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par Patrick Schindler le 31 août 2024

Les livres portent déjà les couleurs de septembre et l’on entend, au loin, s’annoncer le rat noir

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Quel joli temps ! ...




Pour entamer ce mois de septembre, la Grèce, comme de bien entendu ! Avec le saisissant Oiseau de Prométhée de Christos Chryssopoulos. États-Unis, spécial Edward Bunker : La bête contre les murs ; L’éducation d’un malfrat et Évasion du couloir de la mort ; France : Le très érudit Roman retrouvé d’Alain Santacreu ; Enfin, Vous ne me trouverez pas sur Amazon de Laurent Mauduit.

« Si les machines se prenaient enfin à penser, sur les plages de pierreries, les vagues d’or se briseraient »
Guillaume Apollinaire



Kataraktes d’Edessa, Macédoine centrale, été 2024, photo Patrick Schindler

Christos Chryssopoulos : L’Oiseau de Prométhé€



Christos Chryssopoulos est né à Athènes en 1968. Boursier à la faculté de littérature américaine de Thessalonique, il devient conférencier de l’université de l’Iowa puis, chercheur à l’université de Chicago. Il séjourne ensuite en Suisse. Aujourd’hui, il publie régulièrement des articles dans des revues littéraires grecques. Ses œuvres « reflètent le désenchantement de toute une génération ».



La pièce L’oiseau de Prométhé€ (éd. Signes & Balises, traduction Anne-Laure Brisac) : Quatre amis, Annie, Julio, Vassiliki et Paul. Ils ont passé ensemble une année d’études à Athènes, puis sont repartis chacun dans leurs pays. Les uns à Berlin et Barcelone, les autres à Paris et Athènes.
Ils se retrouvent quinze ans plus tard dans une taverne athénienne. Leur soirée tourne rapidement au règlement de comptes, les bons souvenirs faisant place au vide actuel de leurs existences séparées et de leurs échecs respectifs. Entre les épisodes des quatre amis, viennent se glisser les dialogues surréalistes entre la présidente française du FMI, la chancelière allemande et le Premier ministre grec. Un trio de goguenardises souvent très cruelles !
Font également une apparition régulière, les monologues de Prométhée nous expliquant le sens révolutionnaire de son message. Et enfin, un rappel régulier et chronologique des événements politico-économiques grecs de 2008 à 2017 (du meurtre d’un étudiant de 15 à Exarchiea, aux conséquences du plan d’austérité décrété par la Troïka).
Cocktail on ne peut plus détonnant !
Dans la seconde partie de la pièce, les situations et les discours changent de rythme et de ton. Aussi bien celui des trois figures politiques que celui des quatre amis beaucoup plus formels. Les recouvrent aussi par instants, les voix de Zeus et de Dionysos, tandis que celle de Prométhée évoque ses écrivains préférés, de Charles Baudelaire, Friedrich Nietzsche, Piotr Kropotkine, à Oscar Wilde, Albert Camus ou Jacques Derrida, etc. ! Mais on atteint le paroxysme avec un extrait du Prométhée enchainé d’Eschyle qui cède sa place à l’épilogue flamboyant de Chryssopoulos.
Un petit chef-d’œuvre du genre …

Edward Bunker : Trois ouvrages



Edward Bunker est né en 1933 à Hollywood (Californie). Exemple type de l’enfant éduqué par les services sociaux dans les années 1940, à partir de ses 4 ans et jusqu’à ses 17 ans, il n’a cessé de jongler entre maisons de redressement, fugues et maisons pour jeunes criminels. Il est incarcéré pour la première fois à 17 ans, dans la prison d’État de San Quentin, réputée comme étant l’une des plus dures aux États-Unis. Il est le plus jeune homme à y avoir été détenu, mais réussit à s’en évader à deux reprises, dont une fois pour une cavale de plus de deux ans. En prison, il se lie d’amitié avec Danny Trejo, mais surtout avec Caryl Chessman avec lequel il discute par le biais des conduits d’aération, ce qui pousse Edward à réaliser son rêve : devenir écrivain. Tous deux deviendront des figures emblématiques pour les prisonniers américains. Parallèlement à sa vie de jeune criminel, il fait la connaissance de Louise Wallis, grande figure du cinéma muet. C’est avec le soutien de la star d’Hollywood qu’il tente de se faire connaître du monde de l’édition, après cinq romans refusés. Sa critique féroce du système carcéral américain, sa description aigüe des rapports humains en prison et l’envers du rêve hollywoodien vont le faire sortir de l’anonymat. Sa « Trilogie de la bête » lui valurent les éloges de William Styron et James Ellroy.

