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par Francis Pian • le 9 avril 2023

Des idées et des luttes : L’anarchisme chrétien

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« Le potentiel révolutionnaire de l’amour »

J’aime bien, dans notre émission Au fil des pages sur Radio libertaire et dans cette chronique Des idées et des luttes, présenter des livres qui étonnent par leurs titres, leurs contenus, voire leurs auteurs. En l’espèce, il s’agit du livre d’Alexandre Christoyannopoulos, L’anarchisme chrétien publié aux éditions Atelier de création libertaire en 2022.

Apparemment, c’est étonnant. Deux termes qui paraissent en opposition avec en sous-titre un commentaire politique de l’Évangile, c’est-à-dire la Bonne nouvelle. Il ne s’agit pas pour nous d’être d’accord ou pas mais de prendre en compte des nuances, des sensibilités qui s’expriment dans la mouvance anarchiste. Et même si elles diffèrent de nous, elles nous donnent à réfléchir, quitte à renforcer nos convictions initiales.

Tolstoï, dénonciateur de l’État et de l’Église
Qui peut représenter ce courant ? Par exemple, Tolstoï, un écrivain célébrissime et un sévère dénonciateur de l’État et des compromissions de l’Église en tant qu’institution. Ah voilà qui devient intéressant. Et en France un philosophe moins connu aujourd’hui, Jacques Ellul qui s’affichait chrétien et anarchiste. Il en est d’autres présentés dans ce copieux ouvrage issu d’une thèse.
En effet écoutons l’auteur : « La thèse avait pour objet de produire une synthèse claire et accessible de toutes les publications anarchistes chrétiennes dont j’ai pu avoir connaissance. »
Il s’agit d’explorer en détail les critiques émises sur l’idée chrétienne de l’État.
Plusieurs axes : exposer la vision anarchiste chrétienne des implications politiques de l’enseignement et du comportement de Jésus, analyser leur critique de la collusion de l’Église et de l’État depuis l’empereur Constantin, apprécier l’interprétation anarchiste chrétienne du passage du « Rendez à César » et de Romains 13, une épitre de Paul aux Romains et enfin présenter la mobilisation que les anarchistes chrétiens attendent des chrétiens.

Disons-le aussi d’entrée de jeu, cet ouvrage fait appel à une culture chrétienne certaine sans être soutenue. Il se lit aisément même si certaines références exigent de retourner aux textes d’origine. Bien entendu, il ne s’agit pas de croire mais de comprendre.

Ainsi Tolstoï s’appuie sur le célèbre sermon sur la montagne de l’évangile de Matthieu qui contient selon lui les principes moraux du christianisme. « Nulle part Jésus ne parle avec autant de solennité, nulle part il ne donne des règles morales plus claires, plus accessibles, qui trouvent plus d’écho dans le cœur de chacun ; nulle part il ne s’adresse à une foule plus grande de gens du peuple. » Tout est fondé sur l’amour et le pardon. Plus de loi du talion. Il faut sortir de la violence et un certain nombre de pacifistes s’inspirent de ce texte.

Il est beaucoup plus prudent à l’égard des miracles au nom de son positivisme rationaliste. Il restera un opposant à l’État et l’Église.

Répondre à l’injustice
Jacques Ellul estime qu’il faut sortir du cercle vicieux de la violence. La violence est une simplification des situations, il faut une alternative pour répondre à l’injustice, vaincre le mal par le bien.
De même, les anarchistes chrétiens s’opposent à l’État. Celui-ci est fondé sur la violence, la violence légitime, il n’est pas chrétien. Tolstoï invite à ne pas utiliser les procédures pénales, à ne pas jurer, à s’opposer aux guerres et au patriotisme, à être en quelque sorte hors du droit. Les rapports entre les individus sont fondés sur la formule : « Faites à autrui tout ce que vous désirez que les autres vous fassent », la Règle d’Or.

Les liens entre l’Église et l’État se retrouvent chez Constantin et la religion d’État, renforcée par le concile de Nicée en 325. A partir de ce moment-là, l’Église s’institutionnalise, s’enracine, affirme des dogmes, appuie l’État et n’a plus rien à voir avec le message du Christ.

Dans ces conditions faut-il mener une révolution ? Non pas dans la violence pour les anarchistes chrétiens. Souvent les révolutions provoquent des bains de sang. C’est par le dédain à l’égard des institutions, par l’exemplarité, par une forme de contre-culture que les changements se produiront.

L’auteur cherche des exemples dans l’Histoire, il relève les communautés des églises primitives, certaines sectes du Moyen-Age, voire la première version des franciscains avant que l’Église ne remette la main dessus.

Nous pourrions peut-être demander à ces chrétiens comment faire naître le royaume de Dieu. Pour l’auteur : « En somme, tant par leur enseignement que par leur exemple, les anarchistes chrétiens s’efforcent d’agir en prophètes, mettant l’humanité en garde contre ses péchés, l’invitant à suivre Dieu, et lui rappelant le potentiel révolutionnaire de l’amour, du pardon et du sacrifice – c’est-à-dire en l’appelant à suivre Jésus jusqu’à la croix. »

Francis Pian

L’anarchisme chrétien. Un commentaire politique de l’Évangile. Alexandre Christoyannopoulos. Éditions Atelier de création libertaire, 2022.

PAR : Francis Pian

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