Ne reculons plus devant eux

mis en ligne le 6 février 2014
La mayonnaise « socialiste »
Alors que médias et gouvernement nous divertissent cyniquement depuis quelques semaines avec le grand jeu des chiffres du chômage – qu’on sait depuis perdu par le président –, on parle peu, dans l’hémicycle comme dans les gazettes, les postes à galènes et les tubes cathodiques, des quelques luttes qui, plus ou moins timidement, secouent le monde du travail. C’est que les soubresauts du prolétariat ne font pas partie des ingrédients de la mayonnaise capitaliste que patrons et dirigeants politiques cuisinent depuis plus d’un siècle. Mayonnaise dont la recette a sensiblement changé depuis l’arrivée au pouvoir présidentiel du Parti socialiste, lequel n’a de cesse d’offrir cadeaux sur cadeaux au patronat, du CICE (crédit pour l’impôt, la compétitivité et l’emploi : 20 milliards d’euros de réduction de charges patronales) au récent « pacte de responsabilité » (cette fois, c’est 30 milliards !), en passant par le violent accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 qui entérine la stratégie dite de flexisécurité (on facilite les procédures de licenciement pour, dit-on, embaucher davantage). On a un peu l’impression de se répéter quand on cause du social dans les colonnes du Monde libertaire, mais cette rengaine ne fait que témoigner de la cohérence de la stratégie politico-économique du gouvernement actuel – dans lequel bien des travailleurs avaient mis de naïfs espoirs il y a bientôt deux ans. Cette cohérence – qui, au premier abord, peut sembler bien peu perceptible, l’opposition et les médias véhiculant généralement l’image « chaotique » de dirigeants prétendus « peu courageux » qui avancent en tâtonnant – est redoutable, et c’est sans réelle contestation sociale que François Hollande et sa clique transforment en pire une réalité économique déjà détestable.

Grève à La République du Centre
Bien sûr, la contestation existe, mais elle est si morcelée, isolée qu’elle est à peine perceptible. Pour preuve la lutte des salariés du quotidien régional La République du Centre contre le plan social envisagé par le groupe de presse Centre France-La Montagne, lequel prévoit la fermeture de l’imprimerie de Saran et la suppression de 230 emplois (dont 78 à Saran), accompagnée du départ volontaire de 37 journalistes. Tout cela, bien sûr, au nom de la réduction des coûts, une économie annuelle de 16 millions d’euros étant recherchée par la direction… La grève a éclaté le 17 janvier suite à l’échec des négociations concernant les indemnités supra légales. À l’origine, les travailleurs réclamaient une prime de 62 000 euros, quand la direction, elle, proposait… 7 500 euros ! Et si les salariés ont revu à la baisse leurs exigences (20 000 euros), les dirigeants, eux, n’ont, pour l’heure, rien lâché… La grève s’est durcie le 28 janvier avec la séquestration, pendant moins de vingt-quatre heures, du secrétaire général du groupe et du directeur des ressources humaines. Le quotidien n’a pas paru depuis le 18 janvier, et la grève a été reconduite vendredi 31 janvier… Affaire à suivre.

Reprendre l’offensive
La lutte des salariés du groupe Centre France-La Montagne montre certes que nous ne sommes pas encore tous gagnés par la résignation, mais elle est aussi assez révélatrice de l’ampleur du travail qui nous attend pour reconstruire un vrai mouvement social. Il y a quelques dizaines d’années, ces travailleurs auraient sans doute été rejoints dans leur lutte par les salariés d’autres groupes de presse, dans un mouvement de solidarité professionnelle (voire interprofessionnelle) qui manque cruellement aujourd’hui. En presse, secteur qui connaît de sérieuses attaques patronales depuis quelques années, l’heure est davantage à la négociation de départs individuels qu’à la construction de formes de lutte collectives qui, pourtant, pourraient mettre à mal les ambitions destructrices du patronat de la presse, lequel n’aspire qu’à se débarrasser des nombreux acquis obtenus depuis plus d’un siècle par les ouvriers du Livre et les journalistes. Il est loin le temps de la conscience de classe et du syndicat unique qui non seulement imposaient un rapport de forces réel, mais étaient aussi susceptibles de porter des ambitions révolutionnaires.