Une rentrée de galère !

mis en ligne le 16 octobre 2014
Un mois après la rentré scolaire, il peut être intéressant de faire un rapide bilan. Najat Vallaud-Belkacem est aux commandes et s’inscrit dans le chemin tracé par ses prédécesseurs. Si nous saluons sa volonté de faire de l’égalité filles-garçons un axe important de sa politique. Nous nous rappelons aussi qu’elle a accepté la capitulation du gouvernement qui avait retiré les ABC de l’égalité face à la grogne des partis réactionnaires et des intégristes religieux.

La question des rythmes
Depuis la rentrée des classes, les élèves et les personnels vivent un rythme de fou. Les enseignants souffrent de ce changement de rythme car, à ces cinq journées de cours, s’ajoutent les APC (activités pédagogiques complémentaires – une heure/semaine). Ces APC sont la suite des heures de soutien censées venir en aide aux élèves en difficulté, en leur ajoutant des heures d’école après l’école. Ceux que l’on appelait les « punis du soir ». En effet, pour « aider » les élèves en difficulté, on alourdissait leur journée d’école et au détruisait les RASED (Réseaux d’aide spécialisée) qui intervenait durant les heures de classe avec de petits groupes.
Ensuite, il faut ajouter les diverses réunions institutionnelles obligatoires (non-payées) et les réunions avec les parents (non-comptabilisées donc non-payées). Il faut aussi préparer sa classe et, quand le temps le permet, vivre pour soi, se reposer un peu.
Du côté des enfants, rien n’a vraiment changé. Des élèves viennent toujours aux services de garderie à partir de 7h30, tous font leur journée de classe, certains mangent à la cantine, restent aux APC ou aux TAP (temps d’activité périscolaire) pris en charge par les municipalités – quand il y en a, restent à la garderie du soir jusqu’à 18h. On voit que la réforme des rythmes scolaires est loin d’avoir allégé les journées de classe des élèves. En règle générale, les trois heures supplémentaires du mercredi matin ont été compensées par quatre fois 3 quart d’heures dans la semaine. Les élèves finissent donc à 15h45. Oui, mais les parents travaillent et ils ne vont pas se payer une nourrice pour tous les jours de la semaine. Les enfants restent donc à l’école. Dans ces conditions, seuls ceux dont les parents ne travaillent pas ont a possibilité de sortir plus tôt. Ce sont souvent des familles au chômage, donc des familles pour lesquelles cette « aide » aurait pu être bénéfique, en tous cas pour lesquelles elle était soi-disant prévue. On le voit, rien de bon ne sort de cette réforme.
La seule mesure de Benoît Hamon a été de permettre de regrouper les 3 heures d’APC sur une même demi-journée. Dans ce cas, la plupart des écoles ont choisi d’arrêter les cours le vendredi midi et de laisser le vendredi après-midi aux activités, ce qui ne va pas sans poser de problème pour les familles.
Personne ne sort gagnant de cette réforme. Les élèves ont les mêmes journées de dingue, les programmes sont les mêmes, les enseignants sont sous pression et doivent toujours faire plus avec moins de temps et de moyens.

