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par F. Foinikiotis • le 2 mars 2020
Aube Dorée, le crépuscule du fascisme 1e partie
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Article extrait du Monde libertaire n° 1814 de février 2020
Pour « mise en bouche », que les choses soient claires : l’Aube dorée n’est pas un parti d’extrême-droite nationaliste et xénophobe grec, qui a des relations secrètes avec des groupuscules extrémistes néonazis : l’Aube dorée EST le parti néonazi grec ! En mai 2012, la Grèce est devenue le premier pays européen à accueillir dans son parlement un parti politique néonazi. Cela signifie-t-il que les grecs soient des pro-nazis pour autant ? Absolument pas !
Le spectre du régime du 4 août 1936
Petit retour dans le passé proche. La guerre de l’indépendance grecque contre l’empire Ottoman commence le 25 mars 1921.Ilse termine en 1927, avec la bataille de Navarin. Le premier gouverneur du jeune État grec indépendant est Ioannis Kapodistrias, assassiné le 27 septembre 1831. Le Protocole de Londres de 1830, accepte la potentialité de faire de la Grèce un état complètement indépendant, à condition que les trois grandes puissances (Royaume-Uni, France, Russie) imposent les souverains de leur choix. En 1832, premier roi de Grèce est Othon 1er, prince de Bavière. Un jeune adolescent de 17 ans. George 1er, prince de Danemark (1863-1913), lui succède, suivi par Constantin 1er (1913-1917, 1920-1922), le fils de Georges 1er. Quel rapport avec l’Aube Dorée ? Soyons patients…
Le 12 avril 1871, Metaxás voit le jour à Ithaque. Fils de préfet, il entame une « belle carrière » de militaire et devient officier de l’armée grecque. Fervent royaliste, quand Constantin 1er quitte le pays en 1917 suite à un schisme national, Metaxás l’accompagne en exil. En 1920, de retour en Grèce, il fonde un petit parti d’extrême droite, appelé le Parti de la libre opinion. Même si Metaxás est un grand sympathisant de l’Allemagne hitlérienne, en 1935 le roi George II (Fils de Constantin 1er), sans prévenir son premier ministre le nomme ministre de l’armée. En 1936, Metaxás avec la bénédiction du roi George II, dissous le parlement et impose le régime dictatorial du 4 Août. Un régime fasciste [note] .
Le 1er septembre 1939, éclate la deuxième guerre mondiale. Déchiré entre son idéologie fasciste et son roi, dans un premier temps Metaxás choisit la neutralité. En octobre 1939, Mussolini envoie un ambassadeur pour demander à la Grèce d’autoriser l’armée italienne à occuper son territoire. C’est un ultimatum. Metaxás, proche sur le plan diplomatique des démocraties occidentales, répond en français : « Alors, c’est la guerre » [note] . L’Italie attaque la Grèce. Les Grecs résistent. Le 27 avril 1941, Athènes est occupé par les allemands. Durant l’occupation les nazis détruisent plus de 1 770 villages, assassinent 56 225 civils et pillent 8 500 trésors archéologiques. Le nombre total des victimes d’exécutions [note] , la famine et la maladie a été estimé à 1 106 000 personnes, soit 13,5 % de la population grecque. Le taux le plus élevé dans toute l’Europe.
Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, une terrible guerre civile éclate entre les résistants de l’EAM (Front de libération national) et les troupes royalistes encadré par les britanniques [note] . Le président américain Harry S. Truman, de peur que la Grèce ne succombe « à la tentation communiste », envoie une aide de 250.000 millions de dollars aux royalistes. Entre 1946 et 1949, le pays se déchire et fait plus de 160 000 morts.
Vingt-huit ans plus tard le 21 avril 1967, des officiers supporteurs du régime du dictateur Metaxás prennent le pouvoir par la force. Le colonel Géorgios Papadopoulos en est le meneur [note] de cette nouvelle dictature militaire, la troisième en Grèce au XXème siècle [note] . La crise chypriote de l’été 1974 provoque la chute des colonels. Les dictateurs sont emprisonnés et Konstantinos Karamanlis est démocratiquement élu premier ministre. Commence alors « l’ère de la démocratie » [note] . Pourquoi raconter tout cela ? Tout d’abord, pour souligner que dans la Grèce des années 70, on trouve de tout : des royalistes, des fascistes, des communistes, des anarchistes, des démocrates et des croyants. Enfin : tout, sauf des nazis. Alors comment sont-ils arrivés ?
