Littérature > Début de printemps, le rat noir de la bibliothèque a grignoté...
Littérature
par Patrick Schindler • le 30 mars 2020
Début de printemps, le rat noir de la bibliothèque a grignoté...
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Un amour de la route
L’histoire de ce livre, Un amour de la route (1), commence le 3 juin 1958. Elle n’est pas banale. Ce jour-là, Simone de Beauvoir reçoit 8 000 pages manuscrites d’un journal intime. Il est écrit en Français par une étudiante américaine, qui admire son œuvre et celle de JP Sartre. Elle a déposé ce « paquet » sous le pseudonyme de Joan, chez sa concierge. Beauvoir déplie le colis, se met à lire les feuillets. Elle les termine le 10 juin ! Elle est sidérée par leur contenu et la qualité de l’écriture.
Elle invite la jeune fille à dîner. Elle l’écoute raconter sa vie, « une longue suite d’aventures sordides et de passion malheureuse », écrit Beauvoir dans son journal.
L’histoire ne s’arrête pas là, loin s’en faut. Beauvoir conseille alors à Joan d’écrire vraiment. C’est-à-dire sous une autre forme que celle d’un journal autobiographique, tant trouve-t-elle que dans ses écrits, « quelque chose de fort passe ». Sur ce, durant tout l’été et l’automne 1958, Joan décide de partir en autostop dans le sud de la France et en Italie, et de vivre son voyage en donnant libre cours à ses pulsions. Acceptant de coucher éventuellement avec des hommes de rencontre, mais uniquement avec ceux qui correspondent à ses critères physiques et à ses idées de gauche. Issues de cette expérience, elle envoie cinq lettres (dont la dernière fait 76 pages…) à Simone de Beauvoir. Ainsi lui a-t-elle tenue en partie promesse, puisque ces lettres se transforment en une espèce de chronique relatant ses expériences. Cependant, Joan n’a pas réussi le pari de les métamorphoser en roman, car elle avoue à Beauvoir ne pas se sentir capable de se livrer à un tel cet exercice.
C’est de Milan qu’en août 1958, Joan adresse sa première lettre à l’écrivaine. Durant toute sa correspondance, qui dure jusqu’au 2 octobre, elle lui raconte presque au jour le jour son vécu immédiat, dans son intensité, relatant ses hésitations, sa naïveté dans certaines circonstances ou encore, ses erreurs. Comme par exemple, celle qu’elle a faite en faisant confiance à Raymond le Niçois, le camionneur dont elle est tombé sous le charme et qui va la mener en bateau. Alors, à côté de nombreux autres protagonistes rencontrés en chemin, tous plus ou moins picaresques, Raymond se transforme en une espèce de « recherche du Graal », et figure l’épine dorsale de son épopée. Mais, n’en dévoilons pas plus et n’hésitez plus à vous mettre sur le bord de la route et tendre le pouce avec Joan.
Une dernière précision, cependant. Comment ces lettres sont-elles devenues un livre ? C’est en novembre 2015, que Philippe Lejeune et Claudine Krishnan se rendent chez Sylvie Le Bon de Beauvoir, la fille adoptive de l’écrivaine ? Celle-ci a décidé de faire don à l’Association pour l’autobiographie et le Patrimoine Autobiographique (APA), des deux lourds cartons contenant le journal et les lettres de « Joan ». Instantanément un petit groupe se forme pour tout lire. Mais pour publier les publier, encore faut-il obtenir l’accord de « Joan » et avant tout la retrouver. Philippe Lejeune et Claudine Krishnan la découvrent et lient des liens d’amitié avec elle. Ils lui parlent de leur projet de publier ses lettres, sous son vrai nom. Blosssom Margaret Douthat accepte.