La question des personnels
Les TAP, pris en charge par les municipalités, posent aussi de nombreux problèmes. Toutes ont des difficultés de recrutement et de formation. Comment trouver des personnes formées pour travailler sur des créneaux découpés ? 1 heure de garderie le matin, 1h30 sur la pause méridienne, ¾ d’heure de soir, 1h30 de garderie le soir, etc. sans compter que le salaire n’est pas élevé. Les étudiants ont d’autres choses à faire et les villes qui ne sont pas des villes universitaires ont de réels soucis de recrutement. Ne parlons pas des villages où s’ajoute la question des transports scolaires. Dans de nombreuses villes, les TAP sont de la garderie, les enfants jouant dans la cour, en dehors de tout cadre de sécurité. Il manque tellement de personnels que les enfants sont à la garde des quelques adultes recrutés, parfois de parents ou grands-parents bénévoles, de militants associatifs plus ou moins rémunérés, voire de certains enseignants qui refusent de laisser leurs élèves sans surveillance adéquate (et cela sans être payés bien entendu). Certaines municipalités ont redéployé leurs moyens, en clair ont changé les missions de leurs personnels, afin de pouvoir répondre à la loi. Et c’est sans doute là le point principal, peu importe le contenu et le projet pédagogique. L’important est d’être dans le cadre de la loi !
Du côté des enseignants, ceux-ci ont vu leur temps de service s’allonger. En effet, de la fin des cours (15h45) à la mise en route de TAP ou APC, les enfants ont « droit » à 5 minutes de pause pour pouvoir goûter. Sur ce temps, ils sont surveillés par les enseignants. Ces 5 minutes s’ajoutent aux 10 minutes pour l’accueil du matin et du soir. C’est donc 1h30 par semaine de service non-rémunéré qui s’ajoutent à la charge des personnels enseignants. Le SNU-ipp, principal syndicat enseignant, a estimé à 54h ce travail non-payé, soit 1 350 € par an. Un bon treizième mois tout simplement volé !

Du côté de la formation
Cette année voit se chevaucher diverses catégories de personnels enseignants. Celles de l’époque Darcos, qui n’ont bénéficié d’aucune formation au métier d’enseignant. Celles qui étaient en cours de formation quand la réforme des Écoles supérieures du professorat et de l’éducation, ex-IUFM s’est mise en place. Et enfin celles et ceux qui entrent en formation dans ces ESPE.
Tout d’abord, la formation et le statut des enseignants a été à ce point cassé, que les candidats manquent et que des centaines de postes ne sont pas pourvus, ce qui conduit Pôle emploi a recruter des vacataires, nouveaux précaires de l’Éducation nationale. Celles et ceux qui sont en formation doivent, en même temps, réussir leur master, faire des stages, rédiger un mémoire et réussir leur concours. Autant dire qu’ils seront bien préparés au rythme de fou qui les attend. Or, de nombreux étudiants échouent au concours et les institutions se posent la question de leur devenir. Nous sommes vraiment dans des comptes d’apothicaires en nombre légal d’heures de formation à dispenser. Là encore, il s’agit d’être dans le cadre de la loi afin qu’aucun étudiant ne puisse venir contester son défaut de formation. Pour ce qui est du contenu et du projet pédagogique, on repassera plus tard.
Les étudiants qui auront échoué au concours pourront alors être recrutés comme vacataires par l’Éducation nationale ou Pôle emploi. En clair, vous n’êtes pas assez bon pour entrer en formation d’enseignant mais vous pouvez prendre une classe pendant une année en tant que bouche-trou. Car là encore, ce qui prime c’est de pouvoir mettre un adulte en face de chaque classe, d’être dans le cadre de la loi.

Et puis…
D’autres « chantiers-métier » sont en cours au sein du ministère, notamment au sujet des salaires des enseignants du premier degré. Toujours d’après le SNU-ipp, après 15 ans de service, un enseignant du premier degré (Professeur des écoles) à 75 %, travaillent 18h devant élèves et gagnent 1 625 €/mois. Un enseignant du second degré (Professeur de collèges et lycées) à 100 %, travaillent 18h devant les élèves et gagnent 2 416 €/mois.
La question de l’enseignement spécialisé est aussi en discussion. Celle de l’enseignement prioritaire, la question des AVS-EVS et de leur CDIsation, de leur formation, etc. L’avenir des lycées professionnels est aussi en danger.
La liste est encore longue et les combats à mener seront durs face à un gouvernement qui a choisit le camp du patronat. Pour cela, une riposte syndicale radicale s’impose. Les anarchistes, fortement investis dans le secteur éducatif, ont toute leur place à prendre afin de reconstruire une école pour le bien-être de chacun.