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par Francis Pian • le 1 janvier 2023

Des idées et des luttes : Les républicains espagnols à Rivesaltes.

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Réfugiés espagnols à Rivesaltes, des enfants témoignent

Le froid, la neige, la marche forcée avec les troupes franquistes aux trousses vers la France considérée comme l’espoir, le pays des droits de l’homme : la Retirada. Des milliers de personnes fuient et arrivées à la frontière sont, dans un premier temps, bloquées aux cols en plein mois de janvier et de février 1939. Puis, dans le chaos improvisé, elles sont dirigées vers des camps de concentration comme l’administration française les appelle.
18 000 personnes passeront par celui de Rivesaltes, dans les souffrances, la faim, les séparations imposées aux familles, le mépris et la xénophobie d’un grand nombre de responsables français.
Le mémorial de Rivesaltes publie avec les Éditions Loubatières, le livre de Geneviève Dreyfus-Armand, Les républicains espagnols à Rivesaltes. C’est le sous-titre qui doit retenir notre attention : D’un camp à l’autre, leurs enfants témoignent janvier 1941-novembre 1942. Les parents sont aujourd’hui décédés, ils ont été oubliés par la République française, quand bien même ils furent nombreux à poursuivre le combat contre le fascisme dans la Résistance. Parfois pourchassés par les collabos français, la honte du pays des Droits de l’homme.

La faim en commun
Des femmes, des enfants sont parqués dans ce camp, ballotés vers d’autres aux noms sinistres comme celui de Gurs ou le pire, celui d’Argelès. Les hommes, eux, sont envoyés sur des chantiers dans le cadre des groupements de travailleurs étrangers.
Douze témoignages sont rassemblés dans ce livre, évidemment très émouvants car ce sont des regards, des ressentis d’enfants, même si ce sont des adultes qui s’expriment. Les souvenirs remontent à la surface ce que les archives ne pourront jamais révéler. Qu’est-ce qui a permis à ces réfugiés de tenir ? Probablement parce que les adultes étaient des personnes engagées avec un idéal. Des mères courage qui manient le collectif, la solidarité et qui savent pourquoi elles se sont battues. Les enfants restent en France pour la plupart, naturalisés quand ils comprennent que le retour n’est pas proche, il faut défaire la valise… ils gardent souvent la culture politique de leurs parents, CNT, UGT, PSOE, FAI. Ils acquièrent aussi une culture française.

Rivesaltes, « un lieu pluriel »
Au fil des pages, les témoignages sont durs. Plusieurs relèvent le sort réservé aux juifs vers la Shoah, la déportation des pères espagnols vers Mauthausen. Vous retrouverez les scènes terribles du passage de la frontière. Ces cols, j’en ai parcouru quelques-uns en été et je songeais à l’épreuve que cela a dû représenter au cœur de l’hiver. Rappelons-nous le livre de photos, Chemins de l’exil, Caminos del exilio édité par l’association du 24 août qui porte la mémoire de la Nueve, la troupe de républicains, d’anarchistes qui arrive la première des troupes françaises rentrant dans Paris en 1944. Je l’ai commenté lors de l’émission d’Au fil des pages du 28 septembre 2022.
Lisez les témoignages sur les avions fascistes et nazis s’entraînant à bombarder les colonnes de réfugiés comme ils sauront si bien le faire en France pendant l’exode.
Vous n’oublierez pas le regard de ces enfants enveloppés de couverture dans le vent et le froid glacial, tout comme l’attitude digne des femmes qui me font toujours penser à celles de la Commune de Paris.

Rivesaltes est un lieu pluriel, « lieu d’internement d’étrangers « indésirables » pendant la guerre mondiale », les républicains espagnols, les juifs, les tziganes et plus tard les harkis. Oui, Rivesaltes est un lieu de mémoires partagées avec une spécificité espagnole. Pourquoi ? Parce que les enfants d’Espagne connurent deux guerres, celle d’Espagne et la seconde guerre mondiale ce qui n’enlève rien à l’horreur des souffrances des autres victimes.
Concluons avec Albert Camus, « c’est cela sans doute qui explique que tant d’hommes dans le monde aient ressenti le drame espagnol comme une tragédie personnelle […] c’était une guerre de liberté. »

Francis Pian

Les républicains espagnols à Rivesaltes. D’un camp à l’autre, leurs enfants témoignent. Janvier 1941-novembre 1942
Geneviève Dreyfus-Armand. Ed. Le mémorial de Rivesaltes avec les Éditions Loubatières, 2020

PAR : Francis Pian
Groupe Commune de Paris

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