La bête contre les murs



La lecture des Frères de Soledad de George Jackons (voir le Rat noir de décembre 2022) m’a conduit à découvrir le légendaire personnage d’Edward Bunker.
J’ai tout d’abord pénétré dans son univers à travers son double, Ronald Decker, le héros de La bête contre les murs (éd. Rivages noir, traduction Freddy Michalski). Fils de bonne famille, beau gosse aux yeux bleu sombre, à l’âge de 17 ans, après 4 mois de provisoire, Ronald est conduit avec des dizaines d’autres prisonniers Noirs et Chicanos, vers le Tribunal d’État de Californie, passage obligé avant la prison. Les Noirs l’accompagnant se prétendant tous macs ou révolutionnaires (nous sommes juste avant l’aube de l’épopée des Black Panthers) et les Chicanos : de simples ivrognes ou petits délinquants pour l’essentiel. « La variété des individus y était aussi infinie (la lie des ratés de la pègre, agresseurs, camés de bas étages ou "gros durs", plus tous les crétins stupides) que les conflits qui y régnaient ». Quant à l’administration, Ronald est déjà bien repéré par son passé chargé (petits vols, trafics de stups). Dès son premier contact avec « la cage » (un avant-goût de la taule), il est vite initié aux subtilités de la discipline et aux échanges frauduleux entre futurs taulards. Sans illusion au sujet des « bavards » (les avocats commis d’office) et aux jeux de dupes de la Justice américaine « dont le public ne voit que l’édifice mais pas les communs ». Il ne se trompe guère sur son sort : le juge lui colle en effet deux ans probatoires avant son jugement préventif.
Commence alors pour lui, une autre réalité, celle de la « vraie » prison, et pas n’importe laquelle : St Quentin, une des pires de Californie dans les années 50. Comment survivre face à la contrainte de codes très précis. Rester seul ou rejoindre un gang parmi les trois existants (Noirs, Blancs, Chicanos) ? Comment surnager entre les magouilles en tous genres, au milieu de mâtons pour la plupart vicieux, violents et ouvertement racistes : « La prison a deux codes : celui de l’administration et celui non moins impétueux des prisonniers ». Brimades, chantage à l’isolement au moindre prétexte, vols, trafics de drogues (introduites comme par enchantement par les gangs de Hells Angels ou autres circuits), coups montés, dénonciations, meurtres (avec le record national de 57 annuels), tentatives de suicide, d’évasion, commerce des jeunes mignons, etc., etc. Et ce n’est pas tout, car nous allons également assister aux premières guerres raciales massives entre prisonniers (souvent montés de toute pièce par l’administration). Comment Ronald, dans lequel on ne peut que reconnaitre Edward Bunker parviendra-t-il souvent à son corps défendant, à déjouer tous les pièges dans lesquels « Un nouveau ne doit pas tomber pour éviter d’être considéré comme une fiotte ou pire : comme un indic ». Bienvenue à St Quentin !

