Babeuf, l’égalitaire infatigable

mis en ligne le 8 mars 2012
François Noël (Gracchus) Babeuf est né le 23 novembre 1760, en Picardie. Aîné de treize enfants, le jeune François, qui aime l’écriture, entre à 19 ans au service d’un notaire. Babeuf devient ensuite feudiste, c’est-à-dire juriste plus ou moins arpenteur. Travailleur infatigable, il est cependant victime de la spontanéité propre à l’autodidacte qui veut avaler le monde : ses affaires périclitent en 1787, des commandes restant impayées le font, peu à peu, glisser vers la misère.
Survient l’événement qui changea sa vie, la Grande Révolution (selon l’expression de Kropotkine). Il arrive à Paris le 17 juillet 1789, voit les foules en liesse, voit aussi la tête de Foulon, contrôleur des finances, se balancer sur une pique. Il tire de ces premières journées un sentiment partagé entre joie et douleur : « Les maîtres, au lieu de nous policer, nous ont rendus barbares, parce qu’ils le sont eux-mêmes. » Bien que partisan de la Montagne, il critique fortement la Terreur : c’est un visionnaire sur l’action funeste qu’elle exerça en Vendée, en 1793. Son libelle De la dépopulation, resté longtemps oublié, dénonce les inutiles massacres (voir Michel Perraudeau, Vendée 93, Vendée plébéienne, éditions libertaires). En 1794, Babeuf publie Le Tribun du peuple, devenant un opposant qui n’a de cesse qu’advienne la collectivisation des terres et la « parfaite égalité ». Il entre en clandestinité, avec Sylvain Maréchal et quelques autres, dans le but de poursuivre la Révolution. En mai 1796, il est arrêté sur dénonciation. Son procès est une mascarade. Il meurt guillotiné en 1797.
Les leçons de Babeuf sont nombreuses. Pour lui, la révolution n’a pas besoin de violence. Il appelle de ses vœux une « insurrection pacifique », précédant les positions de Bellegarrigue, durant les journées de 1848, en France, ou de Thoreau puis Voltairine de Cleyre, aux États-Unis.
Pour Babeuf, chacun doit déployer son énergie à bâtir des solidarités. Il cite une caisse nationale pour la subsistance des pauvres, « un plan d’éducation nationale » au profit de tous, etc.
Il s’oppose à la censure frappant dès l’automne 1789 la liberté de la presse. Selon Gracchus, un gouvernement qui interdit une publication glisse sur la pente autoritaire.
Il demande en permanence des comptes aux élus, aux puissants, aux élites. Son souci d’égalitarisme ne peut concevoir une classe dirigeante… et donc une classe dirigée.
Bien que récupérées sans vergogne par Marx et certains marxistes, les causes défendues par Babeuf relèvent de l’anti-autoritarisme des libertaires. Gracchus est précurseur de l’anarchie.
Les éditions libertaires, dont le catalogue est aujourd’hui l’un des plus foisonnants, ont eu l’idée judicieuse de publier cet ouvrage qui rend justice à un authentique révolutionnaire. Le livre est impeccablement imprimé et la couverture particulièrement réussie. Le titre, Gracchus Babeuf, est suivi d’un sous-titre malicieux : Biographie non autorisée. L’auteur, Thierry Guilabert, brosse avec justesse le tableau de la période, dans un style riche et vivant. La bibliographie est particulièrement fournie. De fait, le lecteur est bluffé par l’érudition de l’auteur. Son Babeuf, qui fait suite à un magistral Meslier (même éditeur), deviendra, assurément, un livre de référence.

Dan Beaulieu