À bas les bureaucrates, vive l’anarcho-syndicalisme !

mis en ligne le 10 décembre 2014
1758HuelgaRien ne va plus dans les tours d’ivoire de la CGT ! Dans les jours à venir, Thierry Lepaon pourrait être éjecté de son poste de secrétaire général suite aux trois affaires de magouilles financières révélées ces dernières semaines. C’est que le grand chef, en place depuis moins de trois ans, a cru qu’accéder au secrétariat général lui donnait droit de se compromettre dans des histoires de pognon : 100 000 euros de travaux dans son appartement, 62 000 euros de remise à neuf de son bureau à Montreuil (où siège la confédération) et 31 000 euros de « prime de départ » (sic) pour avoir quitté le comité général de la CGT de Normandie. Et tout ça avec les cotisations syndicales des plus de 700 000 syndiqués de la CGT… Et dans leur dos, bien sûr – ces juteuses sommes d’argent ayant été, pour la plupart, déboursées sans la moindre transparence. C’est tellement gros que, sans pour autant crier au complot (ce qui serait stupide), on est en droit de se demander comment ces gros bonnets-là peuvent encore se compromettre dans des affaires aussi grotesques qui, forcément, sont, un jour ou l’autre, amenées à être découvertes. Surtout que le Normand ne faisait pas l’unanimité – loin de là… – lors de son élection à la tête de la confédération, suscitant des inimitiés qui ne sont sans doute pas pour rien dans la révélation des affaires récentes. La bureaucratie a ses règles, et Thierry Lepaon s’est sans doute jeté un peu trop vite et sans grande discrétion dans les magouilles. Et ça lui aura coûté son trône, pourtant refait à neuf !

CGT bashing ?
Pour ma part, syndiqué CGT depuis plusieurs années, je ne pleurerai pas sur son sort, au demeurant bien mérité, d’autant que le bougre, bureaucrate plus ou moins raté, s’en sortira sans trop de casse ; et si l’affaire l’oblige à retourner au turbin, au vrai, on pourra se féliciter de le voir reprendre contact avec la réalité du monde du travail et du prolétariat. Mais je m’abstiendrai également de hurler avec les loups contre le syndicalisme, sujet favori du moment, notamment du côté de la droite, de ses hommes politiques et de ses médias. De fait, l’occasion était trop belle pour être manquée et les chiens de garde du capital n’ont pas lésiné sur les moyens pour torpiller le syndicalisme – et la CGT en particulier. Le gouvernement aussi se frotte les mains, satisfait de voir ainsi vaciller cette grande confédération syndicale qui, jusque-là, n’a pas hésité à critiquer avec véhémence – mais sans jamais toutefois joindre l’acte à la parole – la politique ultralibérale du gouvernement socialiste. Pour sûr, les puissants trouvent leur compte dans cette crise interne et ils sauront l’utiliser pour continuer leur travail de sape contre le syndicalisme, qui, malgré toutes ses défaillances, n’en reste pas moins l’un des derniers remparts à l’entrée de l’ultralibéralisme dans la gestion des entreprises. Et gageons que, si les syndicats étaient déjà vraiment moribonds – ce qu’on essaie de nous faire avaler régulièrement dans les médias –, la bourgeoisie ne se déchaînerait pas autant contre eux.

Légitimation de l’anarcho-syndicalisme
En réalité, l’actuelle crise interne de la CGT, comme d’autres avant elle, ne remet pas en cause le syndicalisme en tant que tel, mais un certain type de syndicalisme, en vogue depuis désormais bien trop longtemps. Celui du syndicalisme qui, passé à travers les mains véreuses des partis politiques (Parti communiste français et Parti socialiste pour l’essentiel), puis en partie intégré à l’État, n’est plus, dans ses hautes sphères, qu’une grosse machine bureaucratique qui accompagne le mouvement du capital. Les énormes sommes d’argent brassées, qu’elles viennent des cotisations syndicales ou des aides de l’État, entraînent inévitablement des dérives et des compromissions qui achèvent d’éloigner ce syndicalisme-là de toute perspective de lutte radicale. Pourtant, si le sommet est pourri, les bases syndicales demeurent de précieux outils de lutte, y compris révolutionnaire, qu’il serait aberrant d’abandonner au motif que les locataires du dernier étage font n’importe quoi. Ce serait même faire le jeu du capital que de les laisser sur le bas-côté, celui-ci n’aspirant aujourd’hui qu’à une chose : un monde du travail débarrassé des espaces collectifs et des structures de lutte, un monde du travail individualisé à l’extrême où l’on ne négocie plus qu’au cas par cas pour des intérêts strictement individuels. Ce n’est pas nouveau : seul, on n’est plus exposé et plus fragile, et si le patronat veut torpiller les syndicats, c’est pour se sentir libre de pouvoir globalement faire ce qu’il veut. C’est peut-être un peu trivial, mais c’est ainsi ; et il suffit, pour s’en rendre compte, de se pencher sur les conditions de travail dans les boîtes et les branches d’entreprise où le rapport de force syndical est quasi inexistant. De fait, c’est l’anarcho-syndicalisme qui devrait donc sortir renforcé de ces crises internes à répétition. Car il est le seul, aujourd’hui, à proposer un syndicalisme en adéquation avec les réalités du monde du travail, un syndicalisme de classe, offensif, privilégiant l’action directe à la négociation et offrant un cadre de lutte, le syndicat – ou sa section –, propre et réellement en mesure de contrer les ambitions de pouvoir et les velléités autoritaires de ceux qui se servent de nos rages pour s’en mettre plein les poches.



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


53548Le Ve

le 12 décembre 2014
Au congrés de la CGTU de 1936 (c'etait pas hier mon pauvre monsieur), un délégué (que j'ai très bien connu) représentant les salariés des PTT proposa aux votes une motion réclamant que les "permanents" du syndicat (il y en avait déjà), retourne au bout de 5 ans "devant l'établis" pour reprendre contact avec les réalités de la vie ouvrière.
Si cette motion fit un score honorable, combattue avec vigueur par les "permanents", elle ne fut pas adoptée. Léon JOUHAUD remercia toutefois ce jeune délégué "dont la couche sèche encore sur la haie du combat syndical" pour sa participation au débat démocratique.
Et si on en reparlait?