Chroniques du temps réel > C’était hier, le mardi 21 avril. 5e semaine des chroniques du confinement
Chroniques du temps réel
par Pierre Sommermeyer and Co le 16 avril 2020

C’était hier, le mardi 21 avril. 5e semaine des chroniques du confinement

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Un journal du confinement qui persiste

Mardi 17 mars, midi. Nous entrons dans une période de confinement contraint et nécessaire. Et ça vous fait quoi d’être confiné ? Sur proposition de Pierre, chaque jour un témoignage personnel sur le jour d’avant.


Chroniques au jour le jour

21/04/2020 ATTENTION, DEUX CHRONIQUES

1ère CHRONIQUE

Le pétrole : On n’avait jamais vu cela, le baril à moins quelque chose, c’est comme les emprunts à moins 0%. La chute des 7 sœurs, Exxon, Mobil, Chevron, Gulf Oil, Texaco, BP et Shell, la fin du pétrole de schiste, les sables de l’Alberta vont pouvoir respirer, un peu, et le chômage là-bas augmenter à vie d’œil.

La frontière par chez nous :
Jusqu’alors il y avait un jardin des deux rives avec une rivière au milieu. Un espace commun existait de fait qui était la matérialisation du passage permanent et historique entre les deux rives du Rhin, qui même aux moments des guerres a toujours existé. L’espace rhénan n’est pas une lubie d’historiens ou d’autonomistes en mal d’autrefois. C’est un besoin vital, ici. Il a suffi d’une bestiole pour que le pire advienne. La frontière est fermée. Pas à tout le monde ! C’est, disent les cousins allemands pour protéger de la contagion française. Faut dire que l’Alsace a fait fort. Les travailleurs frontaliers peuvent passer avec un tas de papiers, les camions eux ne sont jamais contrôlés. Je ne peux plus, simple passant, aller me chercher mon muessli ou prendre un café. Les magasins de Kehl ont réouvert et nous sommes, à 500 ou 1000 mètres de là, confinés dans notre pays.

La colère : elle gronde, sans aucun doute, mais elle gronde derrière les écrans. Quelques journalistes plus éclairés que d’autres se prennent à penser à la possibilité de changer de ligne politique alors que les politiques ne rêvent que de prendre place. Comme si l’effet covid avait une quelconque influence sur le désir de pouvoir ou la prescience des journalistes.

La carte des covidés : Souvent je parle avec mon frère en diagonale, eh bien oui, il est au sud de Toulouse et moi je suis à l’est. Donc nous parlons, nous échangeons, nous pouvons même nous empailler. Ce qui me surprends toujours c’est qu’il n’a pas la même vision covidienne que moi. Il m’a suffi de voir une carte de France des régions covidées pour comprendre. Chez lui, il n’y a presque rien. Chez moi c’est rouge vif, et bien sur chez lui c’est rose bien clair, et à côté, en Aquitaine, c’est carrément blanc. La France est coupée en deux, il y a les rouges, Grand Est, Ile de France et Hauts de France. Pourquoi imposer aux Pâles ce qui est incontournable pour les Rouges ? Parce que la France est une et indivisible, pardi ! L’Allemagne vient de donner l’exemple que le fédéralisme était le plus fort. Merci la révolution française.

En vrac : Le Berger de la CFDT vient de suggérer au pouvoir d’imposer les entreprises qui ont profiter de la crise. Pourquoi seulement elles ?
Les croque-morts n’arrivent plus à suivre, peut être faudrait-t-il avertir les futurs mourants d’attendre un peu.
Me suis promené un peu cet après-midi, avec mon ausweis dans la poche. Un tiers des personnes que j’ai croisé portaient un masque. Pour simplement doubler cela il faudra des flics, les mêmes qui arrêtaient ceux qui étaient masqués dans les manifs.
Pierre Sommermeyer

2e CHRONIQUE
ou la suite de la chronique du 20/04/2020...
Les choses auraient pu en rester là… oui elles auraient pu…
Le jour d’après... confinés dans notre petit appartement que la commune nous loue : un 40m² humide, enfoncé sous terre, voûté, on peut dire insalubre ; nouvel appel vers 16h, cette fois c’est la gendarmerie, ils sont au village, ils veulent nous voir.
Nous les retrouvons sur le parking à côté du gîte. Ils sont deux, un gradé et un élève gendarme, car avec le confinement les écoles ont fermé et les élèves ont été dispersés sur différentes casernes. Je vais à leur rencontre me demandant comment les choses vont se passer. Ils sont souriants, ouverts, nous disent qu’ils sont là parce qu’ «on» leur a signalé « que des étrangers qui venaient d’arriver au gîte se promenaient dans le village».
Nous exposons une fois de plus la situation et à notre surprise ils nous disent que c’est une bonne décision, et d’ailleurs nous les informons que la seule promenade que « les étrangers » ont fait c’était avec nous, la veille, et que d’ailleurs ils peuvent venir vérifier, nous sommes certains qu’ils sont enfermés dans le gîte. Pour vous donner une idée, ce gîte est un ancien four communal, il n’a aucune ouverture, si ce n’est la porte d’entrée, il est donc très sombre à l’intérieur, et c’est tout de même dommage de passer toute une journée enfermés, alors que dehors il y a un ciel bleu magnifique, une température qui doit avoisiner les 25 degrés. Bref, nous nous dirigeons vers le gîte, qui est bien sûr fermé, avec le couple d’anglais dedans…
Nous avons passé peut-être 3/4 d’heure avec eux, l’élève gendarme parlant anglais il a pu échanger facilement. Un dialogue entre personnes compréhensives, oui je sais ça peut paraître un peu difficile à imaginer… et c’est là qu’intervient la couche de confiture de fraise de ma tartine de merde… sourire…
Les gendarmes ont dit qu’ils allaient voir avec le consulat mais qu’effectivement il valait mieux qu’ils soient dans le gîte plutôt que dans leur voiture, que ça risquait de durer encore...qu’ils avaient tout à fait le droit de se déplacer comme nous, avec autorisations bien sûr, signées et tout le tralalala...et que c’était une bonne décision que nous avions prise avec eux...qu’humainement nous ne pouvons pas laisser les gens comme ça…
Vous vous rendez compte !! ce sont les gendarmes qui nous ont dit ça !!!!
Pour information nous avons aussi appris que tous les « étrangers » de passage en France et qui souhaitaient se déplacer sur tout le territoire, étaient libres de le faire car « les autorités compétentes » ont estimé qu’ils avaient la possibilité d’essayer de rentrer chez eux.

Me voilà donc ce soir face à mon écran pour vous raconter cette histoire. Parce qu’en ces temps de confinement où il nous faut nous autoriser à sortir, je ne pouvais pas passer sous silence cette rencontre...car bien sûr comme toutes les histoires, il y a aussi la rencontre, l’échange, le plaisir de découvrir d’autres personnes… et même si nous devons garder une distance de sécurité comme ils disent, nous avons partagé un cours anglais /français. J’ai bien l’intention aussi de leurs faire découvrir quelques saveurs culinaires pour adoucir leur attente.

Finalement je peux vous le dire, même si c’est complètement dingue pour moi quand j’y pense, mais j’ai été soulagé par le passage des gendarmes, au moins les choses sont « officiellement établies » et personne ne pourra rien y redire. Bien sûr cela a entraîné une gêne de la part des anglais qui ne voulaient surtout pas que nous fûmes importunés par leur présence, qui évoquaient la possibilité pour eux de « disparaître » à nouveau dans les montagnes, ce sont vraiment les mots qu’ils ont employés. Nous les avons assurés de notre soutien et qu’en aucun cas ils ne devaient bouger du gîte, qu’ils y étaient comme chez eux.