L’éducation d’un malfrat



Plus proche de la propre expérience d’Edward Bunker, L’éducation d’un Malfrat est une autobiographie intimiste (éd. Payot Rivages, traduction Freddy Michalski) qui commence par l’évocation de son enfance, peu banale il faut bien le dire. « Je suis né le jour du tremblement de terre à la St Sylvestre 1933, à Hollywood. J’avais 5 ans lorsque j’ai entendu ma mère proclamer que le tremblement de terre et l’orage étaient de mauvais présages car dès le début, j’ai été une source d’ennuis, à commencer par les coliques » ! Après le divorce de ses parents (sa mère danseuse dans des comédies musicales et son père machiniste), il est envoyé un court moment chez sa tante, puis de foyer d’accueil et d’internats en écoles militaires (cinq en six ans !)
« Déjà à dix ans, j’avais des habitudes de vagabond. Je voulais toujours voir ce qu’il y avait de l’autre côté de la colline ou au-delà du coin de la rue ».
Bref, après bien des aventures qu’il nous décrit avec fougue et un talent fou, à l’âge de dix ans, à cause de l’entrée en guerre des USA et de ses forfaits, il se retrouve en maison de détention pour délinquants juvéniles, son père et sa tante s’étant déclarés « dépassés ».
« J’étais en cage pour la première fois. Après avoir pleuré sur mon chien et sur moi-même, je me suis réveillé au milieu de garçons qui auraient pu évoquer les Flies de John Barth, issus de foyers brisés, de parents prostitués et drogués, j’avais eu droit aux privilèges de l’enfant bourgeois. Je nageais maintenant au cœur d’un secteur de notre société le plus vicieux et le plus méchant de tous : le système judiciaire pour mineurs de l’Assistance publique. Ses valeurs, essentiellement que la force fait le droit, un code qui accepte le meurtre, mais interdit la dénonciation ».
Système au fond duquel nous allons plonger avec lui, durant les huit séjours en quatre ans, qu’il va effectuer en prison pour mineurs ou au funeste hôpital de l’État de Californie. Apprentissage des dures lois de la pègre, dont il nous avait donné un avant-goût dans La bête contre les murs. Menaces de viol, initiation au code de l’honneur des taulards, etc.
Enfin libéré à 14 ans, quoi faire alors avec 40 $ en poche gagnés au jeu sinon « replonger dans le monde des camés de leurs "gagneuses". Première expérience d’héroïne. Passons pour en venir à la « rencontre de sa vie » avec la « vieillissante star du muet », Louise Willis (amie de Marion Davies, la maitresse de W. Hearst). Philanthrope, adorable et très humaine, elle l’embauche comme homme de main et chauffeur (alors qu’il n’a bien sûr pas le permis !). Découverte le jour du monde merveilleux d’Hollywood et de Beverly Hills, ses dessous pas très chics ! Les nuits et les week-ends nous allons les passer avec un Edward de 17 ans parmi la pègre, les call-girls et un gang de mexicains trafiquants de « l’herbe du diable » …
Il n’est pas compliqué de deviner la suite et comment notre héros va devenir le plus jeune détenu du pénitencier de St Quentin de sinistre réputation, où la seule solution pour survivre est de « frapper le premier » ! A noter, un passage édifiant sur une grève revendicative et la façon dont l’administration va s’arranger pour la faire passer pour une « guerre raciale », afin de se disculper de la répression qu’elle va entrainer. Et qui, selon vous, pourra encore s’intéresser encore à lui pour le sortir de cette souricière ? Voilà pour ce qui concerne la toile de fond.
Dans cette autobiographie, Edward Bunker va utiliser cette fois-ci, le « je » ce qui change tout. En effet, il a à son actif une manière on ne peut plus personnelle de nous décrire son quotidien. Notamment sa rencontre à St Quentin avec Caryl Chessman, celui qui va marquer son destin d’écrivain et lui fera découvrir les grand écrivains : London ; Steinbeck ; Dostoïevski ; Baldwin ; Huxley ; Camus, etc. Nous assisterons à un concert de Billie Holiday ou croiserons un Tennessee Williams ivre-mort…
Retour en prison, évasion, cavales, braquages, on n’a pas le temps de s’ennuyer ! Tout ceci dans une atmosphère électrique, tandis que dehors la révolte noire gronde et que les étudiants s’enflamment contre la guerre du Vietnam.
Dans le dernier chapitre, Bunker évoque l’épisode des trois taulards noirs, George Jackson, Fleeta Drumgo et John Cluchette accusés de crime sur un gardien. On connait la suite, les interventions de l’avocate engagée, Fay Stender et d’Angela Davis ou de Jean Genet préfaçant Les Frères de Soledad de Jackson. Puis, la prise d’otages au Tribunal de Californie par le petit frère de Jackson et le procès d’Angela Davis. Bunker nous livre enfin une analyse sans concession des conséquences de la montée des Black Panthers sur les crimes raciaux commis en prison. Dans sa postface, Bunker, âgé de 65 ans fait le bilan de sa vie.
Époustouflant !