L’histoire de l’Aube Dorée
Tout commence en 1973, quand un jeune fanatique de 16 ans rejoint le Parti du 4 août de Kontantinos Plévris [note] . Son nom est Nikolaos Michaloliakos. Impliqué dans plusieurs attentats à la bombe, Michaloliakos connait la prison à mainte reprise. En 1984, depuis la prison de korydallos, l’ex-dictateur Géorgios Papadopoulos forme le parti L’Union politique nationale (EPEN, Ethniki, Politiki Enos [note] et nomme Michaloliakos chef de son organisation de jeunesse.
Trop extrémiste aux yeux du dictateur fasciste, ce jeune garçon assoiffé d’idéologies ultras est écarté de l’EPEN. Dans un article intitulé Géorgios Papadopoulos, tel que je l’ai connu [note] , Michaloliakos, écrit : « En janvier 1985, j’ai démissionné de la direction de l’EPEN et ce pour deux raisons : tout d’abord, je ne tolérais plus les questions en forme d’interrogatoire que certains me posaient pour savoir si j’étais un national-socialiste pur ou pas ; deuxièmement, parce qu’à l’insu de Géorgios Papadopoulos, l’EPEN avait intégré le groupe des amis d’Israël. » Ce poste de dirigeant de la jeunesse d’EPEN sera confié à Makis Voridis, ministre de l’actuel gouvernement de Kyriakos Mitsotakis…
Restant fidèle à ses croyances, Michaloliakos finit par fonder son propre clan. Il ne s’agit pas encore d’un parti, mais plutôt d’un groupuscule de jeunes extrémistes « fascinés » par la personnalité et la radicalité d’Hitler [note] . Le premier numéro du journal néonazi grec Chyssi Aygi (Aube Dorée) avait vu le jour en décembre 1980 [note] . Dès son premier numéro la revue était accusée de nazisme et de paganisme. Le groupe assume complètement ses convictions : « Nous sommes des nazis, si cela ne vous pose pas de problème terminologique (et bien que cela nous en pose un), car nous avons vu dans le miracle de la révolution allemande de 1933, la Force qui va libérer l’humanité de la pourriture juive (…) Nous sommes des païens parce que nous sommes grecs et nous ne pouvons pas adopter d’autres valeurs que celles qui émanent du miracle de l’esprit grec. (…) Nous sommes des anarchistes, car nous sommes irréductibles et fanatiques, mais aussi parce que c’est à l’heure actuelle la seule option pour afficher notre différence. Nous sommes anarchistes et nous le resterons jusqu’au triomphe de l’autorité du pouvoir national-socialiste. »
Avec les années 1990, le monde change. La chute des régimes communistes dans les Balkans entraîne en Grèce une nouvelle vague nationaliste et xénophobe. Suite à de terribles guerres sanglantes, l’ex-Yougoslavie se divise en une multitude d’états dont l’un d’entre eux se proclame « République de la Macédoine ». La Grèce s’oppose violemment à la reconnaissance de ce nouveau pays. D’une part, parce qu’une région de Grèce porte déjà ce nom et d’autre part, parce qu’elle a peur que ce nouvel état cherche à s’approprier par son nom et ses symboles, l’héritage culturel grec. Simultanément le régime communiste Albanais s’effondre, ce qui amorce des flux migratoires aux frontières nord du pays.
Si la mentalité grecque mute soudainement, c’est surtout à cause de l’apparition au début des années 90, des premières chaines de TV privées. Le nombre de poste télévisuels augmente brusquement. Les foyers sont conquis. Ce peuple bon viveur et décontracté, s’enferme alors chez lui et se laisse endoctriner par une nouvelle télévision anxiogène « à l’américaine » [note] . Cette ambiance de peur et d’insécurité offre à L’Aube Dorée l’occasion de remettre en question ses priorités. Pour se faire une image « un peu plus acceptable », elle va renouer des liens avec certains mouvements monarchistes et d’autres nostalgiques du temps des dictatures… L’Aube dorée commence à cacher ses drapeaux hitlériens et se présente comme un « mouvement grec nationaliste ». En 1996, le parti « Aube Dorée » se présente pour la première fois aux législatives et obtient tout juste 4 537 voix (0,07 du suffrage national).
