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par Patrick Schindler • le 16 juin 2025

Le Rat noir a lu Guy Pique

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« L’homme n’est plus, renait le poète »
(Niklaus, Contes d’Offmann de Jacques Offenbach)

Si le Rat noir n’a pas connu, mais seulement croisé Guy Pique de son vivant, les compagnons du Groupe de Rouen de la Fédération anarchiste lui ont donné l’occasion de mieux connaitre son œuvre poétique, couvrant plus de trois décennies. Ils ont confié au Rat noir, six exemplaires de ses recueils, parus entre 1992 et 2025. Après les avoir parcourus avec une vive émotion, ce fut une tâche difficile d’en sélectionner un, dans chacun de ces volumes. Choix délicat à faire que de fouiller parmi une œuvre, on ne peut plus éclectique, susceptible de pouvoir rassembler sans doute tous nos espoirs, toutes nos désillusions, et ce, jusqu’à l’épuisement …

« Le plaisir suprême, c’est de fuir tous les plaisirs »

Absence

(In, Fibres, éditions Le Pont sous l’eau, 1992)

« Parfois vous parlez à un ami et, tout à coup, il vous semble absent, disparu. Il n’est plus devant vous. Vous le croyez distrait. Vous avez tort. Il n’est plus là.
C’est le vide, avec sa bouche de fer, qui l’a aspiré pour le décharger de sa peur, de son ressac. Il jette son tribut dans la grande mer des angoisses.
Et vous voyez votre ami revenir à la lumière avec des mouvements de brasse, en s’excusant, comme s’il y pouvait quelque chose »…

Parole

(In : Poussière d’encre, 1993)

« Les mots déversent les fonds de bouches
Plantés dans leurs membranes

Et les fils de voix
Où perlent encore une ombre, une empreinte
Grattent les ténèbres de pierre

La parole arrachée des oripeaux humains
Flotte à l’intérieur des corps
Rince toujours sa moelle souillée
À l’écoute des sèves sonores »

Pierre haute - extrait

(Éditions On a faim ! 1998)

« Mer en travail
Me déboite
Des squelettes
Grands brûlés

Dans la craie
Je marbre
Mes galeries
Sifflantes

A la pince
Je me donne
Démêlé en mille
Épaves »

Haut corps – extrait

(K. éditions, 2007)

« En sortie de l’axe
Le corps cherche son œil blanc
Une autre issue vers l’existant

L’ordre de vue
Permet de nous deviner
Tels
De supporter cette excroissance
De chair »

La fonte des masques – extrait

(Éditions du cygne, 2020)

« Nous aurons
A toute vitesse
Déjoué
Le cours lapant

Rarement
Les yeux
Dans les cieux
A décrypter
Ce qui bat

Toujours soufflant
A courir
Pour moins vieillir
Sans poser la main
Sur la tempe »

Un épuisement de l’être – extrait

« Le déroulement
Du corps
De sa place prise
Dans le monde des formes

Et tendre vers
Ces quelques mots
De préférence
Ecrits

Sans habits
Ni fard

Une expression de visage
Ramené à ce point de souffre
Prêt à l’allumage »

Suivre les traces du parcours poétique et de la quête idéologique de Guy Pique n’est pas chose impossible, ne serait-ce qu’en se fiant aux seuls titres de ses ouvrages. Dans l’ordre : Ombres ; Fibres ; Poussière d’encre ; Pierre Haute ; Aube de peau ; Haut corps ; La fonte des masques ; Grand ciment vacant et enfin, Un épuisement de l’être…

Mais il serait sans doute plus opportun de conclure ce petit hommage en poèmes choisis, en citant la phrase percutante qui ouvre son dernier recueil et semble parfaitement résumer l’état d’esprit dans lequel il se trouvait arrivé au terme de son parcours de militant anarchiste. Mais peut-être est-ce encore à nous autres de répondre à la question qu’il nous pose :
« L’être est très sollicité : jusqu’à l’intérieur de lui-même, les appels se font de plus en plus criants, nombreux : comment rester uni, cohérent face à ce déluge de vibrations, sollicitations de tous ordres ? »

Patrick Schindler, groupe de Rouen de la FA

PAR : Patrick Schindler
Groupe de Rouen

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