Voilà cette chronique fut certainement bien longue mais elle était nécessaire pour moi...parce que cette petite boule est toujours là, que ces comportements ont réveillé une nouvelle chose... que cette infime compréhension de l’humain que j’avais cru entrevoir est à nouveau bien au fond de mon tunnel sombre…

Chaque soir il paraît que des gens applaudissent… il fut un temps où ils applaudissaient des femmes que l’on tondait… j’ai bien senti que ces personnes étaient toujours présentes.

Merci à vous toutes et tous qui écrivez ces chroniques, j’aime vous lire, j’aime partager au travers de vos lignes tous ces plaisirs, ces questionnements: naviguer sur votre bateau, rire avec vos enfants, faire un pique-nique au bord de l’eau, découvrir l’amour avec T, écouter la vie des voisins, courir tôt le matin dans les rues désertes de Paris, manger des confitures maison, me confiner dans votre petit appartement ou m’étendre au soleil de votre jardin…..me permettre d’apercevoir la chaleur lumineuse au bout de ce tunnel.
Nath ( La rue râle)

20/04/2020
sur des airs de Satie, Beving, Jarreth……
Parce qu’il fallait que je vous raconte, que je vous dise, que vous sachiez, que vous compreniez, que ça existe vraiment pour de vrai ...qu’il n’y a pas que dans les films, que oui parfois la vie c’est une véritable tartine de merde arrangée à la confiture de fraises…
Alors je vous raconte cette histoire, cette histoire qui n’est ni romancée, ni arrangée, ni inventée, ni déformée. Cette histoire qui nous ai arrivée dans notre petit village perché, à 1000m d’altitude, sur les contreforts du Haut Diois… ce petit village où vivent à l’année une trentaine d’habitant.e.s ...ce petit village où l’on a peur, terriblement peur du virus...mais surtout peur des étrangers.

C’était donc un soir, il y a quelques jours à peine.
J’étais confortablement installée dans le fauteuil, à vadrouiller sur le net. Mon p’tit «rituel» du soir: faire un tour sur une page d’actu, lire la dernière chronique du ML, jouer au scrabble, lire les commentaires déjantés, les craintes, les espoirs, les rires, les vidéos drôles de chats qui courent partout...échanger sur Messenger avec les amis, la famille, les enfants...ne pas être trop sérieuse par ces temps incertains...
Ce soir là donc, j’étais en vadrouille sur une page Facebook dédiée aux gens du coin, une de ces pages où l’on échange, troque, vend, où l’on s’entraide.
Je consulte une annonce passée depuis à peine 5 minutes, en fait un véritable appel à l’aide d’une personne qui, au cours d’une promenade en montagne, a croisé un couple d’anglais confiné dans sa voiture depuis plus de 3 semaines.
Non, non, non, vous n’avez pas la berlue...3 semaines, 3 semaines qu’ils sont en bagnole, parce que plus de ferry, parce qu’en route pour l’Espagne où un nouveau job les attendait, ils se sont fait refouler par les flics espagnols manu militari, et je n’exagère pas; j’apprendrais plus tard qu’ils se sont fait sortir de leur voiture, flingue sur la tempe...bref le gars de l’annonce demande de l’aide: «Qui à une solution d’hébergement?»

Mon cher et tendre compagnon de route étant occupé de son côté sur son ordi sur «comment diffuser au mieux notre ML?», je lui raconte rapidement le truc et je lui dis « on leur propose le gîte communal» et ni un ni deux je réponds à la demande: «nous avons une solution, suite en mp»…

Pour info, nous avons la gérance du seul commerce du village, un petit café restaurant ainsi que la gérance d’un gîte d’étape communal; celui-ci est fermé tout l’hiver car pas de chauffage et avec le confinement nous ne sommes pas prêts de l’ouvrir.
Bref je vous épargne tous les détails...le lendemain le couple de «réfugiés anglais» arrive au village. Ils sont sales, fatigués, jeunes, drôles, ils nous répètent à plusieurs reprises «vous nous avez sauvés la vie». Les échanges sont compliqués parce que nous n’avons pas un niveau d’anglais exceptionnel... de leur côté ils ont commencé à apprendre quelques mots de français.

Nous leur avons imprimé des autorisations de sorties, nous plaçons une affiche sur leur véhicule, au cas où, avec notre numéro de téléphone pour informer les gens que «les anglais» sont confinés au gîte. Nous passons un bon moment avec eux, ils ont les larmes aux yeux …
Pour ma part j’ai le cœur noué de les imaginer dans leur petite voiture, gavée à ras bord de toutes leurs affaires, puisqu’ils partaient pour s’installer à Gibraltar.
Ils sont tellement contents que dans un élan de remerciement A. m’empoigne et m’enlace fermement, suivi par sa compagne...je me surprends à vouloir les repousser...et le virus bordel!!! je réalise alors comme le conditionnement a bien fonctionné...et aussitôt l’étreinte finie je comprends combien le manque de contact avec les autres est grand...4 semaines déjà!
Le lendemain matin je croise le maire du village, j’allais déposer mon sac poubelle, la sortie de la semaine. Je décide de lui exposer la situation car dans les petits villages les nouvelles circulent plus vite que la lumière et je souhaitais que les choses soient dites afin d’éviter tout malentendu.Il approuve notre décision, même si je vois bien qu’il ne comprend pas forcément tout; l’homme est brave, mais très vieux, il ne va pas rester maire encore très longtemps .
Dans la journée nous passons voir les anglais afin de nous assurer qu’ils vont bien, qu’ils sont bien installés et nous décidons de faire un petit tour du village...au passage nous rencontrons quelques habitants avec qui ils peuvent échanger et exposer leur situation...qui sera fort bien comprise par les personnes rencontrées. Notre «escapade» ne durera pas plus de trente minutes, retour au gîte et retour chez nous.
Le soir mon portable sonne, chose assez rare, surtout passées 20h; c’est M. une élue qui n’habite pas au village, vit dans le sud mais qui est en lice pour devenir la prochaine Mairesse du village; j’apprendrais par la suite qu’il y a d’ailleurs des remous de campagne, des dissensions électorales...dont nous ne nous occupons pas et d’ailleurs à l’heure des élections nous étions bien trop occupés à pédaler sur nos vélos de voyage en Thaïlande.
Après les échanges de politesse et les questionnements sur nos santés respectives, je sens au ton de sa voix une froideur lorsqu’elle me demande brutalement « dis-moi Nathalie, comment ça se fait que tu as ouvert le gîte à des étrangers?»… elle justifie sa question par le fait que «des» habitants lui ont téléphoné pour s’alarmer de cette initiative. En effet, quelle idée a bien pu me traverser l’esprit de vouloir offrir un toit à des personnes qui ne sont pas du village et qui potentiellement peuvent être infectées???
C’est vrai quoi quelle idée??? Ouvrir un gîte de 8 couchages, non chauffé, alors qu’ils auraient été bien mieux dans leur petite voiture bondée, sans douche, ni wc, ni lit...confinés sur un petit chemin de montagne … en temps de guerre… ça ne se fait pas!!
Le temps que sa question parvienne à mon cerveau je me dis: «ce n’est pas possible quand même», pas ici, pas dans ce village, cet endroit où soi- disant tout le monde se serre les coudes, tout le monde se connaît, se sourit, se salue...ce village où il fait si bon vivre; ce village où l’on a vu quelques maisons secondaires s’ouvrir au moment du confinement, il y a même «un fils à papa-maman» qui est venu d’un lointain pays de l’est pour se confiner dans la belle demeure secondaire de ses parents…
Mais bien sûr que si elle me la pose cette question, parce que «tu comprends Nathalie, tu aurais dû passer par une décision du conseil, les gens s’inquiètent... et puis d’ailleurs pourquoi ils ne sont pas rentrés chez eux, qu’est ce qu’ils allaient faire en Espagne...tu te rends compte si tout le monde fait ça»...et malgré ma rage de vouloir hurler, crier, pleurer, malgré ma douleur de prendre conscience que non, décidément nous ne sommes pas dans le pays de l’amour, du partage, de la tolérance, de l’entraide, malgré mon infinie déception, je reste calme, j’explique, j’argumente.
Nous échangeons pendant une bonne dizaine de minutes, je reste sur ma position, j’assume notre choix et puis de toute façon maintenant ils sont là...et si ça pose trop de problèmes, qu’elle me le dise, on trouvera autre chose. Elle enfonce le clou me disant qu’elle a contacté l’ancien maire du village, aujourd’hui sénateur, qui lui même en a parlé au préfet...rien que ça!!
Si elle pense m’intimider, me faire peur ou je ne sais quoi...c’est raté. Pourtant je l’aime bien M, nous avons toujours eu des échanges cordiaux, elle était présente lors de notre entretien pour la gérance, et tous ces gens, si craintifs, si peureux, si méfiants, viennent au Bistrot...ils nous connaissent, ils nous ont bien accueillis, nous qui n’étions pas d’ici.
Je suis blessée, déçue, triste...une petite boule de chagrin s’est gonflée, là dans mon ventre, une petite boule qui enfle et m’accompagne jusqu’au couché… me confortant dans l’idée, que oui décidément, un jour j’ai dû me gourer de planète… que le ciel n’est pas si bleu que ça … oh putain comme ça fait terriblement mal parfois de réaliser ça; même si je sais, oh oui je sais, combien le monde gronde, combien l’humanité peut être laide ...combien il nous faut souvent du courage et de la volonté pour toujours continuer à avancer, à persévérer dans notre lutte, dans nos convictions… et toujours il faut se relever de ces comportements abjects … ne pas baisser les bras.
Nath (La rue râle)


