Le profit aux profiteurs !

mis en ligne le 17 novembre 2011
Avec un Medef et une droite décomplexés, les intentions « humanistes » du capitalisme en France ne devraient plus faire de mystère aux yeux des exploités. Pourtant, il reste des naïfs choqués par l’intervention désinhibée, sur Al Jazeera 1, de Jin Liqun, patron de la CIC 2. Interrogé à propos de la crise financière et des intentions d’aides chinoises face à l’endettement des États européens, le sinistre s’est livré à une charge contre l’État providence et les acquis sociaux. Florilège : « Les troubles qui se sont produits dans les pays européens résultent uniquement de problèmes accumulés par une société en fin de course, vivant d’acquis sociaux » ; « Je pense que les lois sociales sont obsolètes. Elles conduisent à la paresse, à l’indolence, plutôt qu’à travailler dur. Le système d’incitation est complètement détraqué » ; « Pourquoi est-ce que les habitants de certains pays de la zone euro devraient travailler jusqu’à 65 ans ou plus alors que dans d’autres pays, ils prennent aisément leur retraite à 55 ans et se prélassent sur la plage ? »
De quoi faire avaler crue sa casquette Mao au dernier membre de la GP ou du PCMLF qui aurait loupé le film des quarante dernières années depuis sa jeunesse enflammée par les grands moulinets de drapeaux rouges en tête de manif.
L’État providence a été évacuée chez les soc-dems depuis belle lurette. Il n’y a que des gaulliens comme Stéphane Hessel ou des « Indignés 3 » pour penser que le pacte de la Résistance était une donne sociale immuable.
Toujours est-il que les aphorismes de ce capitaliste de l’Empire du Milieu sont parfaitement cohérents et logiques. L’État chinois détiendrait 550 milliards de dettes souveraines européennes. Ce n’est pas le tout de refiler du fric aux Européens pour continuer à consommer les machins et les zinzins made in China. Mais si ils doivent devenir copropriétaires de la boutique, qui va bosser ?
Si les États européens font payer leurs dettes par leurs populations 4, et cela risque de durer longtemps, la Chine ne s’en inquiète pas. Elle possède une partie de la dette des États-Uniens que l’administration n’a pas l’intention de rembourser (même sans le dire), mais qui offre de larges garanties (droit social zéro) pour mieux répondre aux larges investissements chinois aux States.
Par contre, aux yeux de la Chine, l’Europe doit accélérer le processus de gouvernement supranational – c’est mieux de traiter avec un seul interlocuteur, et précipiter son avantage dans le rapport de force capital-travail en éradiquant tout les freins à l’expansion capitaliste dont les reliefs sociaux existant pourraient éventuellement inspirer les révoltés en Chine.
Le caractère peu philanthropique des propos de Jin Liqun ne doit choquer personne. Le patronat sous toutes les latitudes pense la même chose. La peur de voir la race prolétarienne ne plus pouvoir se reproduire avait permis au patronat d’accepter l’interdiction du travail des enfants au XIXe siècle. Aujourd’hui, c’est la même intelligence capitaliste qui fait installer des filets antichute dans des entreprises en Chine où les travailleurs, pour cesser de se tuer à la tâche, s’en évadent par la défenestration.
Et puis, Jin Liqun, avec franchise, nous rappelle que les acquis sociaux ne nous ont jamais été offerts. Ce sont des conquêtes issues des luttes ouvrières. Enfin, souhaitons tout de même ceci aux prolétaires chinois et aux autres : « Que cent indolences heureuses s’épanouissent », faute de révolution…

Tsi-Na-Pah, groupe Albert-Camus de la Fédération anarchiste






1. Information relayée par l’AFP et Le Monde, nommé jadis « le bulletin de la nonciature apostolique » dans les années 1970.
2. China Investment Corporation. Fonds souverain de la Chine, actuellement fort de 410 milliards de dollars d’actif et d’une réserve de change de 3 200 milliards de dollars.
3. Des échanges avec les « Indignés » campant sur la dalle de La défense laissent pantois. Refus de parler économie et de politique ! Leur revendication se résume à réclamer aux hommes politiques plus de mansuétude et de démocratie…
4. Le renoncement politique dans le monde politique de la gauche molle au NPA ou le monde syndical est tel, que tous s’accordent à accepter de payer la dette et aucun à refuser de rembourser.



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


Romain

le 29 novembre 2011
Il me semble que la vidéo à laquelle tu fais référence a été depuis déjà un bon moment identifié comme un faux circulant sur le net. Quoi qu'il en soit, ce genre de discours peu quand même être tenu, hélas. Salutations.