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Chroniques du temps réel
par René Berthier le 22 avril 2019

Les taureaux catalans pour l’indépendance ?

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En 2010 la Parlement catalan avait voté l’interdiction de la tauromachie après la présentation d’une initiative législative populaire signée par 180 000 personnes.
En octobre 2016, le tribunal constitutionnel espagnol, constitué d’une majorité de magistrats conservateurs, annula cette interdiction à l’initiative du Parti populaire (de droite), au motif que la Catalogne dispose de compétences juridiques concernant la régulation des fêtes taurines, mais pas pour interdire les corridas, qui avaient été déclarées patrimoine culturel en 2013.
Le gouvernement catalan, engagé sur la voie de l’indépendance et en opposition avec Madrid, a décidé cependant de ne pas tenir compte de l’avis du gouvernement espagnol. Bref, les taureaux sont pris en otages dans une confrontation politique. Nul doute que si on leur demandait leur avis, ils seraient pour l’indépendance de la Catalogne.
De toutes façons, le retour des corridas serait difficile en Catalogne dans la mesure où la plupart des arènes ont été transformées. Quant aux arènes démontables, elles sont interdites pour des raisons de sécurité. A Barcelone, une ordonnance municipale interdit depuis 2014 les spectacles mettant en scène la mort d’un animal.
Argument décisif : les corridas ont peu de chance de faire un « come back » en Catalogne pour la simple raison qu’elles ne sont plus rentables. Bien avant qu’elles ne soient interdites, elles étaient désertées par la population : il n’y avait plus à Barcelone que quelques centaines d’abonnés. La majorité des spectateurs étaient des touristes. Selon le ministère espagnol de la culture, les arènes espagnoles ont perdu 850 000 spectateurs sur les huit dernières années. En traversant l’Espagne, il est difficile de trouver une arène où il n’y a pas de tags contre les corridas.
Peut-être une multiplicité de petites victoires aura-t-elle raison de cette pratique barbare et déshumanisante, victoires ne venant peut-être pas de là où on pense. En effet, en Castille-et-Léon c’est la gouvernement conservateur qui est à l’origine d’une loi interdisant de tuer des animaux en public lors des fêtes populaires à l’occasion desquelles les hommes courent après l’animal avec des bâtons et des piques pour le mutiler et le tuer. (Mais les corridas de sont pas concernées...)
En France les organisateurs de corridas ont aussi de quoi s’inquiéter. Le lobby des corridas a essayé d’introduire cette pratique dans des villes où il n’y en avait pas. Mais 74% des Français réclament l’interdiction de la corrida, selon un sondage Ifop pour la Fondation 30 Millions d’Amis (2018).
Le droit français interdit tout « acte de cruauté envers les animaux domestiques apprivoisés ou tenus en captivité, que l’acte soit effectué publiquement ou non » (article 521 du code pénal). Les peines peuvent aller jusqu’à 2 ans de prison. La loi ne nie par conséquent pas la cruauté de la corrida ni son caractère illégal. Mais les sanctions prévues par cet article de loi « ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être évoquée ».
Une consolation : la fréquentation des arènes est en chute constante. Ainsi en six ans, l’affluence dans les arènes de Nîmes lors de la feria de Pentecôte a chuté de 30%. Le prix élevé des places (21 à 108 euros), le vieillissement du public qui se renouvelle peu et les campagnes anti-corrida ont un effet dissuasif. La désaffection touche néanmoins davantage le sud-est que le sud-ouest (Landes, Pays basque). Toutes les associations locales organisatrices éprouvent des difficultés financières.
Cela dit, il y a matière à s’inquiéter, sachant qu’Emmanuel Macron a déclaré, le 17 avril 2017, dans le quotidien régional La Provence : « La corrida fait partie intégrante de la culture et de l’économie, y compris du tourisme, de la région. Je suis à ce titre opposé à l’interdiction dans les territoires de tradition taurine ».
Le Collectif des vétérinaires pour l’abolition de la corrida (COVAC), qui regroupe 2 250 vétérinaires français, s’inquiète de certains signaux donné par Macron. Il a adressé à Emmanuel Macron une lettre extrêmement intéressante, dans laquelle on peut lire notamment :
« La question de la corrida nous préoccupe en tant que vétérinaires, non seulement parce que son principe est d’infliger longuement des blessures à un animal, mais surtout parce ces blessures sont infligées pour le plaisir des spectateurs, jadis assumé comme plaisir pulsionnel, de nos jours habillé en plaisir esthétique voire spirituel, sous une semblance culturelle voire anthropologique. Dès lors, ce spectacle revêt une importance symbolique considérable, car il légitime en lui-même toutes les maltraitances pouvant être imposées aux animaux par les hommes.» (http://www.veterinaires-anticorrida.fr/2017/06/lettre-ouverte-a-m-macron-president-de-la-republique.html)

J’ajouterai que la cruauté envers les animaux et leur maltraitance est également une déshumanisation des personnes qui s’adonnent à ces pratiques.*





René Berthier
16 avril 2019
PAR : René Berthier
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