F. Foinikiotis
1) « Nous », Chryssi Aygi, n°5, mai-juin 1981 (…)
Pourquoi Aube Dorée ? L’Ordre Hermétique de l’Aube Dorée, est une société secrète anglaise, fondée à Londres par Wynn Welscotte en 1888. Ce mouvement, inspiré d’écrits comme « Isis dévoilé » d’Helena Blavatsky était consacré à l’étude des sciences occultes par le biais de l’art, du théâtre et des rites. Bref, rien de fasciste. Il s’agit juste d’un petit groupe de jeunes artistes illuminés (un peu comme les surréalistes) qui s’adonnent à des pratiques occultes, étudient la Kabale, pratiquent le spiritisme, l’écriture automatique, la magie. Parmi ses membres, on trouve William Yeats, Bram Stoker (auteur du Dracula), Alester Crowley. Oscar Wilde, sans en être membre, a lui aussi participé à quelques séances de table tournante de la Golden Dawn. Suite à des conflits internes, le groupe se disloque en 1905. Quel rapport avec le nazisme et l’Aube Dorée grecque ? Aucun. Sinon que le baron antisémite Rudolf Von Sabottendorf, disciple de Gurdjieff Karl Hanshoper (admirateur de Blavatsky), s’est énormément inspiré des doctrines et rituel du Golden Dawn pour fonder en 1918, l’ordre de Thulé (Société occulte issue du courant vôlkish, qui inspirera l’idéologie nazi). Comme le symbole de la swastika hindou a été récupéré par l’ordre de Thulé, de même Michaloliakos se sert du nom Aube Dorée pour fonder sa revue. Je suppose que s’il a appelé sa fille « Urania », c’est en hommage à la loge de la Golden Dawn, « Isis-Urania », inauguré en mars 1888, à Londres. Dans une interview du journaliste Stayros Theodorakis (Protagonistes, 13/05/2012), Michaloliakos confesse : « J’ose dire même si cela est aux antipodes de mon idéologie que je suis fasciné par les poètes maudits du 19ème siècle. Je pense que la vie est un poème qui n’a de sens uniquement si elle est vécue dans l’extrême. » « Quel sont les limites de cet extrême ? », riposte Theodorakis. « L’extrême n’a pas de limite », répond en souriant Michaloliakos.
Je vous invite également à découvrir le programme du « Cycle de formation idéologique » de l’Aube Dorée en 1983 :
« a) Objectifs, visée et idéologie d’Aube dorée (Nikolaos Michaloliakos) ;
b) Adolf Hitler, le symbole du siècle (Foivos Natsis) ;
c) L’âme raciale et son cours historique (Loukas Stavrou) ;
d) L’idéal homérique comme principe et fondement de notre idéologie (Ioannis Lefkaditis ;
e) La Sparte antique et le national-socialisme (Theodoros Maniatis ;
f) Le cours historique des théories raciales et l’importance du racialisme pour la vision national-socialiste du monde (Géorgios Iliopoulos) ;
g) Le danger sioniste (Dimitrios Kosmopoulos) ;
h) National-socialisme, la légende d’avenir (Nikolaos Michaloliakos) ;
i) La vision du paganisme et son importance pour notre ère (Nikiforos Germanos). » (Articles du n°8 de la revue Chyssi Avgi.)
