Lampedusa, un Guantanamo italien ?

mis en ligne le 7 avril 2011
Italie-Libye : petite chronologie
Voici une chronologie des rapports italo-libyens piquée dans Le Monde (web) du 23 mars 2011 :
« - Octobre 1911 : intervention italienne contre l'Empire ottoman en Afrique du Nord. L'Italie prend le contrôle de ce qui constituera la Libye à l'indépendance, en 1951.
- Octobre 2002 : visite du président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, à Tripoli, alors sous le coup de sanctions internationales à la suite des attentats de Lockerbie et du Ténéré.
- Août 2008 : signature d'un traité d'amitié entre la Libye et l'Italie qui s'engage, pour solder les comptes de la colonisation, à investir dans les infrastructures libyennes. Ce traité comprend également des clauses pour encadrer l'émigration clandestine en provenance d'Afrique. »
Gardons cela en tête et allons faire un tour sur la côte italienne.

Lampedusa : loin du rêve européen
Lampedusa, petite île italienne située entre Malte et la Tunisie, point d'entrée privilégié pour tous ces migrants en partance, majoritairement, de Gabès ou Zarzis (Tunisie) et voulant gagner l'Europe.
Lampedusa : 20 kilomètres carrés de superficie pour 6 000 habitants en temps « normal ». Or, ce seraient à ce jour (dimanche 27 mars 2011) pas loin de 11 000 personnes qui séjourneraient sur l'île. Le calcul est vite fait : 11 000 - 6 000 = 5 000 migrants ; arrivés jusqu'à présent principalement de la Tunisie, les réfugiés fuyant directement la Libye commencent à accoster à leur tour.
Le rapport avec la chronologie du début ? Il est simple : depuis le début des « hostilités », le colonel a fait savoir qu'il n'aiderait plus à surveiller les afflux de « clandestins » (le traité conclu en 2008 aurait entraîné, selon les autorités italiennes, la diminution de 94 % des débarquements clandestins en Italie, avec une politique de refoulement immédiat entre autres vers la Libye, pays garants des droits d'asile internationaux comme chacun le sait !), petit chantage supplémentaire en direction des dirigeants européens.
Les arrivées massives de réfugiés avaient été envisagées par les autorités italiennes qui se disaient prêtes à les accueillir « avec l'aide de l'Europe ». Mais, encore une fois, entre désaccords et propagande électorale, le gouvernement Berlusconi se montre incapable de gérer la situation (sorte de « déjà vu » depuis la gestion calamiteuse de l'après-tremblement de terre de l'Aquila). À moins qu'il ne faille voir là une volonté politique affichée de laisser pourrir la situation, comme le dénoncent déjà quelques Italiens, par une « criminalisation » médiatisée de l'arrivée de ces migrants venus pour trouver du travail et de quoi vivre (et faire vivre leurs familles). Et certains de calculer : 15 000 hommes et femmes arrivés à Lampedusa depuis le début de l'année à « diluer » dans une population de 60 millions d'habitants… « Si on les avait accueillis décemment on ne les aurait pas vus ; mais alors adieu la propagande ! » (n'oublions pas tout ce que le gouvernement Berlusconi compte d'extrême droite dans ses rangs). Les mots employés même sont discriminants : on ne parle que de clandestini, « clandestins », statut qui, depuis 2009 en Italie est passible d'une peine d'amende allant de 5 à 10 000 euros et qui est, surtout, assortie de 180 jours de rétentions en CIE (Centro Identificazione et Espulsione = « Centre d'identification et d'expulsion », tout un programme). Ces mêmes CIE que les autorités italiennes déclarent déjà « complets ». L'alternative trouvée par le ministre de la Défense, Ignazio La Russa, a été de proposer l'utilisation de sites (désaffectés) de l'armée. 13 seraient déjà prévus (et les levées de boucliers des régions « accueillantes » se font de plus en plus fortes). En attendant, les 5 000 hommes et femmes « en trop » restant à Lampedusa s'arrangent comme ils le peuvent dans un campement à ciel ouvert où ils manquent de tout : soins, eau, nourriture, toilettes, abris… Les habitants de l'île, excédés, parlent même d'un « Guantanamo de la Méditerranée ».

Barbara, groupe Bibliothèque La Rue de la Fédération anarchiste