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par Francis PIAN • le 24 novembre 2024

De la contestation à l’action

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A partir du 17 novembre 2018 et pour plusieurs mois, la contestation dite des Gilets jaunes s’organise autour de blocages de routes, de ronds-points et de manifestations tous les samedis. Un jeune étudiant en art, Mil-an participe à Paris, le 1er décembre, à une des journées les plus intenses. Les Gilets jaunes sont nombreux et les forces de l’ordre dépassées pour un temps. Il en relate son expérience dans Faites-nous courir, récit partisan d’un gilet jaune publié aux éditions de la Lanterne à l’automne 2024.

Pourquoi ce livre ? « Garder vive la mémoire. Les anecdotes, les rencontres, les joies du mouvement, la sensation de pouvoir collectif, qui chauffe les cœurs et relève les têtes. Ne pas oublier celles et ceux qui, dans la course, y ont laissé des plumes ou ont perdu confiance. »

« La violence frappe nos chairs »
Et ce premier jour de manif pour Mil-an est comme une œuvre d’art : « La foule est jaune, la troupe est bleue. » Pour ceux qui s’en souviennent, des fumées sombres s’élevaient du quartier des Champs-Elysées, ailleurs Paris paraissait paisible. Pour les forces de l’ordre, une consigne : protéger l’Elysée. Ça castagne dur, les lacrymos fusent et notre jeune étudiant connaît la peur, la course pour échapper aux arrestations. « Tu viens manifester et tu te retrouves dans une guerre. Le pouvoir nous enferme dans un conflit, dans lequel il se sent gagnant s’il le résout par les armes, parce qu’il les a toutes. Grenades explosives, gaz, blindés, militaires, cellules, condamnations, il a toutes les cartes en main. Nous n’avons que nos corps, notre rage qui ne pèse pas lourd face aux charges répétées. La violence frappe nos chairs et nos esprits pour y fouiller la soumission. »

Il y retourne le 8 décembre, mais ce jour-là les mêmes forces de l’ordre sont galvanisées par les chefs politiques et la hiérarchie, organisées dans les stratégies d’encerclement. Le sentiment d’être fait comme des rats, les manifestants considérés comme des animaux. Ces techniques seront dénoncées y compris sur un plan international, et réutilisées pour réprimer d’autres manifestations en France. Mil-an illustre ses propos par quelques dessins pour souligner les techniques de souricière. Il tire d’ouvrages et de sites de sociologues des éléments pour expliquer le processus. On bloque des gens, on tire les lacrymos, on procède aux arrestations, le but est de dégoutter les manifestants, de créer la peur et de les qualifier d’activistes, de casseurs, de terroristes avec l’appui de certains médias.
Il est inquiet mais il y retourne. Les manifs, voilà qui crée des liens. On parle, on se tutoie, on soutient des hommes, des femmes, des jeunes, des vieux que l’on ne connaît pas.
Et hors de Paris ? Mil-an se retrouve à Limoges au rond-point de Grossereix, une gestion de terrain, le refus du FN. En Haute-Savoie, il vit une opération péage gratuit…
Son analyse des appels de Commercy est intéressante. Une proximité de terrain, pas de dirigeants. Les pages consacrées à l’organisation des débats démontrent la créativité des militants et le sérieux des échanges dans la bonne humeur. Une forme de joie dans le dialogue, le sentiment d’être écouté, respecté. Des outils à prendre en compte pour les luttes futures.

« Résister, c’est créer »
Et Mil-an réfléchit sur le rôle de l’art avec cette formule : Résister, c’est créer et créer, c’est résister. La référence au proudhonien Courbet, à l’art qui peut transformer le monde projette le lecteur dans des actions militantes au sein d ‘un centre d’art autogéré. L’art n’est pas réservé aux élites qui définiraient le beau. « Je souhaite tendre vers la démocratie culturelle, qui se présente comme un projet mettant la participation et la coopération au centre du processus créatif. »
Alors, les Gilets jaunes, du passé ? Tout dépend de l’aptitude des femmes et des hommes à l’autonomie et à la lutte. « Nous sommes habités par la joie, la rage, la fierté, la douleur, la détermination, le deuil et l’espoir. […] Nous sommes désordre, nous sommes la tache sur le tissu d’une histoire qui se voudrait écrite d’avance. »

• Mil-an
Faites-nous courir, récit partisan d’un gilet jaune
Ed. de la Lanterne, 2024

PAR : Francis PIAN
Groupe Commune de Paris
Emission Au fil des pages sur Radio libertaire

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