2) Ayant grandi dans les années 80, dans un village sans eau et dont l’électricité venait à peine d’arriver, j’ai connu une autre Grèce. Enfant dans mon école, j’étais le seul étranger. Dans le cadre de ma scolarité tous les matins on faisait la prière, on avait deux fois par semaine un cours de religion et on nous emmenait souvent à l’église. Même si j’étais le seul à ne pas être baptisé, je ne peux pas dire que j’ai mal vécu tout ça ou que je me suis senti exclu. C’était une époque où on dormait encore les portes ouvertes. Le lendemain on se réveillait avec deux chiens errants sur nos genoux. Les gens étaient presque toujours dehors (La seule fois où ma mère m’a dit « aujourd’hui tu rester à la maison », c’était le jour qui a suivi la catastrophe du Tchernobyl.) Les portes des maisons ne fermaient jamais. Un jour, jeune adolescent, ma mère me dit : « Maintenant ce n’est plus comme avant, il faut fermer la porte », « Mais pourquoi ? Une porte ça se ferme ? ». Depuis, avant de me coucher je ferme toujours la porte…
Le spectre du régime du 4 août 1936
Petit retour dans le passé proche. La guerre de l’indépendance grecque contre l’empire Ottoman commence le 25 mars 1921.Ilse termine en 1927, avec la bataille de Navarin. Le premier gouverneur du jeune État grec indépendant est Ioannis Kapodistrias, assassiné le 27 septembre 1831. Le Protocole de Londres de 1830, accepte la potentialité de faire de la Grèce un état complètement indépendant, à condition que les trois grandes puissances (Royaume-Uni, France, Russie) imposent les souverains de leur choix. En 1832, premier roi de Grèce est Othon 1er, prince de Bavière. Un jeune adolescent de 17 ans. George 1er, prince de Danemark (1863-1913), lui succède, suivi par Constantin 1er (1913-1917, 1920-1922), le fils de Georges 1er. Quel rapport avec l’Aube Dorée ? Soyons patients…
Le 12 avril 1871, Metaxás voit le jour à Ithaque. Fils de préfet, il entame une « belle carrière » de militaire et devient officier de l’armée grecque. Fervent royaliste, quand Constantin 1er quitte le pays en 1917 suite à un schisme national, Metaxás l’accompagne en exil. En 1920, de retour en Grèce, il fonde un petit parti d’extrême droite, appelé le Parti de la libre opinion. Même si Metaxás est un grand sympathisant de l’Allemagne hitlérienne, en 1935 le roi George II (Fils de Constantin 1er), sans prévenir son premier ministre le nomme ministre de l’armée. En 1936, Metaxás avec la bénédiction du roi George II, dissous le parlement et impose le régime dictatorial du 4 Août. Un régime fasciste [note] .
Le 1er septembre 1939, éclate la deuxième guerre mondiale. Déchiré entre son idéologie fasciste et son roi, dans un premier temps Metaxás choisit la neutralité. En octobre 1939, Mussolini envoie un ambassadeur pour demander à la Grèce d’autoriser l’armée italienne à occuper son territoire. C’est un ultimatum. Metaxás, proche sur le plan diplomatique des démocraties occidentales, répond en français : « Alors, c’est la guerre » [note] . L’Italie attaque la Grèce. Les Grecs résistent. Le 27 avril 1941, Athènes est occupé par les allemands. Durant l’occupation les nazis détruisent plus de 1 770 villages, assassinent 56 225 civils et pillent 8 500 trésors archéologiques. Le nombre total des victimes d’exécutions [note] , la famine et la maladie a été estimé à 1 106 000 personnes, soit 13,5 % de la population grecque. Le taux le plus élevé dans toute l’Europe.
Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, une terrible guerre civile éclate entre les résistants de l’EAM (Front de libération national) et les troupes royalistes encadré par les britanniques [note] . Le président américain Harry S. Truman, de peur que la Grèce ne succombe « à la tentation communiste », envoie une aide de 250.000 millions de dollars aux royalistes. Entre 1946 et 1949, le pays se déchire et fait plus de 160 000 morts.
Vingt-huit ans plus tard le 21 avril 1967, des officiers supporteurs du régime du dictateur Metaxás prennent le pouvoir par la force. Le colonel Géorgios Papadopoulos en est le meneur [note] de cette nouvelle dictature militaire, la troisième en Grèce au XXème siècle [note] . La crise chypriote de l’été 1974 provoque la chute des colonels. Les dictateurs sont emprisonnés et Konstantinos Karamanlis est démocratiquement élu premier ministre. Commence alors « l’ère de la démocratie » [note] . Pourquoi raconter tout cela ? Tout d’abord, pour souligner que dans la Grèce des années 70, on trouve de tout : des royalistes, des fascistes, des communistes, des anarchistes, des démocrates et des croyants. Enfin : tout, sauf des nazis. Alors comment sont-ils arrivés ?
