Moyen-Orient : logique coloniale, terreur pour tous

mis en ligne le 11 avril 2002
La voix de ceux des Palestiniens et des Israéliens qui souhaitent vivre ensemble a été jusqu’à présent étouffée sous le fracas des armes. Cette voix, bien faible, semble tout à fait minoritaire dans les deux peuples. Pour autant qu’on puisse en juger, les deux envisagent leur avenir dans la séparation, sinon dans l’extermination. Les anarchistes sont, là-bas, muets ou inexistants.
Le conflit, nourri, alimenté, attisé par les appétits impérialistes et les tensions que la globalisation du capitalisme engendre, nourri aussi de cinquante ans de rancune, ne fait que s’envenimer. Il faut que cela finisse.
Si on écarte – et on doit le faire, hélas ! – l’hypothèse d’une révolution sociale victorieuse dans la région, si on excepte aussi celle du triomphe de l’un des deux camps, il y a trois sorties de conflit possibles.
Soit Israël devient brusquement gentil, et attribue la pleine citoyenneté aux habitants des territoires, ainsi qu’aux Palestiniens de l’exil, qui le souhaitent. Ceux-ci, devenus gentils aussi, acceptent de bonne grâce de jouer le jeu. Les colonies sont volontairement démantelées.
Soit la « communauté internationale » s’émeut, impose et garantit une zone démilitarisée, ou quelque chose de similaire.
Soit, par la négociation et par la force, un État palestinien se construit, jouissant d’une pleine souveraineté. Il va de soi que les deux dernières solutions bénéficient d’une probabilité légèrement supérieure. Il va de soi que nous ne faisons nôtre aucune d’elles.
Pourtant, en présence de deux peuples qui font preuve d’un tel acharnement dans la mutuelle agression, en présence de dirigeants dont l’autorité se nourrit du conflit, notre attention se tourne, forcément, vers ce qui pourrait mettre un terme à l’affrontement. Nous sommes obligés d’envisager la séparation, que cela nous plaise ou non.
Nous sommes ennemis de l’État. C’est un fait acquis. Cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas prendre acte de la volonté d’un peuple d’en bâtir un ; pas plus nous ne devons nier que ce soit un des moyens de se séparer d’un autre peuple que l’on considère comme oppresseur. Reconnaître ces faits n’implique aucune solidarité avec les organisations nationalistes et leurs dirigeants.
On peut, on doit, expliquer que le mot « peuple » est porteur d’amalgame entre dirigeants et dirigés, exploiteurs et exploités. On peut, on doit, expliquer que la seule véritable émancipation sera celle qui mettra à bas l’État.
Cela, je le crains, Israéliens comme Palestiniens ne le comprendront que quand ils vivront séparés, quand leurs dirigeants ne se cacheront plus derrière le conflit pour commettre leurs forfaits. Jusque là, la voix de la guerre dominera celle de la Révolution.