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par Francis PIAN • le 9 mars 2025

DES IDEES ET DES LUTTES: Fille de la révolution

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REVOLUTION ET LIBERTE
Précieux témoignage que ce livre, Fille de la révolution de Vera Broido réédité par Allia en 2025. Vera Broido (7 septembre 1907 - 11 février 2004) était une écrivaine d’origine russe. Ces parents furent des révolutionnaires en Russie, réprimés par le régime tsariste puis pourchassés par les bolcheviks. Dans ce livre, elle relate son enfance et l’exil. Nous découvrons dès les premières pages l’engagement des parents. Elle les présente non sans une certaine fierté. « Mes parents, Marck et Eva Broido, étaient des révolutionnaires et leur liberté, voire leur vie même, étaient constamment menacées par la police secrète. Dans la Russie tsariste, les révolutionnaires étaient toujours en fuite, vivant la plupart du temps dans la clandestinité. Ils étaient souvent capturés, emprisonnés, exilés en Sibérie (avec ou sans procès), envoyés à la katorga (au bagne) ou même pendus. » Voilà une belle synthèse de cette vie qu’elle va partager. Elle remonte l’histoire jusqu’aux Décembristes mais la police secrète était redoutable. Difficile de mobiliser les ouvriers des villes. Vera Broido mentionne l’action de Kropotkine, « futur leader des anarchistes », qui se rendait auprès d’eux, « en tenue d’ouvrier, casquette et sac d’outils compris. Kropotkine fut lui aussi incarcéré ».

C’est toujours un plaisir de lire les témoignages des acteurs des évènements, celui de Vera Broido adopte le ton et le regard d’un enfant. Ces parents ne sont pas anarchistes. Installés car juifs dans la zone de résidence affectée, à Vilnius, ils deviennent des mencheviks, un choix dangereux et la mère de Vera Broido s’opposant à la guerre est arrêtée et condamnée à l’exil en Sibérie. Très intéressantes ces pages consacrées à la vie dans le shtetl, tout comme le départ avec sa mère. A Iakoutsk, « en hiver, personne ne pouvait sortir plus de quelques minutes, car l’haleine gelait dans la bouche et les narines ». La ville était surpeuplée d’exilés politiques et il en arrivait de plus en plus. Les parents s’enfuient. Et nous assistons aux grands débats au sein du courant révolutionnaire entre Martov et Lénine. Martov, avec les mencheviks, insistait depuis 1903 sur la structure démocratique du parti. Lénine avec les bolcheviks souhaitait une structure autocratique. Ainsi ceux qui prétendent que c’est Staline l’auteur de la stratégie dictatoriale, oublient volontairement ou pas ces débats. Les parents de Vera Broido rejoignent donc les mencheviks, ils s’investissent dans l’action militante du courant social-démocrate. Nous revivons les jours de la révolution, les journées de février, le Soviet de Petrograd où son père fut élu. Elle est seule, ses parents accaparés par les réunions. La pénurie est générale. « La seule chose à faire était d’aller au lit et de trouver l’oubli dans un livre. C’est probablement à ce moment-là, moitiés gelée et affamée, que j’ai pris goût à la lecture. Depuis, je suis capable d’oublier le monde alentour au profit de la page imprimée. »

En dictature bolchevik
Lénine rentre en avril 1917, les bolcheviks s’imposent par la force. « Il prétendit prendre le pouvoir au nom des soviets ; en réalité, il le prit au nom du parti bolchevik, qui n’avait joué jusqu’alors qu’un rôle mineur dans la révolution en cours. » Dzerjinski crée la Tchéka. La vieille Russie disparaît. Les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks sont arrêtés. Nous connaissons malheureusement l’histoire. (Jacques Baynac, La Terreur sous Lénine, Ed. L’Echappée, 2024). Sa mère, Eva mesure que le vent tourne. « Elle sentait que la Révolution, cet avenir radieux pour lequel elle avait consacrée sa vie, était en train d’être détruite. » la guerre civile est féroce. Elles peuvent passer en Pologne et arriver à Berlin. Les pages consacrées à Martov sont éclairantes sur la mise en place de la dictature bolchevique et l’impossibilité d’éclairer le mouvement socialiste mondial qui ne voulait pas voir. Nous retrouvons ce constat dans les mémoires d’Emma Goldman notamment. A Berlin, à Paris et ailleurs, Vera Broido poursuit sa vie et nous décrit la vie de cette diaspora avec les juifs, les Russes dits blancs, les mencheviks. Elle intègre le monde des arts, de la peinture, de la photographie, de la littérature, le dadaïsme. Qu’est devenue sa mère ? Elle est repartie en Russie (URSS désormais) en mission pour organiser une opposition menchevik, elle disparut et des années après, Vera Broido apprend qu’elle fut arrêtée, déportée en Asie centrale et fusillée le 14 septembre 1941. Les ordres de Staline.

• Vera Broido
Fille de la Révolution
Ed. Allia, 2025

PAR : Francis PIAN
Groupe Commune de Paris
Emission Au fil des pages

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