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par Francis Pian • le 27 décembre 2022

Des idées et des luttes : Histoire générale du Bund

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Le Bund, une structure de combat et de justice sociale

Qui se rappelle du Bund aujourd’hui ? le Bund, Union générale des travailleurs juifs de l’Empire russe qui rassemble jusqu’à 40 000 adhérents dans un climat de répression menée par la police tsariste. Qui mobilise les milliers d’ouvriers juifs dans des grèves, des manifestations imposantes. Dont les militants sont assassinés lors de progroms, déportés en Sibérie. Comment ce mouvement créé en 1897 a-t-il pu disparaître en 1948, écrasé par le totalitarisme soviétique ? Les éditions L’échappée publient une Histoire générale du Bund, un mouvement révolutionnaire juif d’Henri Minczeles avec une préface de Constance Pâris de Bollardière, constituant une somme, véritable référence sur l’histoire de ce mouvement.

Nous sommes dans la zone de résidence des juifs en Europe centrale, la communauté fait l’objet de discriminations, de violences, de pogroms. La classe ouvrière juive vit dans une misère extrême. L’émigration vers les États-Unis est la seule solution pour un million d’entre eux. En octobre 1897, un petit groupe s’inspirant du marxisme décide de traduire cette pensée en yiddish. Des caisses de solidarité se créent, la grève est perçue comme une arme de combat. Donc il faut créer une structure de combat, le Bund, Arkadi Kremer en sera le père fondateur. Pour lui, « il était nécessaire de persévérer dans une agitation continue, où prolétariat et intellectuels formeraient l’avant-garde du mouvement socialiste. Une communion étroite entre ouvriers et intellectuels, entre les opprimés et leurs propagandistes, était nécessaire ». Il ne s’agit pas d’une organisation religieuse mais au contraire laïque avec des caisses de solidarité, dont le yiddish est la langue de combat. Les journaux, les brochures dans cette langue constituent une identité. Le Bund s’oppose au sionisme et considère que le combat doit se mener en zone de résidence telle qu’elle figure page 21 de l’ouvrage. La lutte des classes conduit le Bund à mener des grèves, y compris dans des entreprises tenues par des juifs. Certains syndicats comme celui des brossiers s’opposeront à la politique des rabbins. Les pogroms comme celui de Kichinev initiés par la police tsariste massacrent des communautés. Des dispositifs d’autodéfense se mettent en place.

« Une communion étroite entre ouvriers et intellectuels »
L’émergence de la sensibilité bolchevique va s’opposer aux positions du Bund, Lénine refuse la « nation juive ». Trotsky aura des mots cinglants. Après la révolution de 1905, le Bund regroupe encore 33 000 personnes, là où les bolcheviques n’étaient que 13 000. La violence de la répression menée par Stolypine, les lockout adoptés par le patronat fragilisent le Bund et l’action revendicative.

La question de l’identité nationale fait l’objet de nombreux débats dans le mouvement socialiste : Karl Renner, Otto Bauer, Rosa Luxembourg, Karl Kautsky, sans oublier la position de Staline qui contribuera largement à briser toute tentative de spécificité juive. Le Bund maintient sa ligne mais 1917 et ce soleil qui lève à l’Est vont changer la donne, les bolcheviques vont organiser la prise en main, les pages de l’ouvrage sont éclairantes sur les méthodes et les invectives. En 1921, on peut considérer que le Bund a cessé d’exister en Union soviétique. Les chefs historiques sont liquidés, les purges éliminent même ceux qui restèrent en retrait.

En Pologne, le Bund éclate en factions. La bolchevisation rampante produit ses effets. Le despotisme éclairé de Pilsudski intervient. Les masses ne se manifestent pas. Les dirigeants du Bund auront des propos visionnaires sur la dictature soviétique. Malgré des attaques virulentes contre le droit du travail et le Bund, celui-ci emporte les élections communautaires en 1936, c’est un triomphe aux élections suivantes fin 1938. Le point fort du Bund réside dans le syndicalisme, son enracinement prolétarien. En parallèle de cette action syndicale, les dirigeants du Bund investissent dans les écoles, le socialisme du quotidien.

La Seconde guerre mondiale emporte tous les espoirs. Varsovie vivra le courage du désespoir. Après-guerre, l’antisémitisme existe toujours, toujours cette accusation délirante d’un enfant chrétien tué par des juifs. La Pologne est conquise par les communistes. Le Bund tente de se maintenir à Paris et à New York où sont conservées ses archives, il disparaît en Pologne en 1948. Henri Minczeles conclut : « J’ai voulu simplement faire surgir de l’occultation par les Juifs eux-mêmes, ces hommes et ces femmes qui marquèrent une époque et qui pensèrent que l’Homme n’est pas nécessairement mauvais ».

Francis Pian

Histoire générale du Bund, un mouvement révolutionnaire juif, Henri Minczeles. Ed. L’échappée, 2022

PAR : Francis Pian
Groupe Commune de Paris

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