19/04/2020
Dimanche... Plus les jours passent, plus je me demande si ces chroniques ne nous procurent pas d’avantage l’occasion de nous raconter nous-mêmes que de parler du confinement à proprement parler. Somme toute, c’est plutôt plaisant. On découvre le quotidien de copains et copines croisées au Congrès, et qu’on connaît peu, à peine, ou pas du tout. Ne parlons pas de celles et ceux dont on ne sait rien, sinon une signature au bas d’un courriel circulant sur les listes. Une chronique, en passant, c’est une petite fenêtre ouverte sur le quotidien des uns, des unes, des autres, durant cette période étrange et inquiétante. En attendant, moi, ça m’aura fait plaisir d’avoir des nouvelles du copain René et de ses chats, de Gwénolé et de son bistro, de Mohamed qui reprend son boulot, du potager d’un mètre carré d’Isabelle... C’est aussi un échange de réflexions sur cette question que nous nous sommes toutes et tous posée à un moment donné : existe-t-il de bonnes raisons d’abdiquer nos libertés, ne serait-ce que pour une durée provisoire ? Nos libertés, pas notre liberté, je crois à l’importance de cette nuance. En tout cas cette nuance, elle aura de l’importance après, même si elle en avait déjà avant.

Quelle aubaine ! La date de cette chronique du confinement qui m’a été attribuée tombe en un jour bien particulier, qu’il va bien falloir nommer la veille d’un non-déconfinement annoncé. Dimanche 19 avril, en effet, c’était censé être le dernier jour du confinement. De notre côté, on y a jamais cru, pour vous dire. Lundi 20 avril, c’était la date à la quelle il a été question, à un moment donné, de la levée des mesures de confinement et de la reprise du cours normal de nos émissions. Ici, en Belgique (il me semble utile de préciser que je parle plus spécifiquement du point de vue de la partie francophone du pays), l’unanimité n’est pas au rendez-vous. On va faire comment ? Reprendre tout « comme avant », circulation, boulot, famille, école, consommation, comme si de rien n’était ? Comme une parenthèse qu’on referme, avec une sorte d’omerta sociale : « Ce qui s’est passé dans la parenthèse reste dans la parenthèse » ? Pas de doute, y aurait de quoi l’avoir mauvaise ! Mais pas de doute non plus, c’est probablement ce qui risque de se produire. Et plus sûrement encore, ce ne sera pas pour le lundi 20 avril. Reporté, le déconfinement !

On mise tout sur le 3 mai, maintenant. Le 3 noir, impair et manque. Manque parce qu’il y a fort à parier que le 3 mai ça ne suffira pas et qu’il faudra prolonger les mesures de confinement. Impair parce qu’au niveau politique, on n’en est plus à un impair près dans la gestion de cette crise. Noir, enfin, j’aurais aimé dire « à l’image de notre drapeau » mais en fait plutôt au diapason de la morosité qui gagne une grande partie de la population, qui se sent toute péteuse de s’apercevoir qu’on a obtenu d’elle de s’enfermer volontairement et de se couper de presque toute vie sociale, professionnelle, culturelle, et même familiale pendant une période aussi longue. Au fond, y a pas beaucoup de différences avec la manière dont ça se passe en France. On a eu aussi nos prises d’assaut des rayons PQ, pâtes et farines. Tous les jours à 20h, quelques gogos applaudissent le personnel médical. Et j’ai même pas envie de me payer leur tête. Juste quelques pauvres bougres, parmi une population déprimée, angoissée, impuissante, qui n’ont d’autres recours que ce performatif un peu pathétique pour se donner l’impression d’avoir prise sur les événements. « Mais si, je fais quelque chose, je soutiens le personnel soignant ! » Grosse différence : on n’a pas à se procurer un « bon de sortie » à soi-même, quand on doit se déplacer en-dehors de chez soi. L’appréciation est laissée à la bonne intelligence des contrôles policiers. Je sais, ça rassure.

Et moi, du coup, du haut de ma condescendance amusée, je fais quoi ? En quoi puis-je dire que je vis cette période de pandémie et de confinement en anarchiste ? J’aimerais pouvoir répondre, mais j’ai bien peur d’être déçu par ce qui va ressortir de cet examen de conscience très petit-bourgeois… (Bim ! Je l’ai placé ! Les copine-et-copains du CRML,vous me payerez un coup quand on sortira pour de bon, et qu’on aura l’occase de se croiser in real life!) Déjà pour tout dire, il faut voir la réalité de chacun et chacune. Le confinement, je ne peux pas me plaindre. Nous vivons à deux dans une petite maison, avec un beau petit jardin, dans un patelin plutôt rural. C’est pas Marly-Gomont, mais c’est pas Meudon non plus. On a des poules, un bout de potager. Mais ça, on le faisait déjà avant. Le confinement, ça limite les loisirs, on va pas se mentir. Mais en temps normal, mes loisirs tiennent sur plusieurs piles et dans plusieurs rayons de nos étagères. On appelle ça des bouquins. Est-ce que je lis plus avec le confinement ? Pas si sûr, bizarrement. Et je ne sais pas vraiment pourquoi. Mais ça, je me le demandais déjà avant. Un brin de paresse, peut-être ? Je dirais bien oui, mais j’aurais peur de me vanter !… Pas trop de promiscuité, donc, et puis j’ai une compagne qui coud et qui s’enferme une partie de la journée pour confectionner des masques en tissu home made by Tatinou (c’est son label !) avec du matériau de récup, pour l’entourage proche ou éloigné. Beau geste, que j’admire, non sans lui seriner que le premier boulot d’Emma Goldman, c’était la couture ! De mon côté, je fais la cuisine et la vaisselle, une partie du ménage, je lis, j’écris, je fais un peu de musique. Je sais, vous vous dites déjà : continue comme ça, copain, on verse dans le passionnant. Mais que voulez-vous ?! C’est dimanche, hein !… Et le dimanche, je flemmarde (quand je ne lis pas, n’écris pas, ne fais pas la cuisine, ne passe pas l’aspirateur, etc.) A Perwez, là où nous vivons, on sort gentiment dans les rues, on se croise, c’est tranquille. C’est plus calme qu’avant, je le reconnais.