Une partie du journal sera publié en ligne en 2017, sur le site de l’APA, tandis que ses lettres le sont, elles, dans cet ouvrage. En postface duquel, Claudine Krishnan évoque l’ensemble du journal et la figure de son auteure, tandis que Marine Rouch, qui a retrouvé dans la correspondance passive de Simone de Beauvoir les lettres envoyées par Blossom de 1958 à 1980, donne un aperçu sur sa destinée ultérieure.
Un livre qui n’a certes rien d’épique, mais très original, intelligent, sensible et agréable à lire.
(1) Un amour de la route, Lettres de Blossom Margaret Douthat à Simone de Beauvoir, août-octobre 1958, éd. Mauconduit, 23€.
La verticale du fou
Il est rare qu’un éditeur raconte sa vie, enfin une partie de sa vie. Ou il serait plus exact et approprié de dire, deux parties de sa vie. De son enfance à sa cure de désintoxication alcoolique. Pris sous cet angle, cela parait plutôt austère. Mais c’est mal connaitre l’auteur, Jean-Marc Raynaud -(co-créateur, avec son complice Dominique Lestrat, des Editions Libertaires)- et son sens de l’humour, de l’autodérision, mais surtout de l’observation.
Dans La verticale du fou (1), armé d’un style plus que vivant et imagé, Jean-Marc nous plonge au cœur de son enfance charentaise, dans une série alternative de chapitres intitulés (sobrement) « JE » ! Et l’on ne s’ennuie pas. Tout lorsqu’on l’accompagne le long de ses doutes et révélations d’adolescent, puis dans l’âge appelé « mûr ». Enfin, on devrait plutôt dire dans son cas, de raison et de déraison.
Dans l’autre série des chapitres intitulés « NOUS », il nous embarque avec lui à l’hôpital psychiatrique de « Culdesac », où il se rend contraint et contrit, pour y suivre sa cure de sevrage. Il y découvre les locaux, ses « six camarades de colo », comme il les appelle avec affection, ainsi que le personnel soignant. Tout au long de ce petit livre vigoureux comme un coup de trique, d’un coup de crayon affuté et entre deux coups de colère feutrée, Jean-Marc, ce « taiseux » observe et nous décrit tout ce petit monde. Tout d’abord avec des yeux récalcitrants, puis curieux et enfin complices, attendris souvent. Ce qui n’a rien d’étonnant quand on connait le bonhomme. De ce type d’individus qui savent parfaitement se montrer tout autant sous un jour bougon, voire revêche quand on lui hérisse le poil dans le mauvais sens du vent.
Mais qui nous prouve une fois encore par ce récit combien peut se cacher au fond de ce petit animal, un être profondément positif, gentil, généreux et disponible. Vous ne me croyez pas ? Vous trouvez que j’exagère ? Alors, courez illico chez Publico ou votre libraire préféré, acheter La Verticale du fou, petit ouvrage d’une centaine de pages. Il est sous-titré « L’histoire saignante et complètement foldingue d’une révolte armée dans un HP ». Mais, pourquoi ce sous-titre ? Ah, ça ! Je ne vais sûrement pas vous le révéler, afin de maintenir le suspense tout au long de cette petite centaine de pages vivifiantes et ce, jusqu’au dénouement. Bon voyage !
(1) La Verticale du fou ou, l’histoire saignante et complètement foldingue d’une révolte armée dans un HP, éd. Libertaires 13 €
Les deux ouvrages ci-dessus sont disponibles à la Librairie Publico , 145 rue Amelot 75011 Paris (par correspondance, confinement oblige)
Patrick Schindler, groupe Botul FA
PAR : Patrick Schindler
groupe Botul FA
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1 |
le 26 mars 2020 09:07:16 par Debry |
Bonjour, pourriez-vous donner le nom de l’illustrateur ?
C’est super.
Merci à vous et bonne publication.
Jean-Luc Debry
2 |
le 26 mars 2020 10:09:29 par CRML |
Bonjour Jean-Luc,
malheureusement nous n’avons pas l’info. Cette illustration avait été glanée sur un site d’images libres de droits. La recherche de l’auteur continue...