oh, désolé, ils ne sont pas expulsés mais relogés. A quel prix, pour quel logement ? Dans des quartiers à problèmes ? Avec un parc social sur saturé dans le département ? A quelle distance de leur lieu de travail ? Haussmann, je vous dis.

L’Etat s’occupe de tout, il retourne même Anne Hidalgo peu favorable initialement. Avec des formules de publicitaires, « Les jeux financent les jeux ». Tout dépend de ce que vous mettez dedans. Qui paie les infrastructures sportives, celles routières et ferroviaires ? Les rapports officiels relèvent de l’intox. Il n’y a pas de contre-expertises. Même la Cour des comptes n’est pas en mesure de se positionner. A noter encore : Paris était la seule ville candidate… Tout le monde peut se souvenir des déficits retentissants des JO précédents. Heureusement « le plan com » opère à fond et organise l’oubli. On est fasciné par le verbiage qui noie et méprise les habitants. Quelle concentration ! 10 500 sportifs, 50 000 volontaires, 25 000 journalistes… et l’accès aux jeux ? Entre 24 et 990 euros par place. Qui pourra se le payer ?

On parle de placements et de rentabilité
Et une fois, cette frénésie passée, que deviennent les équipements, les quartiers artificiellement bâtis ? Le prix du mètre carré habitable (7 000 Euros) exclut le retour des populations aux faibles ressources. La gentrification de ce secteur de la Seine-Saint-Denis est en route. Le prix de l’immobilier a progressé de 29% en cinq ans à Saint-Ouen, de 22% à Aubervilliers. Un sinistre nettoyage social qui se traduit déjà par ses sas d’accueil en région pour les migrants. On parle de placements et de rentabilité mais pas de coût social.
Les équipements seront légués aux collectivités territoriales, payés par les contribuables et aux coûts de fonctionnement et d’entretien invérifiables. Va-t-on vers la même catastrophe que celle des villes nouvelles construites dans la précipitation entre 1975 et 1990 à l’urbanisme et l’architecture déplorable comme celle d’Evry-Courcouronnes ? La population de Seine-Saint-Denis n’a pas été consultée, elle est même exclue, écrasée par les propos « cocoricos » des responsables publics et privés qui imposent la raison d’Etat. Celle qui justifie des choix aux résultats désastreux mais les responsables ne seront plus là.

N’oublions pas l’injustice environnementale : les jardins ouvriers d’Aubervilliers détruits, une emprise de 7 hectares amputant le parc de la Courneuve, mais aussi 1,5 hectare de bois rasé à Elancourt dans les Yvelines, les roselières de Vaires-Torcy en Seine et Marne saccagées. L’espace naturel ou semi-naturel, l’air, l’eau, la terre constituent des communs si fragiles en région parisienne, aujourd’hui ignorés par le pouvoir et l’argent.

• Jade Lindgaard
Paris 2024, une ville face à la violence olympique
Ed. Divergences, 2023

PAR : Francis PIAN
Groupe Commune de Paris
Emission Au fil des pages sur Radio libertaire

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