Par contre, pour vous situer, on habite entre Namur et Bruxelles, et là c’est pas la même limonade. Namur, pour rappel, c’est une petite ville cossue, très provinciale, intitulée de manière un peu improbable « capitale de la Wallonie », sous prétexte que le Parlement wallon y trône et sévit. Mais ce n’est pas exactement ce qu’on peut appeler une ville trépidante. Eh bien pour le coup, on est tombé encore un cran en-dessous. Le rythme de la vie y est retombé en-dessous de celui d’un escargot sous valium. A Bruxelles, c’est encore plus impressionnant, parce que Bruxelles, on ne sait plus trop : capitale du Royaume, fichée comme une grosse noix au beau mitan d’une paire de gigantesques fesses (la Flandre, fesse nord et néerlandophone du pays, la Wallonie, fesse sud et francophone). Bruxelles, cité des institutions européennes. Bruxelles, le climax des embouteillages et de la densité de population de notre petit royaume. Voilà que ça tape là, d’un coup. Sonnée, la grosse entité bilingue, toute dépeuplée, brutalement privée de sa gouaille à la fois marollienne et cosmopolite. Brutalement aussi, la semaine dernière – encore moins drôle… -, Adil est mort. J’en parle comme si je le connaissais mais non. Un jeune homme a cherché à éviter un contrôle de flics. Il a été percuté par une bagnole de police au cours de la course poursuite. Inutile de dire, Adil, avec un prénom pareil, c’était pas le fils du directeur d’une association culturelle ou du président du CA d’une start up ayant pignon sur rue. Bien entendu qu’il a essayé d’éviter ce contrôle ! Les flics, ils prennent les consignes à la lettre. Confinement de la population, qu’on leur a dit, alors ils s’exécutent, avec le brave zèle du chien de garde. On va pas s’étonner que ce soit sur le critère sacro-saint du délit de faciès que les contrôles s’effectuent. Mais bon : ça c’était déjà le cas avant. Il y a eu des émeutes. Les bonnes gens ont hurlé à l’irresponsabilité de ces jeunes, qui sortent « malgré les consignes ». Personne n’a pensé à leur adresser des félicitations quand ils respectaient le confinement, malgré la promiscuité. On n’a pas tous les privilèges de classe qui rendent le confinement confortable.

Je me cache pas de le dire, c’est mon cas : le confinement se passe plutôt bien. Ce serait même la meilleure chose qui puisse m’arriver, en fait, s’il n’y avait pas deux trucs qui gâchent le tableau : d’abord les vies, en nombre, qui s’éteignent, et les professionnels qui s’exposent - médecins, infirmiers, infirmières, aide-soignants, aide-soignantes, et le personnel des maisons de repos aussi. Dans ce secteur, on n’a pas affaire à des héros mais à des gens qui exercent un métier difficile, et qui sont de moins en moins bien payés pour le faire, et qui reçoivent de moins en moins de financement pour assurer un service digne de ce nom. On pourrait en raconter aussi sur la manière dont la crise a été gérée : les commandes de masques, une fois on les passe, une fois on les annule. On détruit des stocks périmés mais on n’en recommande pas, pour des raisons d’économie. Oh bien-sûr, depuis le début de la crise, on a enfin trouvé du pognon pour les services de soins de santé. Au point qu’on croirait que les libéraux découvrent soudain les vertus de la sociale démocratie. Tiens, oui : ça, c’est vrai, on ne l’avait pas entendu avant. Mais pour autant, est-ce qu’on l’entendra encore après ? Déjà faut pas rigoler : on a confiné tant qu’on a pu, en Belgique, en France, mais y a des secteurs, des entreprises et des industries où le boulot s’est poursuivi malgré tout, en respectant vaille que vaille les distances physiques de précaution sanitaire, avec une cohérence à géométrie variable, que ça ferait rigoler si ça mettait pas des personnes en danger. La machine économique doit quand-même continuer à tourner, n’est-ce pas ? A ce sujet, je renvoie à l’article d’un copain de la région du Centre, du côté de Charleroi (mais non, pas d’Orléans ! Je vous rappelle qu’on parle de la Belgique) dans le ML de ce mois-ci : « Y a que bosser que tu peux faire ! »

Vous me direz qu’en tant qu’anarchiste, on se fiche un peu des turpitudes politiciennes des partis et organisations réformistes (ou si peu). Mais tout de même. Pour l’instant, c’est encore par rapport à cette réalité-là que l’immense majorité de la population conserve ses repères. Même si de plus en plus de gens se rendent compte que, c’est vrai, finalement, peut-être que si on organisait nous-mêmes le cadre de vie de la société, en s’affranchissant du paradigme du pouvoir délégué, on arriverait à de meilleurs résultats. Je renvoie à l’article d’Annick Stevens, dans le Monde libertaire de ce mois-ci : « Le communalisme face à l’épidémie : pourquoi nous ferons mieux ». Faire mieux, ça devrait pas être difficile. On en parle peu - et de manière très subjective, je peux vous avouer que je ne l’avais pas vu venir - mais la Belgique compte le plus fort taux de mortalité à hauteur du nombre d’habitants, juste après l’Espagne. On fait comme si, parce que les Belges adorent prendre les choses à la légère, avec l’air d’en rigoler. Mais ça rigole de moins en moins et avec le mouvement #LaSantéEnLutte, notamment, d’ici qu’on puisse redescendre dans le rues, y en a d’autres qui risquent de plus rigoler longtemps. Au risque de décevoir, on n’a pas été sans gouvernement pendant cinq cents jours. Les autres niveaux de pouvoir exerçaient toujours leur mandat, au niveau régional et local. Mais pas de gouvernement fédéral, c’est vrai, et il n’y en avait toujours pas au début de la crise du coronavirus. Du coup, dans la précipitation, un gouvernement a été bricolé vite fait, propulsant à sa tête une première ministre francophone. On a à peine eu le temps de se réjouir de voir une femme à ce poste, pour la première fois de l’histoire du pays, qu’on s’est rappelé 1) qu’elle appartenait au parti libéral, 2) qu’elle avait été ministre du budget et qu’elle avait sabré allègrement dans le financement des soins de santé, 3) qu’on annonçait que ce gouvernement serait doté de « pouvoirs spéciaux ». Ce sont ces gens-là qui devront rendre des comptes. Les mêmes, au fond, tous partis confondus, à qui l’on doit une augmentation d’à peine 1 % des moyens d’action publics pour la santé entre 2009 et 2018, après avoir reculé pendant quelques années au début de crise financière (comprenez :1 % au total, et non par an…) Subitement, comme j’ai dit, tous ces partis, y compris socialistes, qui ont pratiqué sans vergogne une politique néolibérale pendant plus de vingt ans, rechantent le refrain de la sauvegarde des acquis sociaux et du système de santé. C’est vrai que le premier mai approche. N’empêche. C’est toujours trop tard de se mettre la main au cul quand on s’est chié dessus.