L’histoire de l’Aube Dorée
Tout commence en 1973, quand un jeune fanatique de 16 ans rejoint le Parti du 4 août de Kontantinos Plévris [note] . Son nom est Nikolaos Michaloliakos. Impliqué dans plusieurs attentats à la bombe, Michaloliakos connait la prison à mainte reprise. En 1984, depuis la prison de korydallos, l’ex-dictateur Géorgios Papadopoulos forme le parti L’Union politique nationale (EPEN, Ethniki, Politiki Enos [note] et nomme Michaloliakos chef de son organisation de jeunesse.
Trop extrémiste aux yeux du dictateur fasciste, ce jeune garçon assoiffé d’idéologies ultras est écarté de l’EPEN. Dans un article intitulé Géorgios Papadopoulos, tel que je l’ai connu [note] , Michaloliakos, écrit : « En janvier 1985, j’ai démissionné de la direction de l’EPEN et ce pour deux raisons : tout d’abord, je ne tolérais plus les questions en forme d’interrogatoire que certains me posaient pour savoir si j’étais un national-socialiste pur ou pas ; deuxièmement, parce qu’à l’insu de Géorgios Papadopoulos, l’EPEN avait intégré le groupe des amis d’Israël. » Ce poste de dirigeant de la jeunesse d’EPEN sera confié à Makis Voridis, ministre de l’actuel gouvernement de Kyriakos Mitsotakis…
Restant fidèle à ses croyances, Michaloliakos finit par fonder son propre clan. Il ne s’agit pas encore d’un parti, mais plutôt d’un groupuscule de jeunes extrémistes « fascinés » par la personnalité et la radicalité d’Hitler [note] . Le premier numéro du journal néonazi grec Chyssi Aygi (Aube Dorée) avait vu le jour en décembre 1980 [note] . Dès son premier numéro la revue était accusée de nazisme et de paganisme. Le groupe assume complètement ses convictions : « Nous sommes des nazis, si cela ne vous pose pas de problème terminologique (et bien que cela nous en pose un), car nous avons vu dans le miracle de la révolution allemande de 1933, la Force qui va libérer l’humanité de la pourriture juive (…) Nous sommes des païens parce que nous sommes grecs et nous ne pouvons pas adopter d’autres valeurs que celles qui émanent du miracle de l’esprit grec. (…) Nous sommes des anarchistes, car nous sommes irréductibles et fanatiques, mais aussi parce que c’est à l’heure actuelle la seule option pour afficher notre différence. Nous sommes anarchistes et nous le resterons jusqu’au triomphe de l’autorité du pouvoir national-socialiste. »
Avec les années 1990, le monde change. La chute des régimes communistes dans les Balkans entraîne en Grèce une nouvelle vague nationaliste et xénophobe. Suite à de terribles guerres sanglantes, l’ex-Yougoslavie se divise en une multitude d’états dont l’un d’entre eux se proclame « République de la Macédoine ». La Grèce s’oppose violemment à la reconnaissance de ce nouveau pays. D’une part, parce qu’une région de Grèce porte déjà ce nom et d’autre part, parce qu’elle a peur que ce nouvel état cherche à s’approprier par son nom et ses symboles, l’héritage culturel grec. Simultanément le régime communiste Albanais s’effondre, ce qui amorce des flux migratoires aux frontières nord du pays.
Si la mentalité grecque mute soudainement, c’est surtout à cause de l’apparition au début des années 90, des premières chaines de TV privées. Le nombre de poste télévisuels augmente brusquement. Les foyers sont conquis. Ce peuple bon viveur et décontracté, s’enferme alors chez lui et se laisse endoctriner par une nouvelle télévision anxiogène « à l’américaine » [note] . Cette ambiance de peur et d’insécurité offre à L’Aube Dorée l’occasion de remettre en question ses priorités. Pour se faire une image « un peu plus acceptable », elle va renouer des liens avec certains mouvements monarchistes et d’autres nostalgiques du temps des dictatures… L’Aube dorée commence à cacher ses drapeaux hitlériens et se présente comme un « mouvement grec nationaliste ». En 1996, le parti « Aube Dorée » se présente pour la première fois aux législatives et obtient tout juste 4 537 voix (0,07 du suffrage national).