Evasion du couloir de la mort



Dans l’introduction d’Evasion du couloir de la mort (éd. Rivages/Noir, traduction Freddy Michalski), Eward Bunker s’adresse à nous par l’intermédiaire d’une lettre qu’il envoie à une certaine Nat (que l’on suppose être son éditrice), à laquelle il raconte succinctement son parcours de malfrat, que nous avons découvert dans son autobiographie. I
l lui propose six nouvelles, une fois encore inspirées par son expérience.
Justice à Los Angeles, 1927 met en scène Booker Johnson, un jeune noir de dix-neuf ans qui ne regrette pas d’avoir quitté avec sa mère, le Tennessee de son enfance, à la suite d’un lynchage du KKK. Mais à la suite d’un malheureux concours de circonstance, le jeune Booker, un brave gosse, va lui aussi découvrir l’univers carcéral jusqu’aux portes de la terrible prison de St Quentin (5.000 détenus). Comment échappera-t-il au pire ?
Entrée dans la maison de Dracula décrit, minute après minute, l’arrivée de Cameron, récidiviste, dans sa cellule dans le couloir de la mort, « sa dernière maison de repos ».
Le prix de la vengeance est l’occasion pour Bunker de revenir sur l’histoire, inspirée de celle des frères Jackson, du meurtre d’un prisonnier noir par des Blancs et l’organisation de la revanche parmi les Blacks (révolutionnaires ou non).
Mort d’un mouchard : tout est dans le titre.
Evasion du couloir de la mort ou le chemin étroit de Roger, un taulard autant haït par les jurés Noirs que les Blancs. Pour quelles raisons ?
Enfin La vie devant soi pour Max, une fois libéré ?
Pourtant, on l’avait bien mis en garde : « Ne commets pas de crime si tu n’es pas prêt à purger ta peine, Max avait fait les deux » !

Alain Santacreu : Le roman retrouvé



Né de parents anarchistes catalans, Alain Santacreu étudie à la Faculté de lettres de Toulouse et pratique le théâtre au conservatoire, avant de devenir directeur de centre culturel et s’orienter vers une carrière d’enseignant. En 2000, il crée la revue Contrelittérature, terme qu’il définit ainsi : « La contrelittérature n’est pas un mouvement artistique mais un état d’esprit à la fois réactif et progressiste. Réactif, parce qu’il repose sur une anthropologie spirituelle de l’homme et progressiste, parce qu’il se fonde sur une positivité du temps ».



