Le Procès des barricades

mis en ligne le 25 septembre 2003

En réalité, le cratère prêt à laisser déborder sa lave bouillonnante n'est qu'un paquet de mélasse. On ne s'y consume pas, on s'y englue.

Le procès des barricades : des juges qui n'ont pas envie de juger, donnant pratiquement leur verdict en rendant d'emblée une liberté qui, comme tout ce qui est provisoire, ne tendra qu'à durer. Des accusés - le terme est fort, car les charges dont on a bien voulu disposer paraissent minces - des accusés, donc, qui n'ayant pas à se défendre peuvent se consacrer entièrement à leur mise en valeur et qui y réussissent avec plus ou moins de bonheur. Demarquet fait un numéro de cirque et, piètre don Quichotte, menace d'embrocher même pas un moulin à vent mais M. Delouvrier, le vent lui-même. Comme dans les mauvais films l'homme du 5e bureau est là, chargé par le pouvoir de comploter contre lui. Toute une série fait l'admiration de L'Express : bons citoyens, bons pères de famille au casier judiciaire vierge ; les meilleurs renseignements sont fournis sur leur compte ; presque tous sont de modeste extrace, ils ont su parvenir à la force du poignet à une situation enviable, tel ce professeur agrégé de médecine fils de cheminot, tel ce pilote de ligne fils d'un instituteur tué à la guerre 1914-18 et élevé par sa mère institutrice. Ah ! les braves gens. Enfin, puisque fascisme il y a, viennent les représentants de ce malheureux fascisme français qui n'a de raison d'être que dans, par et pour le chef qu'il cherche depuis plus de vingt-cinq ans. Drieu La Rochelle avait cru le voir en Doriot, « le grand Jacques » ; aux dernières nouvelles Lagaillarde pourrait être ce Chef ; il ne nous a pas convaincu. Des gens ne figurent évidemment pas à ce procès : plus ou moins généraux, plus ou moins financiers, plus ou moins politiciens, mais de toutes façons comploteurs, ils se neutralisent les uns les autres.

Quant à l'autre volet du diptique : la gauche libérale, elle demeure fidèle à elle-même, avec ses préjugés crasseux. Si vous avez des doutes à ce sujet, assistez à une réunion des « Amis de L'Express ».

De Gaulle est-il la charnière ? Et bien non, nous ne serons pas injurieux : de Gaulle n'est pas un gond. De Gaulle n'as pas d'existence matérielle ; il n'est que le songe incohérent d'un peuple endormi - profondément.

P. Denais