Celles et ceux qui suivent encore se demandent avec anxiété : « Il a dit deux choses que, sans elles, le confinement serait une aubaine. Mais quelle est donc la seconde ? » Merci lecteur et lectrice attentive, tu vas me donner une seconde occasion de m’épancher sur ma réalité personnelle en mode petit-bourgeois (Et de deux !) Car voilà : je suis confiné, comme un con, à me demander, en tant qu’anarchiste, s’il existait de bonnes raisons de consentir à abdiquer ses libertés ne serait-ce que de façon provisoire. Je l’ai, à présent la raison : la santé, la mienne, celle de mes proches, celle d’autrui, et la vie, la mienne, celle de mes proches, celle d’autrui. Donc je consens à rester enfermé, dans ma petite maison, avec ma compagne, avec notre jardin, nos chats et nos poules. D’une certaine façon, c’est une manière d’exercer ma liberté. Par contre, cré nom de nom, s’il y a bien un truc qui me pèse, mais alors à raison d’une tonne au centimètre carré, c’est bien cette absurde disposition du travail à domicile, ou télétravail, comme vous préférez appeler cette nouvelle forme de harcèlement et de contrôle social. « Organiser le télétravail pour les entreprises ou associations qui le peuvent », qu’ils ont dit. Ô bonheur de la société de la communication et de l’information ! Au point de me faire abonder de manière totalement indécente dans le sens du copain Hervé Krief, qui prônait dans un précédent numéro du ML une pratique de la déconnexion qui, à l’époque, m’avait paru excessive… Sous prétexte que tout le monde dispose d’un ordi et d’une connexion internet chez soi, unanimement, on s’est senti en droit d’exiger de toutes celles et ceux dont le type de profession le permettait, de faire leur taf depuis leur home sweet home. Et ça me fait enrager ! D’abord parce que ce télétravail, je le fais dans mon grenier, qui est mon havre, mon antre, là où j’ai mes bouquins, mes souvenirs, mes guitares, mes mille brouillons de projets de romans ou de chansons, ma collection de 33 tours, mon attirail de militant anarchiste et syndicaliste… Et que mon travail s’invite, s’immisce, s’introduit chez moi. Et ça ne me convient pas. Je le vois comme un intrus, comme un occupant, comme un immense sans-gêne qui s’impose en ne se posant même pas la question de savoir s’il dérange ou pas. Crétinosaure, va !

Peut-être que - et disons même : à n’en pas douter - j’ai un petit problème à titre personnel avec mon job, voire avec le travail salarié, en général. Une crise peut-être ? Moi qui suis le cul entre deux chaises, entre deux âges, la quarantaine et le demi-siècle, j’ai attendu ce moment pour me dire que non, je ne suis pas libre et je consacre un temps de gueux à faire quelque chose au mieux qui ne m’intéresse pas, au pire qui me déplaît souverainement. Pas s’étonner, du coup, si je peux prétendre sans rougir avoir aligné, dans le meilleur des cas, une paire d’heures de travail de qualité en tout et pour tout. Par semaine, bien entendu. Sans compter que le télétravail, ça s’organise, ça se planifie, ça devrait même se négocier. Rien de tel ici. Tout le monde s’est mis à improviser un pas de danse dans son coin, sans qu’on se demande si ça avait du sens de monter une chorégraphie dans de telles conditions (je ne sais pas trop quoi faire de cette métaphore, mais si elle vous gêne, n’hésitez pas à vous en débarrasser). J’ai un ordi portable plus tout neuf (dix ans, en informatique, ça devient dinosauresque il paraît), j’ai un tout petit bureau bancale, récupéré du gamin d’un pote, et qui était déjà vieux et branlant il y a sept ans (le bureau, pas le pote) et j’effectue mes tâches (on m’a gratifié du titre de gestionnaire de projets dans une asso qui fait du sociocu) sur une chaise en bois. Par rapport à des copains ou des copines qui bossent en usine, même et encore en ce moment, je sais que je devrais pas me plaindre mais j’ai quand-mêle un fichu mal de dos à la fin de la journée, tout simplement parce que je n’avais pas prévu de devoir travailler sur des projets professionnels dans mon environnement personnel.

Seulement, comme c’est dimanche, eh ben j’ai pas bossé. Et sans remords en plus ! Demain, en revanche, après l’heure de mon premier café, je vais remonter dans mon pigeonnier. Je vais brancher mon ordi et essayer de faire semblant de travailler un peu. Mais la plus grosse partie du temps, vu que j’ai personne pour vérifier dans mon dos ce que je suis en train de faire, je vais tâcher de l’occuper tout autrement. « Et à quoi faire, donc ? », vous demandez-vous avec curiosité. Eh bien, par exemple… A lire le Monde libertaire en ligne, pardi !
Mais ça c’était vrai aussi avant.
Christophe Groupe "Ici et Maintenant" Belgique

18/04/2020
Depuis deux ans je fais le tour de France. Comme naguère Paul, mon père. Lui était compagnon. Je porte maintenant son témoignage à qui veut bien l’entendre. Toute gosse, Paul m’avait donné deux conseils : « Respecte la nature. Ne jette jamais de déchets par terre. » Et puis surtout « Tu feras ce que tu veux de ta vie, mais ne te marie jamais avec un militaire ».

18 avril. Un mois, un jour de silence imposé par le confinement. Je ronge mon frein. En colère. Comme hier, comme demain. Si l’humanité avait foutu la paix au Pangolin (comme à tous les non-humains d’ailleurs), on n’en serait pas là. Les jours se suivent et se ressemblent. Une exception il y a trois semaines : mon ami Pierre Roullier alias Roger Nymo organisait une émission sur Radio Anarchiste Direct À République par webcam interposée. Le thème : « Les préfets sont des parasites de la république ». Je crois qu’on sera tou.te.s d’accord avec cette assertion.

J’en veux particulièrement aux préfets successifs de Seine-et-Oise devenue Seine-Saint-Denis. Ceux qui ont officié de 1938 à 2009. C’est-à-dire à partir de l’autorisation de l’installation du Comptoir des minéraux et matières premières (CMMP) d’Aulnay-sous-Bois en plein cœur du Vieux Pays, au milieu de trois écoles. Pendant des décennies, l’usine poison va broyeur des milliers de tonnes d’amiante [note] . Dont la toxicité était connue depuis 1906 [note] . « Une seule fibre et dans vingt ans vous êtes mort » écrit mon frère de lutte Alberto Prunetti dans Amianto, une histoire ouvrière [note] . Les pétitions des riverains n’y changeront rien. Cinquante contrôles des « autorités » ne trouveront rien d’anormal. Un génocide différé est commis en toute impunité sur les habitants des communes d’Aulnay-sous-Bois et de Sevran. L’industriel délocalise en 1991 (sentant certainement l’interdiction qui interviendra fin 1996), laissant les lieux en l’état. Bourrés d’amiante. Des sans-abris les ont squattés. Les gosses de l’école du Bourg en ont fait, dix-huit années durant, leur terrain de jeux. L’Agence Régionale de Santé Paris Ile-de-France a prévenu tardivement, très partiellement. Claude Evin aux manettes. L’industriel n’a payé que 2% du coût total de la dépollution-déconstruction (480 000€ sur 16 millions) de 2009, initiée grâce aux associations. Les Aulnaysiens, malades, ont payé et paient encore la facture. Vingt-cinq plaintes au pénal, vingt-cinq non-lieux.
Ma famille avait été riveraine du CMMP jusqu’au début des années 1960. Simone, ma grand-mère, est morte d’un mésothéliome, le « cancer de l’amiante » [qui atteint la plèvre, plus rarement le péricarde ou le péritoine]. Trente-sept années plus tard, ce fut au tour de Paul. J’ai aussi perdu Stanley, mon petit épagneul breton, de ce terrible cancer. Pour une fois, le CMMP n’a rien à y voir. Il était né dans un élevage de Saône-et-Loire rempli d’amiante. Non loin de l’usine Eternit de Vitry-en-Charolais.