Le roman retrouvé d’Alain Santacreu (éd. Timbad, préface de Mehdi Bellaj Kacem), se décline en autant de chapitres que contient de lettres, l’alphabet hébreu (27).
Pour introduire la première partie du livre, le narrateur se sert d’une image afin d’expliciter sa démarche : le dessin de Saul Steinberg qui représente un homme en train de s’effacer lui-même avec une gomme ! « Je m’adonne à la décomposition du lieu de mon corps pour faire place au corps sans organe du livre ».
Ensuite, Mehdi Belhag Kacem nous explique dans sa préface : « Ce roman ne raconte rien, pas d’intrigue principale ou de péripéties qui s’enchainent pour mener à quelque dénouement spectaculaire. Ce sont mille choses à la fois qui sont narrées à chaque page. Ce livre a quelque chose de fractal dans sa structure où le moindre détail renvoie à "l’entièrementé" du propos ».
Nous n’allons pas tarder à nous en apercevoir en suivant pas à pas, Palas, le héros du « livre perdu », un ouvrage introduit par une phrase de la chanson de Bob Dylan, One more cup of coffee, tandis qu’il presse sur son cœur, une enveloppe blanche contenant sept pincées des cendres mortuaires de sa mère !
Nous revivrons avec lui ses souvenirs d’enfant confronté aux horreurs d’un monde moderne « où s’agitent comme autant de placébos, analgésiques miraculeux et cristaux informatiques qui contrôlent l’humanité et s’opposent à son développement spirituel ». Suivent ses souvenirs d’adolescent amoureux se heurtant à une foule de personnes désaxées, entre deux joints et dans les volutes enflammées de Patty Smith, des Stooges et autres New York Dolls.
Propos pouvant paraitre décousus et pourtant loin d’être dépourvus de significations.
Nous faisons alors la connaissance d’une jeune femme dévoyée et énigmatique et d’un drôle de gus, nommé Julius Wood ainsi que de son acolyte indien, Narendra. Tous trois, parés d’une extrême érudition, rencontrés au Blue Eyes Bar, une boite homo dijonnaise, dont le décor fait diablement penser au belles heures du Palace. C’est là que nous apprenons, entre autres, que « Lénine et Hitler se seraient inspirés du modèle jésuitiste pour former leurs partis bolchévique et nazi ».
Suit un magma de considérations croisées sur l’indouisme ; l’Eglise de Rome contre celle d’Orient ; l’origine du théâtre ; l’initiation à la contrelittérature et aux règles des échecs du Chaturanga, né au 6ème siècle. Mais encore sur la « consanguinité de l’homosexualité, des Juifs et de la littérature », selon Marcel Proust ! Arrêt sur le tableau Le Grand Verre de Marcel Duchamp et La chasse nocturne de Paolo Ucello dont, il sera longuement question plus avant dans le livre. Tout ceci, alors que nous n’en sommes qu’aux premiers chapitres !
Nous voilà alors embarqués dans un « impossible voyage initiatique où tout devient possible » à bord de l’Orient express, à travers la Pologne et la Serbie. Profondes réflexions sur la mise en place des stratégies et techniques de désinformation de masse (version George Orwell), d’abord par Staline en URSS, puis en Espagne, « contre la menace libertaire » de 1936 à 1939. Une occasion pour Alain Santacreu de nous expliquer pourquoi selon lui, « l’Histoire s’est arrêtée en 1936 ». Intéressant. Impossible de résumer tous les autres thèmes abordés dans cette première partie, tellement ils sont légion.
Bref inventaire à la Prévert : l’établissement des premières diasporas sous Alexandre le Grand ; finances offertes aux Juifs aux premières années de l’Islam. Considérations à l’avènement de l’Islam ; liens entre les communautés Karaites et les Cathares. Petite échappée au Mexique et en Irlande sur les traces d’Antonin Artaud. Signalons encore des propos sur la Shoah, « selon le point de vue la littérature qui la maintien dans le mythe et la contrelittérature qui veut la ramener dans l’Histoire » Comparaison captivante sur les communautés juives et dissidentes (sionistes ashkénazim, sefardim et Juifs arabes et orientaux). On en vient alors à se demander un peu perdus sous cet amoncellement d’informations : « Mais, quel rapport entre Auschwitz, le Barcelone de 1936, les premiers « grands complots » ou encore, la Révolte des marins de Cronstadt, le messianisme slavophile, ou les origines de la circoncision juive et arabe » ?
Patience, car avant la révélation, nous allons assister avant tout à une ultime et absolument stupéfiante rencontre entre le narrateur et Marcel Duchamp. Mais, n’avons-nous pas déjà trop parlé ?
Dans la seconde partie du livre, nous quittons l’univers magique de la première pour assister à une interview-entretien, entre Alain Santacreu et une lectrice de « son sulfureux Roman retrouvé » dont, enfin il va nous expliquer la gestation « avant sa mystérieuse disparition ». L’élaboration de la mise en perspective de cette masse d’informations, de documents, de citations et extraits, (entre autres, d’Emile Zola ; Marcel Proust ; Frantz Kafka ; Thomas Mann ; Karl Kraus ; Jack London ; Karel Capek et autres Antonin Artaud ; Jerzy Grotowski ; Victor Serge ; Martin Buber ; Stirner ; Pier Paolo Pasolini, Federico Garcia Lorca, etc.). Belle brochette d’auteurs à notre disposition pour « Prendre le risque de « désactiver la pensée ». En conclusion, Santacreu fait allusion à la réponse que fit Gustave Courbet à une femme qui l’interrogeait sur ses ambitions : « Acceptez mon art ou ne l’acceptez pas : Je suis libre ! » ! …
On sort enivrés, le cerveau rincé de ces 27 chapitres d’une densité dantesque, véritable tremplin pour quiconque souhaite se remettre en question et réfléchir sur le « fond des choses » ,tout en faisant la nique aux idées reçues et autres platitudes. Si l’on a parfois l’impression au premier abord d’avoir affaire à un discours phobique (notamment sur les questions de l’homosexualité ou de la judéité), que c’est justement le but recherché par Alain Santacreu : nous faire douter avant de nous rassurer. Tout en nous indiquant d’autres voies de réflexion pour aborder l’ensemble de ces questions fondamentales et hélas trop souvent exploitées et détournées par les temps qui courent, à des fins « plutôt troubles » !...

