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par Francis Pian • le 13 mars 2022

Des idées et des luttes, Retronews n°2

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« L’électeur nomme son boucher »

Le numéro 1 d’une revue est toujours une surprise, bonne ou mauvaise. Le premier numéro de Retronews nous avait séduit par sa diversité et dans sa valorisation de la presse du fin 19e et début 20e, il nous avait fait notamment découvrir l’influence du Lib, Le libertaire de Sébastien Faure (Cf l’article du 30 octobre 2021 dans la rubrique Des idées et des luttes sur le site du Monde libertaire).

Le deuxième numéro sera-t-il à la hauteur ?

Celui-ci est consacré aux élections. A priori, ce n’est pas trop notre sensibilité. Pourtant, le lecteur y trouvera un article sur Zo d’Axa qui promènera dans les rues de Paris un âne appelé Nul en incitant les gens à voter Nul, pour dénoncer la mascarade des élections. La campagne est menée par son journal La Feuille (1898).

« Votez tous pour l’âne blanc Nul »
Un personnage truculent, ce Zo d’Axa , Charles Malato, collaborateur de L’En dehors, le décrit ainsi : « Écrivain et cavalier errant, drapé d’une cape de couleur sombre et coiffé d’une façon de sombrero, sous les larges bords duquel on ne distinguait que des flots de barbe rutilants. Zo d’AXA eût pu revendiquer pour armes la plume, l’épée et la guitare ».

Votez pour un âne ?? Lisons sa profession de foi :

« Votez, électeurs ! Votez ! le parlement émane de vous : une chose est parce qu’elle doit être ; parce qu’elle ne peut pas être autrement. Faites la chambre à votre image. Le chien retourne à son vomissement – retournez à vos députés… […] Votez pour moi. Je suis la bête qu’il faudrait à la belle démocratie. Votez tous pour l’âne blanc Nul dont les ruades sont plus françaises que les braiements patriotards ».

Ils seront arrêtés et lui et l’âne, ce dernier est conduit à la fourrière par deux agents de police sous les sarcasmes de Zo d’Axa : « Citoyens, c’est l’autorité qui le guide, notre candidat est un candidat officiel, nous l‘abandonnons ! »

La grève des électeurs
Un autre texte consacré aux élections, celui d’Octave Mirbeau lui aussi de sensibilité anarchiste, il appelle à une grève des électeurs. Le style de Mirbeau est enlevé, fort, on le connaît pour son Jardin des supplices, son Journal d’une femme de chambre, mais cet article reproduit in extenso, paru dans le Figaro du 28 novembre 1888 vaut le détour, Mirbeau s’étonne qu’il puisse exister dans notre pays « un électeur, un seul électeur, cet animal irrationnel, inorganique, hallucinant, qui consente à se déranger de ses affaires, de ses rêves ou de ses plaisirs pour voter en faveur de quelqu’un ou de quelque chose ». Il en appelle à Balzac, un maître de la sociologie romanesque ! Cet électeur, comment peut-il « consentir à se donner des maîtres avides qui le grugent et qui l’assomment » ? « Plus bête que les bêtes, plus moutonnier que les moutons, l’électeur nomme son boucher et choisit son bourreau. Il a fait des révolutions pour conquérir ce droit. » Je renvoie au dossier du Monde libertaire de mars 2022 consacré à l’abstention révolutionnaire qui contient de larges extraits de ce texte d’Octave Mirbeau.

Hormis ces deux brûlots, on peut lire un dossier consacré à l’immigration et notamment un article paru dans Le Populaire en 1938 de Magdeleine Paz à la rencontre d’une communauté de travailleurs marocains vivant en banlieue parisienne « au plus bas degré » de l’Empire colonial français. Ses reportages sur la vie et l’exploitation dans les colonies révèlent et dénoncent les conditions sordides et de mépris à l’égard des peuples, le tout avec un talent de plume et une clairvoyance politique rare à l’époque, y compris à gauche. Un petit article relate le triste parcours en mai 1939 du Saint Louis un bateau avec plus de 900 juifs fuyant le 3e Reich et qu’aucun pays ne veut accepter, un sinistre côté Exodus. Ils seront hébergés un temps en France qui s’empressera de les abandonner à Monsieur Hitler.

Les bégaiements de l’Histoire
Découvrons la vie de la communauté arménienne à Alfortville, celle de la petite Espagne de la Plaine Saint-Denis qui accueillit tant de réfugiés républicains et d’anarchistes après la guerre d’Espagne, voire plus avant le sort des Polonais du Havre. J’annonce des thèmes d’articles pour inciter le lecteur à les découvrir mais aussi me fascinent l’actualité des scènes, des propos, les valses hésitations des pouvoirs publics. Lire un collaborateur de Je suis partout comme Lucien Rebatet, c’est lire l’extrême droite d’aujourd’hui. Et c’est sans doute l’intérêt de cette revue de nous montrer que l’Histoire ne se répète pas mais qu’elle bégaie étrangement.

Et laissons-nous aller sur des textes relatifs à Huysmans, l’auteur de La Cathédrale, A rebours. Ou encore, l’histoire du Mont de pitié qui fut remis en cause pendant la Commune de Paris. Les réclames des grands magasins populaires, un dossier sur la boxe, une interview en 1934 à la veille des procès de Moscou du camarade Staline par l’écrivain H.G. Wells, des propos surréalistes qui montrent que même des intellectuels de gauche ne voulaient pas voir la réalité du monde soviétique, les célèbres idiots utiles.

Francis PIAN

Retronews n°2 janvier 2022

PAR : Francis Pian
Groupe Commune de Paris

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