Hier, j’ai terminé la lecture de L’Affaire Sacco et Vanzetti de Ronald Creagh [note] . Le juge Thayer, le gouverneur Cox, le procureur Katzmann ont fait des petits. On condamne des innocents, des prisonniers politiques, on blanchit des assassins. Lapalissade. Un siècle plus tard, le permis de tuer accordé aux criminels en col blanc est plus que jamais d’actualité.

Le CMMP était sous tutelle de l’État. Il avait travaillé pour le ministère de la guerre.

L’État assassin et ses valets se sont dotés d’armes imparables pour exonérer les responsables. Une loi de mars 1994 sur la personne morale accorde systématiquement la prescription aux empoisonneurs. Une autre de juillet 2000, loi dite « Fauchon » considère les crimes d’industrie comme « non-intentionnels ». Les non-lieux se sont enchaînés : Amisol (Clermont-Ferrand), Ferodo Valéo (Condé-sur-Noireau), Jussieu, la Normed, les mineurs de Moselle, Eternit…

Insupportables ces images de patients en train de mourir reliés à des respirateurs. Le Coronavirus les étouffe peu à peu. Le parallèle est là. Les familles des actuels 18 681 morts de l’hexagone auront vécu le traumatisme qui hante mes jours et mes nuits. Paul l’appelait « la toile d’araignée ». Éric Jonckheere l’appelle « la pieuvre » [note] . Cette chape de plomb qui vous enserre les poumons, les réduit, les détruit, qui dévore l’oxygène. Pour vous asphyxier, définitivement.

Des victimes du CMMP, la plus jeune s’appelait Sabine. 44 ans. Abdelkader et les douze autres morts de sa famille, Edmond, Jean, Karima, Irène, Eric, 52 ans... Quand Paul se signale, il est le 139ème. Nous en sommes aujourd’hui à 358. Où en serait le macabre décompte si les services de l’État avaient fait leur boulot ?

Paul, comme tant d’autres, aura subi les mensonges d’une pneumologue arrogante sur le potentiel curatif d’un traitement de chimiothérapie (Cislastine/Alimta), validé sous l’ère Borloo, qui aide seulement à faire mourir plus vite. Mensonge sur sa rémission. Mensonge sur le second protocole (Carboplatine/Alimta). Abandon du corps médical. Finalement, négligence coupable. Escherichia coli dans les poumons.

Sa dernière demande aura été « aide à faire cesser cet état de non-droit ».

Cette violence institutionnelle, je ne la digérerai jamais. Médecine de classe, justice de classe. Plus les conflits d’intérêt. Un autre pneumologue méprisant qui l’a regardé mourir, sous un masque inadapté, avait été médecin du travail aux ateliers SNCF de Varennes-Vauzelles, aux aciéries d’Imphy (58) qui ont engendré des dizaines, des centaines de victimes de l’amiante… qu’il s’emploiera à faire passer, systématiquement, pour des fumeurs invétérés. Même pour les non-fumeurs. Ces salauds-là pullulent.

À vingt heures les gens à leurs fenêtres applaudissent les soignant.e.s dans un moment de communion. Bravo aux infirmier.e.s, aides-soignant.e.s et à la majorité des médecins, mais je ne peux m’empêcher de songer que les vermines dont j’ai parlé font malgré tout partie du lot.

Les gavés du Médef sont en panique. Il faut trouver des solutions (quitte à ce qu’elles soient dignes d’avant 1936) ou l’économie va crever. Chute de moins 6% du PIB déjà. La France est à l’arrêt. C’est grave. Il faut remettre les gens au boulot coûte que coûte. Le 11 mai ?! Retournons vite nous faire exploiter, c’est une question de vie ou de mort. Du capitalisme. Soyons zen, ils sont en train de chercher un remède au Covid-19. Dans ces cas-là, les grands pontes de la médecine s’affairent. C’est la guerre des molécules, des labos pharmaceutiques surtout. C’est la grande différence entre une pandémie et un crime social.

Douste-Blazy a fait son grand retour. Bachelot continue à parader sur les plateaux télé. Elle passerait presque pour une héroïne. On la complimente sur les stocks de masques qu’elle avait commandés. Elle semble ne pas bouder son plaisir. Comme leurs prédécesseurs, comme les suivants, ces deux anciens ministres de la santé n’ont jamais levé le petit doigt pour créer un fonds de recherche sur le mésothéliome. Ils ont laissé sans soins curatifs les victimes d’une industrie mortifère. Buzyn, en mars, y était allée de sa petite larme. Elle avait prévenu dit-elle du danger Coronavirus, mais n’avait pas été écoutée. J’ai à l’esprit le dédain dont elle a fait preuve à l’égard des victimes de l’amiante en juin 2017, qui disait-elle « coûtent bien assez cher à la sécurité sociale ».

En France, soixante-treize kilos d’amiante en place par habitant, dix morts (humains) par jour. Cent deux en moyenne dans le monde. Nous sommes des millions. Assignés, à vie, à un confinement dont on ne peut s’évader. La perpétuité morale. Encaisse et crève de chagrin en silence. Pas tout à fait d’accord.

Il y a un mois aujourd‘hui au Brésil, sous le règne du criminel Bolsonaro, Esmeraldo « Nego » Teixeira est mort. Activiste de l’ABREA (Association Brésilienne des Exposés à l’Amiante), il avait été intoxiqué par Saint-Gobain qui, dès les années 1950, avait exploité la mine d’amiante de Poções. Pour les bobos d’aujourd’hui, Saint-Gobain c’est surtout de jolies vérandas très chères. C’est aussi l’un des plus grands pourvoyeurs de cercueils de l’histoire industrielle [note] .

Aux infos, Christiane Lambert, l’insupportable lobbyiste pro-pesticides de la FNSEA, remercie les courageux bénévoles qui viennent en aide aux agriculteurs (ceux de l’agriculture conventionnelle, ça va de soi). Ceux qui seront, à leur insu, exposés aux SHDI, ces nouvelles molécules fongicides qui tuent les systèmes respiratoires, et pas que ceux des champignons. De tous les êtres vivants. Avec l’approbation de l’ANSES [note] . Aucune crainte à avoir, nous sommes entre de bonnes mains.

Pendant ce temps en Asie du sud-est, des gosses continuent à démonter des navires marchands et de guerre européens à mains nues et sans protections sur la plage d’Alang et ailleurs. Remplis d’hydrocarbures, d’amiante et d’autres polluants [note] . Le Coronavirus permet aussi d’occulter ça. Davantage encore, je veux dire.

À la liberté retrouvée, je continuerai à aller porter le témoignage de Paul [note] . J’irai fleurir Marius Jacob.

