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par Francis PIAN • le 24 novembre 2024

DES IDEES ET DES LUTTES: Surréalisme. L’exposition du centenaire

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La révolution surréaliste

Dernière ligne droite pour visiter l’exposition intitulée : Surréalisme, l’exposition du centenaire, au centre Beaubourg à Paris. Fermeture le 13 janvier prochain. 500 œuvres regroupées en quatorze chapitres scandent les quarante ans d’une exceptionnelle effervescence intellectuelle. Je ne vous le cache pas, l’exposition est dense et le visiteur ressent le besoin de souffler par moment. Et puis une toile, une sculpture relancent l’intérêt, la fascination pour la créativité, l’imagination de ces artistes plasticiens, mais aussi dans le cinéma, la littérature… La dimension politique est relativement occultée, hormis quelques textes en lien avec Trotski mais manifestement ce n’était pas l’angle d’attaque des commissaires de l’exposition qui ne traitent pas de ses relations avec le PCF et encore moins avec la Fédération anarchiste alors que Breton a écrit dans quelques numéros du Monde libertaire.

Allons, régalons-nous des œuvres exposées dans un labyrinthe empreint de mystères. Il débute par un plateau exposant l’original du Manifeste rédigé et publié en octobre 1924 par André Breton et commenté par lui, sa voix reconstituée. Même sa fille en fut surprise. « C’est la voix de mon père. » Prenez votre temps pour lire ce texte. Engageons-nous dans ces salles thématiques avec le magnifique catalogue. En couverture, L’ange du foyer de Max Ernest et L’empire des lumières de René Magritte. Tournons ces couvertures et apparaît la phrase de Breton : « Transformer le monde, a dit Marx. Changer la vie, a dit Rimbaud : ces deux mots d’ordre pour nous n’en font qu’un. »

Rêve et réalité
Commençons par la partie Changer la vie. Elle nous guide dans l’exposition. Un labyrinthe, « la ville labyrinthique, la pensée qu’elle induit le legs le plus fécond du surréalisme. » les textes de Breton, Soupault, Desnos, Benjamin Péret se succèdent pour nous le démontrer. A partir de 1933, faisant d’une revue placée sous l’égide du Minotaure son organe officiel, le surréalisme se reconnaît dans les mythologies associées au labyrinthe. Breton précise : « Je crois à la résolution future de ces deux états, en apparence si contradictoires, que sont le rêve et la réalité, en une sorte de réalité absolue, de surréalité, si l’on peut ainsi dire. »
Intéressons-nous aux médiums. Des toiles, des oeuvres Le cerveau de l’enfant de Giorgio de Chirico, L’ange de l’anarchie d’Elleen Agar, Rayogramme de Man Ray. Et la trajectoire du rêve avec le sommeil hypnotique. Voyez cette toile d’André Masson, Dans la tour du sommeil, intense. Tout comme Les Vases communicants de Diego Rivera et cette photo montage de Dora Maar.
Avec Lautréamont, rentrons dans le jeunisme. Oui, les surréalistes c’est d’abord une histoire de jeunes. Aragon, esprit libre en ce temps-là, Breton, Soupault s’en vont déclamant dans différents lieux publics les strophes de ce poète encore inconnu. Après les chimères et les premiers cadavres exquis, intéressons-nous à un autre auteur relu par les surréalistes, Lewis Carroll et son Alice. Citons Breton : « Tous ceux qui gardent le sens de la révolte reconnaitront en Lewis Carroll leur premier maître d’école buissonnière. » l’enfant est idéalisé, les tableaux exposés nous font rentrer dans le monde fantastique d’Alice. Chacun constitue une source de méditation. Nous n’échappons pas aux monstres politiques. Les années 30-40 font songer à Franco, Hitler, Le Dictateur d’Erwin Blumentfeld. Entrez dans la salle consacrée à Mélusine et relisons Arcane 17 de Breton. Elle nous introduit dans les mystères de la forêt, celle-ci n’étant pas simplement un ensemble d’arbres… il nous reste à découvrir les larmes d’Eros avec une intéressante introduction d’Alice Mahon, universitaire. Tout en mystère comme Les amoureux (après la pluie) de Francis Picabia ou La Poupée d’Hans Bellmer. Un des temps les plus passionnants de l’exposition est certainement la découverte de la Pierre philosophale et le travail de l’alchimiste suivie de la quête dans la nuit et le cosmos. Vous êtes étourdis par cette quête ? Rassurez-vous, nous aussi. Mais quel parcours !

De tous les débats politiques
Prolongez cette découverte par la transformation du monde, la seconde partie du catalogue présentée à l’envers, un peu comme des arcanes, des cartes à jouer. Là, la dimension politique du surréalisme est abordée après une introduction de l’universitaire Thierry Dufrêne. Les mots sont forts : Ouvrez les prisons, licenciez l’armée. Ne visitez pas l’exposition coloniale. Tout un débat sur le sentiment du merveilleux quotidien confronté au choc de la Guerre d’Espagne, aux relations tendues avec le PCF. Le surréalisme intègre Charles Fourier dans sa réflexion dans un échange sur la consommation. Ils s’investiront au moment des guerres d’Indochine, d’Algérie, les évènements en Hongrie et même en 1968 en France.

Alors le surréalisme, c’est fini ? Pas si sûr ! Allez de salle en page dans cette exposition étourdissante et ce catalogue prolongeant la réflexion et à vous de construire votre opinion en relisant les surréalistes.

• Catalogue d’exposition
Surréalisme. L’exposition du centenaire
Ed. du Centre Pompidou, 2024

PAR : Francis PIAN
Groupe Commune de Paris
Emission Au fil des pages sur Radio libertaire

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