Les Martiens se font-ils du mouron à propos du Mormon ?

mis en ligne le 27 septembre 2012
Il y a des jours où l’on voudrait être Martien. Car on pourrait ainsi jouir sans la moindre inquiétude du vif comique qu’offrent chaque jour les affaires humaines en général et les affaires américaines en particulier. Voilà en effet un pays qui affirme sans rire qu’il se livre à l’élection du représentant, suprême, du peuple. Qu’il faille plusieurs centaines de millions de dollars – puisque l’élection d’Obama fut la plus coûteuse jamais enregistrée, et que sa réélection dépassera ce record, de même que le succès éventuel du mortifiant mormon – pour acheter le titre de représentant du peuple ne semble pas empêcher l’étrange peuple américain de vouloir être représenté. Que les Blancs de droite… Pardon.
Aux États-Unis, l’échiquier politique a été si poussé à droite par un bon siècle de propagande pro-capitaliste coordonnée, intensive, et scientifique au plus étroit sens du mot (on continuera à recommander la lecture attentive de PR ! A History of Spin et de Flat Earth News où l’on apprend que 50 % des dépêches d’agence, articles de quotidiens, reportages de JT sont fournis gratis par des agences de relations publiques discrètes, productives et peu suspectes d’amour excessif pour le prolétariat) que la droite américaine se situe en gros à l’extrême droite française, cependant que l’extrême droite américaine se situe à la droite de Bételgeuse.
Gardons cependant l’expression. Que les Blancs de droite, inquiets à juste titre de la montée des faillites et du chômage, votent pour un homme fier d’avoir bâti sa fortune sur les faillites et le chômage d’autrui nous ferait beaucoup rire si nous étions de petits hommes verts. Mitt Romney répète à qui veut l’entendre qu’il ne se présente que par devoir (devant l’hilarité générale sur la lointaine planète, la question se pose : les Martiens pissent-ils vert ?) et que, s’il ne tenait qu’à lui, il retournerait faire des affaires. Car, affirme-t-il, « business is fun ». On comprend que, sur Mars, il n’y ait nul besoin de comédiens, la retransmission des campagnes électorales américaines suffit au bonheur des Verts.
Mieux encore, dans un pays où les citoyens de base… Pardon.
Il y a bien une base. Mais il n’y a plus guère de citoyens, s’il y en eut jamais. Dans un pays donc où la base croit qu’on lui laisse la liberté de penser, le représentant officiel du parti politique le plus riche du monde (après le PC chinois ?) appartient à une secte. Une secte dont le livre sacré réussit, insigne exploit, à s’avérer plus incohérent que le Coran et plus niais que la Dianétique. Je ne souhaite à personne l’épreuve de la lecture du Livre de Mormon. Pardon.
Personne n’a jamais lu le Livre de Mormon. Excepté son auteur et ses typographes. Si une lectrice souhaite se faire une idée du contenu de cette brique, qu’elle parcoure Nombres dans l’Ancien Testament, et qu’elle imagine un pastiche de ce livre, le plus ennuyeux de toute la Bible. La première armée du monde pourrait donc obéir aux ordres d’un homme qui prétend avoir lu le Livre de Mormon. (Entendez-vous cette vaste rumeur qui descend du ciel ? Les Martiens, les Martiens…) L’observateur impartial note l’embarras d’une grande part de l’électorat républicain, celle qui rassemble les evangelicals, ceux pour qui non seulement la Bible est infaillible (inerrant), mais encore valable dans la seule version King James. Voter pour ce schismatique, ce descendant de polygames ? Romney, dès qu’on lui pose des questions sur sa religion, parle d’abondance de « l’héritage judéo-chrétien ». On comprend pourquoi les Martiens importent des sépultures de papes, qui leur servent de ventilateurs.
Heureusement, l’hétérodoxie, voire la fantaisie théologique, de Romney est contrebalancée par un homme partisan de valeurs plus solides, son colistier Paul Ryan. Car Paul Ryan est catholique. Nous voici de retour dans le monde sérieux, celui des vierges qui donnent naissance, des célébrations où l’on mange le corps de son dieu, des hommes célibataires qui font découvrir aux petits enfants les joies de la sexualité. Avec Paul Ryan, l’Amérique ne connaîtra plus ni avortement ni sécurité sociale. Mais, en bon chrétien qui sait que son Messie lui ordonne de tendre l’autre joue quand on le gifle, Paul Ryan défendra le droit de tout Américain de ne tendre l’autre joue que si elle est équipée d’un Magnum 357. Pardon.
D’un M16, ou d’un Uzi. L’auteur de ces lignes a visité il y a deux ans un magasin d’armes à Las Vegas, équipé d’un stand de tir bondé. Féministes, réjouissez-vous, on y voyait autant de tireuses que de tireurs. Écologistes, réjouissez-vous, les cartouches tirées sont récupérées pour être recyclées.
À ce point, la lectrice se demande « Mais… et Obama ? La gauche américaine ? » Chut, lectrice, chut. Ne répétez pas ces mots « Obama la gauche américaine » à l’oreille des Martiens. La recherche scientifique a prouvé qu’eux aussi peuvent mourir de rire.