Et si l’épidémie touchait quelques-uns des affreux, je ne me priverai pas d’aller cracher leurs tombes.
Virginie. Liaison Pierre Malézieux. Nièvre

17/04/2020
Vendredi. C’est comme si ça faisait mille jours qu’on confine ici... mais ça bouge quand même. Partis à 7, je pensais finir à 8 avec mon fils. Mais voilà qu’après avoir guéri du virus, il rechute depuis hier… Du coup nous voici à trois, ce soir Ouf ! Ma fiancée, le jeune Terrence et moi. À un moment c’est devenu pesant, d’être si nombreux, tout le temps. Après un léger conseil de colloque, Folavril qui devait rentrer à Arceuil avec Lilas pour la « donner » à son père, y restera jusqu’à dimanche. Alice qui a deux longues gardes de nuit à l’hôpital dormira chez elle à Paris ; Rémi aussi. Ouf ! Repos. Repas légers, petites vaisselles, et surtout le calme... On a quand même gardé un petit million d’abeilles… 22 ruches maintenant. L’après-midi un des essaims a quitté sa ruche, va falloir leur faire la danse frétillante pour les ramener à la maison. Ca me fait penser qu’il y a un bon bouquin à lire pour les anarchistes : La démocratie chez les abeilles de Thomas Seeley. Il explique comment les abeilles se passent parfaitement d’un chef et s’auto-organisent parfaitement pour casser la croûte, maintenir la ruche à la bonne température, se défendre des frelons, et fabriquer les médicaments qui les maintiennent en bonne santé. Les termites, c’est pareil et les fourmis aussi, quoique beaucoup plus sophistiquées a cause de leur embryon de langage. Il y a quelques années j’ai encadré un doctorant pour créer un nouvel algorithme d’optimisation « bio-inspirée », inspiré par les colonies de fourmis. Un jeune algérien, très doué qui vit maintenant du coté de Nantes. On se marrait bien ; il me racontait comment avec son père, ils se planquaient de la grand-mère pour manger pendant le ramadan, ou comment son oncle s’était retiré de tout – parti dans la montagne – après la n-ième révolte kabyle massacrée par les « révolutionnaires » libérateurs de l’Algérie…

Son algorithme fonctionnait très très bien : un mélange bien dosé de mémoire, d’oubli, de hasard et surtout de partage ; chez les fourmis ce sont des phéromones qui servent à communiquer, les molécules d’odeur. Une phéromone, c’est comme un mot. Et plus y’en a, plus le message est important. C’est comme crier ! Le modèle mathématique est finalement assez simple.

Me fait penser à l’anarchie. Un pari sur la capacité d’une collectivité à délibérer et à construire une bonne décision. Un pari sur l’intelligence collective qui marche si bien chez les insectes « sociaux ». Une grosse différence entre ces petites bêtes et nous autres, c’est le langage. Chaque petit insecte, regarde ou « écoute » puis décide. Pas de dialogue, personne ne cherche à convaincre. Pas de leader, à ce qu’on sait. Pas d’ego non plus. Aucune fourmi ne pense avoir raison, ne cherche à convaincre les autres, à imposer sa propre « raison ». Pas d’ego à défendre ou imposer. Chacune fait le job : trouver à manger, déposer des phéromones sur le chemin du retour, et chacune se détermine, individuellement.

Y’aurait donc deux difficulté chez les humains que les anarchistes n’ont pas vraiment traitées, peut-être faudrait-il le faire. Communauté. Pour délibérer, il faut une communauté, sinon c’est impossible, ça grippe de suite. Ego, chaque être humain défend sa soupe et souvent sa progéniture. Contrairement à ce que la pensée libérale veut nous faire gober, l’entraide est bien au cœur des sociétés humaines, mais elle s’articule avec toutes formes d’égoïsme. Vouloir avoir raison, dans un débat, est une des formes de l’ego. Mon avis (du jour) est que les anarchistes sont obsédés par la politique et oublie le social, à quelles conditions des humains peuvent faire société.

Quand au confinement, une sorte de sage Indien disait, je crois : « Ce ne sont pas les barreaux qui font la prison, c’est l’idée des barreaux ». Les mêmes choses qui nous emprisonnent peuvent tout autant nous libérer. En bonne partie, on crée notre monde. Je me suis remis à la méditation, y’avait besoin, et c’est un peu comme le vélo, une fois qu’ t’as choppé le truc, ça revient tout seul.
Nuage Flou

16/04/2020
Pour la première fois depuis deux mois, le réveil a sonné à 7:00 ce 16 avril pour m’intimer l’ordre de me lever pour aller au travail. Deux mois que je suis en arrêt de travail après une blessure à la main et l’opération qui a suivi. Un peu anxieux, une pesanteur à l’estomac, le café passe difficilement et me voilà dans la voiture, mon justificatif de déplacement professionnel bien en vue derrière le pare-brise, à coté du caducée (il porte le millésime 2019, je n’ai pas encore réglé la cotisation à l’ordre des médecins pour cette année…). Je vais rejoindre mon poste au SAMU.
Quand je me suis blessé, nous n’avions pas encore basculé dans le monde du coronavirus, un touriste chinois de 80 ans était mort à Paris, mais on était encore tout à fait insouciants. Et puis la vague a déferlé, et ce sont mes collègues et amis du SAMU de l’Oise qui l’ont pris en premiers, en pleine face, et ce qu’ils m’ont dit et raconté sur le moment m’a sidéré. Et j’en ai pleuré de rage et d’impuissance, de ne pouvoir être avec eux pendant ces jours et ces nuits où ils ont dû affronté avec les moyens du bord les centaines, les milliers d’appels de gens malades ou paniqués, les transports de patients quasi asphyxiques vers des hôpitaux parfois distants de 100 kilomètres et le sentiment d’être seuls et abandonnés. Alors c’est avec un peu d’appréhension que je vais les rejoindre. Bien sûr, pendant ces longues semaines d’inactivité, j’ai lu avec avidité tout, ou presque, ce qui paraissait dans la presse scientifique, les discussions sur les traitements, je me suis tenu au courant des mesures de protection, des nouveaux réglages des respirateurs, et des coups de vice du virus. Mais il me manquait la confrontation au réel.
D’abord le plaisir de retrouver mes collègues (pas de bises, ni de poignées de main) : ambulanciers, infirmiers et infirmières, assistantes de régulations, médecins. Et aussi la tristesse d’apprendre que l’un d’eux est en réanimation, touché par la maudite bestiole. Et certains retraités récents revenus prêter main-forte…..
Ce matin, l’ambiance au SAMU est calme, la situation sanitaire est moins tendue. On est en phase de plateau comme le dit le directeur général de la santé dans son point de presse quotidien.
Je retrouve mes habitudes, je m’installe à mon poste devant l’ordinateur et le téléphone (que j’ai préalablement désinfecté soigneusement), à un mètre et quelques de ma voisine. Et je prend des appels de mères de famille inquiètes, de conjoints angoissés, et de personnes anxieuses. Et parfois une voix qui s’étouffe presque et qui appelle à l’aide et à qui on envoie des secours, des soins et de l’oxygène, et pour qui on va trouver une place à l’hôpital. Il faut écouter, questionner, rassurer, orienter et porter assistance, avec à chaque fois la peur de passer à coté du diagnostic ou de trop en faire, la peur d’exposer des collègues, des ambulanciers ou des pompiers à un risque.
Il y a des fièvres, des toux, des difficulté respiratoires, mais aussi des douleurs dans la poitrine, des accidents domestiques ou du travail, des paralysies soudaines, et on doit prendre en charge des personnes âgées qui vont mal. Plus tard, après mes 10 heures en régulation, derrière le téléphone, c’est à mon tour d’aller auprès des patients. Celui ci respire mal, il a une toux sèche, un peu de fièvre il n’arrive presque plus à parler et il est soigné depuis longtemps pour une maladie respiratoire. Avant d’entrer chez lui, on s’habille en revêtant la tenue de protection, on ressemble à des cosmonautes, je vérifie que l’infirmière n’a pas commis de faute d’habillage et elle me contrôle de la même manière. Nos gestes sont les plus précis possibles, économes, on fait attention à chaque minute, peur de faire une erreur, de se contaminer ou de contaminer quelqu’un. On le met sous assistance respiratoire sans avoir à l’intuber, en espérant qu’il n’aura pas besoin de recours à la ventilation artificielle. L’intervention, qui en temps ordinaire nous prendrait une à 2 heures dure maintenant 3 heures. Et d’autres vont suivre, la nuit va être longue. Les 48 heures de repos qui vont suivre cette première garde de 24 heures ne seront pas volées.
Ces femmes et hommes ne sont pas des héros, ce sont des personnes ordinaires placées dans des situations exceptionnelles et qui font un travail extraordinaire. Malgré la fatigue, l’appréhension, les mille difficultés, je suis heureux de travailler avec eux.
Mohamed.


