Guerre des classes : nouvelle guerre de la dualité scolaire

mis en ligne le 6 octobre 2011
1645EducationGrosse colère
C’était le 27 septembre dernier, un enseignant sur deux était en grève. Des milliers dans les rues. Bien sûr, ce n’était qu’une journée d’action de plus, programmée depuis des mois par l’intersyndicale empêtrée dans sa volonté d’apparaître unie et déterminée à la veille des élections professionnelles et dans la nécessité d’offrir un moment d’expression au mécontentement général de toute la communauté éducative.
C’est peu de le dire, l’école est sacrifiée sur le banc des finances publiques. L’ensemble des mesures subies est sans égal depuis le début de l’investiture Sarkozy : 80 000 suppressions de postes, dont 14 000 programmées pour l’an prochain. Certes, la décision aveugle de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux est déterminante. Elle se traduit par la suppression des IUFM (institut de formation des maîtres), de 600 postes de Rased (enseignants spécialisés), de 800 postes d’intervenants en langues, et par 1 500 classes fermées, dont beaucoup sont des maternelles (la scolarisation des moins de 3 ans est passée de 36 % en l’an 2000 à 19 % aujourd’hui).
Mais cette économie de moyens revendiquée par le gouvernement ne doit pas cacher une attaque idéologique en règle contre l’école publique et ce qui lui restait d’humanité et de valeurs : l’accueil de tous les élèves et la volonté au moins affichée de résoudre les difficultés scolaires. Le mode de gestion est devenu managérial : évaluations généralisées, livrets de compétences, fichage des élèves, mise au pas des enseignants, précarisation des personnels, répression des désobéisseurs, etc.

Même le privé dans la rue !
Pour toute la presse, le fait marquant de ce jour de mobilisation a été la présence inhabituelle des enseignants du privé. Si eux ne sont pas contents, alors, il faut vraiment s’inquiéter !
Qu’en est-il des attaques contre le privé ? Alors qu’ils accueillent 16,9 % des élèves, les établissements du privé n’ont subi que 10 % des fermetures de classes. Ce qui représente un détournement de 747 postes. Il a été calculé que si le privé rendait les subventions qu’il touche, cela permettrait de créer 24 000 postes dans le secondaire public ! De plus, par méconnaissance de la loi ou par complaisance, de nombreux maires financent le privé de façon abusive. Par exemple, le forfait communal versé aux écoles privées sous contrat d’association ne concerne que l’école obligatoire (comme le rappelle une jurisprudence du Finistère du 21 juin 2010). Or, l’enseignement catholique a pris l’habitude de créer des établissements de la maternelle au lycée et, de ce fait, reçoit une dotation globale. La maternelle privée ne devrait pas être financée. Claude Barratier, qui anime le Collectif pour la défense de l’école publique de proximité à Chessy-les-Mines, a calculé que si on rétablissait la seule subvention au privé prévue par la loi, celle-ci baisserait de moitié. Voici de bonnes économies à réaliser !
Une autre injustice est la disparition d’options entières dans les lycées professionnels obligeant les parents dont les enfants veulent suivre certaines filières à les envoyer dans le privé. En Seine-Maritime, par exemple, les bacs pros logistique et sécurité-prévention ont disparu dans le public. Il existe un monopole du privé pour les BTS comme transport, assurances, communication et industrie graphique.
Alors, dans la rue, on comprendra que la solidarité a ses limites et doit s’arrêter là où la laïcité devrait être la règle : fonds publics à la seule école publique !
Tous ces petits arrangements font que le privé prospère au détriment du public qui est bien la seule entreprise à financer sa concurrence !
Détournement de fonds publics, inégalité de traitement, sans compter le bourrage de crâne et le tri des élèves, rien ne justifie l’existence de ce dualisme scolaire.
Si les anarchistes ne doivent pas se contenter des arguments des laïques en faveur de la stricte application de la loi Debré, la connaissance de ces détournements peut être utile mais n’est pas suffisante.
C’est la renationalisation sans concession ni rachat qu’il faut défendre. Et, au-delà de la défense de l’école publique, sa réappropriation par tous ses acteurs afin d’en faire un outil d’émancipation.



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


sebiseb

le 15 octobre 2011
Dommage que cette article amalgame les institutions privées et les profs qui y enseignent. Car ce n'était pas "l'enseignement privé", et a fortiori catho' (+ de 90% du privé) qui était dans la rue ce 27 septembre, mais bel et bien les profs de droits publics qui y enseignent qui défilaient au côté de leurs collègues des établissements public.
Hors, si les arguments sur la laïcité, en faveur d'un enseignement financé par la collectivité ont un sens, ... jeter l'anathème sur les profs de ces institutions c'est méconnaître leur réalité ; D'une ils atterrissent souvent dans des établissements privés parce qu'ils n'ont pas obtenus les concours publics, de deux il y a de ce fait beaucoup de précaire, de trois et historiquement ils sont depuis les années 50' (et quasi totalement depuis les années 70') bien déconnectés de l'aspect religieux sous lequel est régit leur établissement.
De plus contrairement à ce qu'on dit les médias, ce n'est pas une première que les profs du privé fassent la grève et défilent dans les manif's au côté de leur collègues des établissements publics. La FEP-CFDT (majoritaire et bien loin devant la CFTC et le SPELC plus rattachés médiatiquement à l'enseignement privé et pourtant faiblement représentatif) appellent quasi systématiquement à rejoindre les mouvement dès lors qu'ils sont lancés par leurs homologues des syndicats de l'enseignement public... et ce depuis de très nombreuses années.

Quant à la "renationalisation"... Que les établissement soient publics ou privés, ils doivent être expropriés par les jeunes (et leurs parents pour les plus petits) et les enseignants, sans dieu, sans maître et sans état !

Guillaume

le 29 octobre 2011
"Quant à la "renationalisation"... Que les établissement soient publics ou privés, ils doivent être expropriés par les jeunes (et leurs parents pour les plus petits) et les enseignants, sans dieu, sans maître et sans état !"

C'est beau comme un sermon religieux, mais ça ne mange pas de pain. Dans l'immédiat, éviter une privatisation croissante de l'éducation, c'est avant tout essayer de faire perdurer un enseignement accessible à tous (gratuit pour le primaire et le secondaire, assez peu cher pour le supérieur), et sauver des emplois (toute privatisation s'accompagnant généralement de suppressions d'emplois). S'il ne faut pas - jamais - perdre de vue ce pourquoi on se bat à long terme, il ne faut pas non plus se désolidariser des luttes réformistes ou "conservatrices" (au sens de "conserver des droits et des acquis"). Il sera toujours plus facile de dire : "On ne veut plus d'éducation nationale parce qu'on ne veut plus d'Etat" que de mener une grève et un combat quotidien pour préserver des acquis qui, dans l'immédiat, nous permettent encore de respirer un peu. Et ce qui fait la force de l'anarchisme, c'est justement qu'il conjugue indisociablement les deux en son sein : la construction de la société de demain dans la lutte immédiate pour la préservation ou l'obtention d'acquis sociaux.