Jean-Christophe Grangé : Le vol des cigognes



Après une maîtrise de lettres en Sorbonne (axée sur Gustave Flaubert), Jean-Christophe Grangé devient rédacteur publicitaire, puis journaliste grâce à un ami photographe. En 1989, cette collaboration commence par un reportage d’une année sur les derniers peuples nomades à travers le monde et se poursuit durant une dizaine d’années. En 1994, Jean-Christophe Grangé fait paraître son premier roman Le Vol des cigognes qui reçoit un bon accueil critique.



Le héros du Vol des cigognes (éd. Polar poche), Louis Antioche, 32 ans, diplômé d’histoire a perdu son frère et ses parents lors d’un « accident » en Afrique, alors qu’il n’avait que six ans. Elevé par des amis diplomates de ses parents, « distants mais généreux », ces derniers lui conseillent d’aller trouver à Montreux, Max Böhn, un de leurs amis ornithologue, spécialisé sur les migrations des cigognes. Ce dernier recherchant un jeune assistant pour l’aider à comprendre pourquoi une cinquantaine des oiseaux bagués dont il s’occupe, ne sont pas rentrés au nid après leur période migratoire.
Catastrophe écologique ? Nouvel insecticide ?
Aussi, propose-t-il à Louis de suivre la prochaine migration des cigognes pour résoudre ce mystère. Mais alors que notre héros s’apprête à partir, l’ornithologue est retrouvé mort d’une crise cardiaque, dans un nid. Louis a juste le temps de récupérer des documents importants, avant l’arrivée de la police qui découvre une minuscule capsule de titane sur l’extrémité du cœur transplanté de la victime.
Il apprend que Max Böhm, non seulement possédait une immense fortune, mais surtout se livrait à des activités très suspectes. L’inspecteur propose à Louis de ne pas abandonner son projet et d’aller enquêter sur les traces du mort et éventuellement des cigognes disparues !
Outre l’intrigue on ne peut mieux ficelée, époustouflante et souvent à la limite du soutenable, nous allons croiser d’innombrables personnages dont très peu de sympathiques, contre une foule de gens « très antipathiques ». De Bratislava à Sofia, puis d’un « Kibboutz aux cigognes » à la République de Centrafrique. L’occasion d’en apprendre beaucoup sur les migrations des cigognes et leur mystère ; sur l’histoire des tziganes nomades et sédentaires ; sur les conditions de la prise du pouvoir par Bokassa en 1965 ; sur les mœurs des pygmées du sud de la RDC ; sur les transplantations d’organes ou encore, sur l’exploitation des diamants, etc. De rebondissement en rebondissement, où cette course folle mènera-t-elle Louis, sinon entre autres, sur les traces de son propre passé ? Montées d’adrénaline garanties !

Laurent Mauduit : Vous ne me trouverez pas sur Amazon



Vous ne me trouverez pas sur Amazon (éd. Divergences, dont le fondateur a été l’un des rédacteur de l’appel de 80 éditeurs indépendants « Nous ne vendrons pas sur Amazon), est un incontournable petit recueil de Laurent Mauduit (journaliste d’investigation spécialisé dans les affaires économiques et la politique économique et sociale) pour qui veut connaitre les tenants et aboutissants des oligopoles anglosaxons (les GAFAM - Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft). Ces dernières ayant opéré une véritable « main-basse sur tous les médias afin d’accaparer une part toujours croissante du gigantesque marché publicitaire », remettant en cause en France, la célèbre loi de 1881 sur la liberté de la presse et de la parole. Laurent Mauduit nous remémore à ce propos, les combats menés auparavant depuis la Révolution (notamment par Charles Baudelaire et Gustave Flaubert) et ce, jusqu’à la prise de position George Clémenceau (première mouture !). L’auteur fait ensuite un parallèle entre ce qui s’était joué à l’aube de la IIIème République et les implications dues de nos jours à « la nouvelle révolution industrielle des NTIC, contrôlée par une poignée de milliardaires qui ont petit à petit réussi à contrôler aussi bien les circuits de la presse et de l’édition ». Laurent Mauduit énonce ensuite la « rafale de dispositions législatives remettant en cause le droit de savoir ».

