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par Francis Pian • le 5 mars 2023

Des idées et des luttes : Le temps des féminismes

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Le temps des femmes

Michèle Perrot, à l’invite d’Eduardo Castillo, un de ses anciens étudiants, nous propose un petit livre dense, aux informations précises qui savent mettre en perspective « l’histoire des femmes et surtout du féminisme ».
Celui-ci, selon elle, pendant trente ans, « a paru comme en sommeil ». Les combats semblaient tous gagnés. Bien sûr, il n’en était rien et « il y a un peu plus d’une dizaine d’années, des jeunes femmes dynamiques, enthousiastes, déterminées ont pris le relai, comprenant qu’un long chemin restait encore à faire ».

Cet ouvrage, Le temps des féminismes, paru chez Grasset, en 2023 évoque deux histoires, l’Histoire et l’histoire personnelle de Michèle Perrot. Les deux s’imbriquent pour le plus grand plaisir du lecteur. C’est un essai d’ego-histoire. En lisant certains passages, je songeais aux livres de Mona Ozouf, notamment Portrait d’une historienne et Pour rendre la vie plus légère : les livres, les femmes, les manières, toutes deux de grandes historiennes qui vivent l’Histoire. C’est leur passion et cela se sent à la lecture.

Michèle Perrot dans les années 70 prend conscience de sa solidarité avec les autres femmes. « Alors je me suis sentie vraiment féministe, et j’ai fait partie de cette lame de fond qui bouleversait la société française. Au fil des ans, j’ai été témoin et actrice. » Peut-on être historienne et féministe ? « J’ai toujours distingué mon engagement féministe et mon travail d’historienne. L’histoire est un instrument de compréhension, de recherche d’une vérité, c’est un exercice ambitieux et exigeant. Elle donne des instruments pour critiquer, et aussi pour penser contre soi-même. Une position peut être démentie par l’étude des faits : il faut se défier de soi et admettre que l’on s’est trompé. » Sans oublier d’où nous parlons. Ces pages consacrées à la démarche historique sont passionnantes, elles montrent la modestie de cette grande historienne face aux sources, aux témoins, aux plus humbles, aux thèmes. Pour elle, il faut chercher, trouver les traces car les femmes apparaissent peu dans les documents. Pourtant elles constituent la moitié de l’humanité, suivant la formule consacrée.

Trouver les traces
Évidemment l’histoire des femmes commence dans les grottes et certains considèrent que les mains de l’art pariétal seraient des mains de femmes. Il faut mobiliser d’autres disciplines que la science historique pour progresser dans cette connaissance. Malgré leur rôle, leurs capacités, la création reste masculine, le parcours en compagnie de Michèle Perrot souligne les combats menés, les difficultés rencontrées. Une belle synthèse sur plusieurs siècles même pour qui croit connaître cette histoire. Les noms nous sont familiers. Michèle Perrot insiste sur Olympe de Gouges et la célèbre Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Les femmes commenceront à s’émanciper par l’écriture, le journalisme, La Fronde, l’enseignement, la médecine. Comment faire coexister le travail et la maternité ? Les femmes les plus défavorisées connaissent la précarité et les logements vétustes. Le rôle de la religion fut redoutable dans la situation de soumission imposée aux femmes, d’où leur engagement fréquent en faveur de la laïcité, facteur de liberté et d’égalité.

Toujours des combats
« Le féminisme est une pensée » mais ce sont aussi des combats et Michèle Perrot rappelle les tensions en ce qui concerne l’avortement, la contraception et la fragilité des conquêtes. Plus tard apparaît la conscience du genre, la question de l’identité, le devenir, l’altérité. Cela permet d’aborder des questions complexes comme le port du voile, le woke, la cancel culture, l’intersectionnalisme.

Le mouvement MeToo a engagé une nouvelle étape. Les pages consacrées à ce mouvement constituent un plaidoyer en faveur de la parole, il faut parler, il faut dire et dénoncer l’inacceptable. Et comme d’autres féministes, Michèle Perrot refuse d’opposer les femmes et les hommes. « L’amour suppose le consentement. […] Réaffirmons la puissance de l’amour. Mais réinventons-là dans l’égalité et la liberté. » On peut retrouver tels propos chez Louise Michel et Séverine. « Universel dans sa foisonnante diversité, le féminisme est une manière de révolution dans les rapports entre les sexes, un chemin sinueux, ombreux, obstiné, vers l’égalité, la liberté et l’amour. »

Je terminerai par ses mots concluants son avant-propos : « Tout cela constitue une tumultueuse et passionnante histoire inachevée, sans cesse recommencée et à l’issue incertaine ».

Des termes qui s’appliquent aux féminismes ou à l’historienne ? Un peu aux deux, je crois !

Francis Pian

Le temps des féminismes, Michèle Perrot. Ed. Grasset, 2023

PAR : Francis Pian
Groupe Commune de Paris

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