F. Foinikiotis
1) « Nous », Chryssi Aygi, n°5, mai-juin 1981 (…)
Pourquoi Aube Dorée ? L’Ordre Hermétique de l’Aube Dorée, est une société secrète anglaise, fondée à Londres par Wynn Welscotte en 1888. Ce mouvement, inspiré d’écrits comme « Isis dévoilé » d’Helena Blavatsky était consacré à l’étude des sciences occultes par le biais de l’art, du théâtre et des rites. Bref, rien de fasciste. Il s’agit juste d’un petit groupe de jeunes artistes illuminés (un peu comme les surréalistes) qui s’adonnent à des pratiques occultes, étudient la Kabale, pratiquent le spiritisme, l’écriture automatique, la magie. Parmi ses membres, on trouve William Yeats, Bram Stoker (auteur du Dracula), Alester Crowley. Oscar Wilde, sans en être membre, a lui aussi participé à quelques séances de table tournante de la Golden Dawn. Suite à des conflits internes, le groupe se disloque en 1905. Quel rapport avec le nazisme et l’Aube Dorée grecque ? Aucun. Sinon que le baron antisémite Rudolf Von Sabottendorf, disciple de Gurdjieff Karl Hanshoper (admirateur de Blavatsky), s’est énormément inspiré des doctrines et rituel du Golden Dawn pour fonder en 1918, l’ordre de Thulé (Société occulte issue du courant vôlkish, qui inspirera l’idéologie nazi). Comme le symbole de la swastika hindou a été récupéré par l’ordre de Thulé, de même Michaloliakos se sert du nom Aube Dorée pour fonder sa revue. Je suppose que s’il a appelé sa fille « Urania », c’est en hommage à la loge de la Golden Dawn, « Isis-Urania », inauguré en mars 1888, à Londres. Dans une interview du journaliste Stayros Theodorakis (Protagonistes, 13/05/2012), Michaloliakos confesse : « J’ose dire même si cela est aux antipodes de mon idéologie que je suis fasciné par les poètes maudits du 19ème siècle. Je pense que la vie est un poème qui n’a de sens uniquement si elle est vécue dans l’extrême. » « Quel sont les limites de cet extrême ? », riposte Theodorakis. « L’extrême n’a pas de limite », répond en souriant Michaloliakos.
Je vous invite également à découvrir le programme du « Cycle de formation idéologique » de l’Aube Dorée en 1983 :
« a) Objectifs, visée et idéologie d’Aube dorée (Nikolaos Michaloliakos) ;
b) Adolf Hitler, le symbole du siècle (Foivos Natsis) ;
c) L’âme raciale et son cours historique (Loukas Stavrou) ;
d) L’idéal homérique comme principe et fondement de notre idéologie (Ioannis Lefkaditis ;
e) La Sparte antique et le national-socialisme (Theodoros Maniatis ;
f) Le cours historique des théories raciales et l’importance du racialisme pour la vision national-socialiste du monde (Géorgios Iliopoulos) ;
g) Le danger sioniste (Dimitrios Kosmopoulos) ;
h) National-socialisme, la légende d’avenir (Nikolaos Michaloliakos) ;
i) La vision du paganisme et son importance pour notre ère (Nikiforos Germanos). » (Articles du n°8 de la revue Chyssi Avgi.)
2) Ayant grandi dans les années 80, dans un village sans eau et dont l’électricité venait à peine d’arriver, j’ai connu une autre Grèce. Enfant dans mon école, j’étais le seul étranger. Dans le cadre de ma scolarité tous les matins on faisait la prière, on avait deux fois par semaine un cours de religion et on nous emmenait souvent à l’église. Même si j’étais le seul à ne pas être baptisé, je ne peux pas dire que j’ai mal vécu tout ça ou que je me suis senti exclu. C’était une époque où on dormait encore les portes ouvertes. Le lendemain on se réveillait avec deux chiens errants sur nos genoux. Les gens étaient presque toujours dehors (La seule fois où ma mère m’a dit « aujourd’hui tu rester à la maison », c’était le jour qui a suivi la catastrophe du Tchernobyl.) Les portes des maisons ne fermaient jamais. Un jour, jeune adolescent, ma mère me dit : « Maintenant ce n’est plus comme avant, il faut fermer la porte », « Mais pourquoi ? Une porte ça se ferme ? ». Depuis, avant de me coucher je ferme toujours la porte…
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