Inégalités salariales hommes-femmes

mis en ligne le 29 janvier 2015
1763MoustacheUne des plus grandes injustices de notre société : les femmes gagnent 27 % de moins que les hommes en termes de moyenne nationale, tout type d’emplois confondus. Rachel Sylvera, économiste, enseignante à Paris-Ouest Nanterre La Défense, effectuant un travail de terrain pour donner la parole aux femmes, démontre cette atteinte au droit fondamental, celui de la dignité et de la reconnaissance du travail effectué, mais surtout préconise des solutions concrètes et efficaces. À un fait de société, il faut mobiliser chacun d’entre nous. L’égalité hommes/femmes doit mobiliser autant les hommes que les femmes car nous sommes les composantes d’une même société.

Salaire des femmes, salaire d’appoint ?
Le travail de Rachel Sylvera repose sur un constat : le salaire des femmes est considéré depuis le XIXe siècle comme un salaire d’appoint, car la femme ne peut être socialement conçue que comme femme-épouse-mère dans une famille. Celui qui rapporte l’argent du foyer est nécessairement l’homme, la femme s’occupe du foyer, des enfants, du repos du guerrier. Elle travaille un temps limité, l’essentiel c’est l’homme qui le rapporte. Une caricature qui fleure encore bon les propos réactionnaires de notre vieille droite « travail famille patrie ». En 1860, les différences de salaires entre hommes et femmes au sein d’un même atelier pouvaient aller de 50 % à 100 %. Les premières conventions collectives admettaient le salaire féminin avec un écart de - 20 % dans la métallurgie et de - 15 % dans l’armement. Pourtant le mythe de la femme ouvrière au foyer n’avait aucun sens.
On peut considérer que la fixation du montant du salaire a une dimension morale, et que la dépendance de la femme à l’égard du mari fonde l’inégalité salariale. Cette conception anime le patronat, les économistes comme Jean Baptiste Say et Stuart Mill, ce dernier dénonçant pourtant le poids de la coutume. En fait, la femme, quelles que soient la quantité et la qualité de son travail, est toujours moins payée parce qu’elle est une femme, c’est-à-dire dans une condition sociale inférieure. Les poncifs les plus étonnants « justifient » cette inégalité. Ainsi les femmes ont des besoins, en termes de nourriture, inférieurs aux hommes de l’ordre d’un tiers. Les femmes sont moins rentables, leur psychologie est plus fragile et pourtant le patronat leur fait occuper les mêmes postes que les hommes. Les injustices se retrouvent jusque dans le travail effectué. Elles seront le plus souvent sur des postes payés à la pièce, très durs et moins rémunérés, comme le décrit si bien Simone Weil. Il faudra attendre 1919 pour connaître la première égalité salariale homme/femme chez les instituteurs et 1930 chez « les dames de la poste ». Rappelons que les syndicats resteront longtemps méfiants à l’égard du travail des femmes comme dans l’affaire Couriau décrite dans Trop jeunes pour mourir. La Première Guerre mondiale connaîtra un début d’autonomie et de reconnaissance pour le travail des femmes, elles assument celui des hommes partis au combat. Après guerre, elles ne retourneront pas au foyer.

Rien n’est acquis
En 1945, l’égalité salariale est reconnue avec un écart de 10 % (!) remis en cause en 1946 à l’issue d’une mobilisation des femmes syndiquées. Ce constat montre l’évidence de la nécessaire mobilisation et implication des femmes dans les organisations syndicales et dans les luttes. Rien n’est acquis. Pour autant, la discrimination apparaît dans l’octroi des primes qui creusent l’écart.
L’inégalité apparaît dans le parcours professionnel, le retard des promotions, des coefficients, des échelons. Derrière une pseudo-égalité se maintient l’inégalité dans les évolutions de carrière avec les formules « plancher collant » et « plafond de verre ». Des réponses issues du monde du travail existent pour refuser cette situation. Très concrètement, un responsable syndical a élaboré une méthode dite « Méthode Leclerc » pour calculer les inégalités salariales et revendiquer une évolution devant les juridictions qui admettent aujourd’hui cette approche. Pourtant, même si une action individuelle porte ses fruits, elle épuise la personne qui se bat trop souvent seule face à l’entreprise et aux juges. Des témoignages admirables montrent la dureté du travail et le courage des femmes qui défendent leur droit. La vraie solution réside dans une prise en compte collective des retards de carrière des femmes avec les actions de groupe ou class action déjà mises en place pour les consommateurs.

Travail à valeur égale
Plutôt que de se limiter au slogan « travail égal, salaire égal » qui oublie les primes et autres « à-côté », il faut intégrer la notion de travail à valeur égale en prenant en compte la part effective du travail, celle qui ne figure pas dans la fiche de poste, à savoir la capacité d’initiative, d’anticipation, les savoir-faire discrets. La règlementation permet déjà de « motiver » les entreprises, depuis 2012 des sanctions existent. Une autre organisation de l’entreprise doit remettre en cause cette distinction absurde entre le cœur de métier de l’entreprise assumé par des hommes mieux rémunérés que les fonctions périphériques (RH, communication) dévolues à des femmes. La revalorisation des emplois à dominante féminine passe par celle des diplômes, la prise en compte de la pénibilité des conditions de travail répétitif, les relations tendues avec les clients, donc celle des fonctions réellement exercées. L’inégalité salariale est un fait de société qui porte atteinte au respect de la personne humaine, à sa dignité en considérant qu’il est normal qu’une femme ait un salaire moindre parce qu’elle est une femme. Chaque acteur social, homme ou femme, doit se mobiliser pour défendre ce principe « à travail à valeur égale, salaire égal ».

Francis Pian