15/04/2020
Sur le Requiem de Mozart
, non pas une messe funèbre selon moi, mais une célébration de la vie.
Il était une fois …
Un pays où il était interdit de se masquer : ni voile devant le visage, niqab salafiste ou burqa afghan, ni foulard cachant son identité en manifestation. Amende au mieux, LBD ou grenade de désencerclement et incarcération sinon. Vous avez dit « incarcération » ou « enfermement » ou « confinement » ? Je m’y perds.
Mais dans ce même pays, il était toléré de se faire des bisous, je dis bien « toléré » car certains bisous étaient regardés de travers quand ils s’échangeaient de manière ostentatoire en public entre deux personnes du même sexe. Vous avez dit « ostentatoire » ou « ostensible » ? Vous avez dit de « même sexe » ou de « même genre » ? Je ne vois pas bien la différence.
Et dans ce même pays, les premiers de cordée étaient flattés, admirés, enviés. Bah oui, c’étaient ceux qui réussissaient à empocher les dividendes en tant qu’actionnaires par exemple, ou ceux qui extorquaient, comme le veulent les règles capitalistes, tout ce qui peut être possible sur les salaires des derniers de cordée jusqu’à les licencier, ou encore ceux qui vendaient pour une bouchée de pain les services publics aux appétits privés. Vous avez dit « premiers de cordée » mais je ne vois pas ce que cela veut dire dans ma fonction de Possédant-Directeur-Généralissime, je n’ai pas de corde pour commander ? Je ne comprends pas, il suffit de traverser la rue et tout va bien.
Un pays où les manifestations des hospitaliers, des gilets jaunes, des personnels de nettoyage ou du transport étaient impitoyablement réprimées. Est-ce que c’était les moins-que-rien, les fainéants, les payés à ne rien faire ? Ah oui, les invisibles, c’est pourtant difficile de cogner quand on ne voit pas sa cible, cela doit expliquer les yeux crevés et les mains arrachées.

Il est une fois…
Un pays où il est obligatoire de se masquer mais il n’y a pas de masques pour tout le monde alors les masques sont réservés à ceux qui travaillent dans le soin et les autres restent confinés. Qui sont les autres ? Ceux qui commandent car s’ils étaient Covid-19+, ils ne pourraient plus commander à ceux qui sont obligés de s’exécuter. C’est un peu compliqué, car il y a aussi ceux qui ne commandent pas.
Dans ce même pays, il est obligatoire de travailler pour les premiers au front même non protégés, mais à distance, car il faut que ceux qui restent confinés mangent et se fassent soigner. J’avais du mal à comprendre qui étaient les premiers de cordée mais alors les premiers au front, ce sont les derniers de cordée, par exemple les blouses blanches qui broient du noir, ou ceux qui manient les poubelles pour que la vie soit plus belle ? Ce n’est pas très simple, les premiers seront les derniers, et les derniers seront les premiers ?
Et dans ce même pays, il est interdit de se faire des bisous, de s’embrasser. Cela veut-il dire que tous les bisous sont ostentatoires même quand on est confiné ? Il y a quelque chose d’illogique.
Un pays où la maréchaussée verbalise, le formulaire de sortie dérogatoire et obligatoire s’insinue, comme quand on était au lycée mais c’était plus drôle car on allait au café pour fumer des beedies, et se profile une nouvelle forme de fichage et de flicage. Elle fait en fait son job, c’est un travail de première nécessité avec motif impérieux. Ah bon comme manger ?
Un pays où les invisibles sont remerciés chaque soir à 20 h par les confinés, même les confinés qui commandent. Sauf que ceux qui ne commandent pas et qui font du télétravail, ou vont travailler, et/ou s’occupent des enfants, ou sont au chômage ou sans emploi ou sans toit, applaudissent aussi, et que les chefs et super chefs qui commandent le font à la télévision avec des mots difficiles à comprendre et des annonces contradictoires d’un jour à l’autre.

Parmi les mots qui nous polluent la tête : Coronavirus, Covid-19, SARS-CoV-2, contamination, transmission, ville épicentre, cordon sanitaire, geste barrière, solution hydroalcoolique, confinement, restez chez vous, épidémie, pandémie, réanimation, Conseil scientifique Covid-19, care ou CARE (Comité Analyse Recherche et Expertise), chloroquine, phase smectique, au front, distanciation sociale, masque de soin, masque chirurgical, masques FFP1-FFP2-FFP3, guerre, armée de l’ombre pour aider les agriculteurs, juguler l’épidémie, dépistage, test de détection par biologie moléculaire, test sérologique, anticorps, porteur sain ou asymptomatique, patient zéro, décrue de cas, résurgence mortelle, télétravail, déconfinement, tracer les contacts, effet autruche… et travailler plus ! La bourse ou la vie, n’est-ce-pas ?

Voilà du vocabulaire à mettre au programme scolaire pour les enfants privés de copains et copines faute d’école « physique ». Et puis on peut faire de la géographie avec le « très haut plateau » de cas hospitalisés, et un peu de mathématiques en suivant les différentes courbes de cas. Merci à Louison, 7 ans et demi d’avoir révélé que nous étions contaminés dans nos esprits. Cela nous occupe et nous endort.

Il sera une fois…
Ce que nous en ferons, car notre colère ne se laissera pas confinée ! Non à l’opération Résilience ! Oui au mouvement de résistance et à la solidarité ! ça prendra le temps que ça prendra… chante Mathilde Braure ce 15 avril 2020, maintenant que nous savons que le 1er mai ne pourra guère se faire avant le 11 mai !
Hélène Hernandez. Groupe Pierre Besnard

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PAR : Pierre Sommermeyer and Co
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le 19 avril 2020 12:19:23 par Pat

Ben oui, Grand Nuage Fou, bien sûr que l’on devrait copier sur les abeilles. Mais, quand on réfléchit bien, toute cette organisation égalitaire non autoritaire ( sinon l’exception de cette feignasse de reine et à condition qu’il n’y ait pas de flics chez les abeilles, ni de contremaîtres - à vérifier ) et bien quand on y réfléchit, toute cette perfection communautaire pour qu’au final elles se fassent piquer leur miel par, en premier lieu, les hommes ( à commencer par mois qui en suis grand amateur ), mais aussi, les frelons asiatiques, les poux, les pic-verts, le blaireaux, les sphinx tête de mort, sans oublier l’ours, bien sûr. Et ben quand on réfléchit à tout ça, on se dit qu’elles se donnent bien du mal pour rien !!!! Tu me diras sûrement : au moins elles sont partageuses, elles ! Qu’en penses-tu ?