Dans le premier chapitre, l’auteur tente de circonvenir ce « nouveau type de capitalisme », à preuve d’une foule d’exemples, puis tente de répondre à cette question fondamentale : « D’où vient cette puissance financière sans précédent dans l’histoire du capitalisme, dont jouissent les GAFAM et ses conséquences sur le secteur de l’information et surtout des libertés individuelles ? ». Nous vous laissons découvrir la réponse, même si la plupart d’entre nous en connaissons déjà les grandes lignes. Mais, bien moins comme nous allons le constater, les en-dessous pas très chics !

Dans le second chapitre, Laurent Mauduit va nous en révéler tout autant, en ce qui concerne « la guerre que mène Amazon contre le secteur de l’édition et de la distribution » et nous rappelle l’historique des « grandes concentrations », puis la lutte contre le prix unique du livre. Il alerte également sur les nouvelles pratiques, dont l’autoédition, initiées par Amazon. « Pourquoi le monde de l’édition (à part quelques rares exemptions d’éditeurs indépendants) ne se mobilise pas contre le monopole d’Amazon et de la FNAC ? », se demande-t-il ensuite.

Dans le troisième chapitre, l’auteur nous plonge au cœur d’une presse française, « sous domination de Google et Facebook, les deux géants du numérique ayant désormais entre leurs mains toutes les "datas" utiles sur les abonnés de la presse, vendues par les journaux eux-mêmes ». Soulignons que très peu d’articles fouillés paraissent sur le sujet, ce que l’auteur se propose, lui, de faire. Les chiffres révélés sur les arrière-cours des grands journaux donnent froid dans le dos. Ainsi que les révélations faites lors de « fuites », révélant l’ampleur de la nouvelle dépendance financière de la presse française. Mais le « massacre » de la liberté de la presse s’arrêtera-t-il là ? On peut en douter ! En conclusion, l’auteur donne quelques pistes pour tenter de se débarrasser de la mainmise sur l’information et le livre, et empêcher que « les journalistes soient soumis aux diktats des algorithmes hiérarchisant l’information ». Il serait bon pour cela de se souvenir des actions menées dans le passé (notamment après la Libération), certes, mais encore ? Les pistes semblent bien étroites ! …

Patrick Schindler, individuel FA Athènes

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PAR : Patrick Schindler
individuel FA Athènes
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1

le 8 septembre 2024 13:57:32 par Patricia Stiebel

Article particulièrement intéressant par la diversité des ouvrages cités . des lectures intéressantes en perspective. Super !

2

le 8 septembre 2024 14:12:20 par Patricia Stiebel

A voir a en replay avec un peu de chance sur ARTE la mini-série pleine d’humour " Dieu et le chameau " dans laquelle les 2 protagonistes , un juif intégriste de NY récite l’intégralité des règles prescrites dans la Torah à un arabe pour se tenir éveillés dans un puits jusqu’au petit matin et essayer d’en sortir .

3

le 8 septembre 2024 15:05:39 par Stéphane Sangral

Décidemment, cher Rat noir, tu tapes toujours juste : il m’intrigue le livre de Santacreu
Merci
Stéphane S.

4

le 8 septembre 2024 15:12:34 par Editions Tinbad

Oh ! Merci beaucoup pour la recension du Livre perdu !
Un livre "difficile" et "délicat" à traiter... Il a déjà eu des textes favorables à sa lecture... Mais bcp bcp de silence de la part des critiques. Pourquoi ?????
CM

5

le 8 septembre 2024 15:14:58 par Alain Santacreu

Cher Patrick,
J’ai découvert avec surprise ta recension de mon roman. J’ai été touché par tes appréciations que j’ai trouvées très bienveillantes. Sache que c’est pour moi une forme de reconnaissance car j’ai une grande estime non seulement pour ton parcourt de militant mais aussi pour la qualité de tes critiques que je lis régulièrement.
Abrazos,
Alain

6

le 9 septembre 2024 16:10:05 par Max P

"Evasion du couloir de la mort" d’Edward Bunker me tente bien. Je ne connais pas cet auteur. Merci ! Et réécouter Brigitte Fontaine et Areski avec "L’incendie", une lumière aujourd’hui dans le ciel gris de Paris. "Donne moi la main"