Les chrétiens sont des hommes comme les autres

mis en ligne le 25 novembre 2010

1614AntireligionJe confesse, ô sœurs et frères, que le titre de cet article est bien plat. Les anarchistes ne doutent pas une seconde que les chrétiens ne soient des hommes comme les autres, un peu plus crédules peut-être que la moyenne des électeurs. Mais certains chrétiens, un peu plus naïfs, ou un peu plus fanatiques, croient que les chrétiens devraient vivre différemment. En particulier, pratiquer ce qu’ils prêchent. Non, vous au fond de la classe, ne levez pas la main pour rappeler que les chrétiens prêchent tout et son contraire : aimer son prochain mais brûler l’hérétique ; croître et multiplier mais préférer la chasteté ; laisser venir à moi les petits enfants mais de préférence jolis, dociles et discrets. Vous n’apprendrez rien à personne.
L’un de ces chrétiens bizarres, Ronald J. Sider, a écrit The Scandal of the evangelical conscience, Why are Christians living just like the rest of the world ? (Le Scandale de la conscience évangélique, pourquoi les chrétiens vivent-ils comme tout le monde ?). Les « évangéliques » sont les fondamentalistes, la version protestante des intégristes. Les évangéliques sont ces tristes sires qui détestent la masturbation, qui vomissent l’homosexualité, qui abominent l’adultère, la danse, et le rire, qui brûlent les femmes légères et pendent les hérétiques, qui élisent Bush et rêvent d’une troisième guerre mondiale contre l’islam. Du ventre fertile de la bête est cependant sorti ce monsieur Sider, tout étonné de constater que ses camarades d’amertume ne dédaignent pas les petits plaisirs : par exemple, 26 % des évangéliques américains ont divorcé, cependant que le taux de divorce dans la population américaine non chrétienne n’est que de 22 %. Mieux encore ; le petit Jésus a réclamé que ses enfants lui paient dix pour cent de leur revenu. La dîme, en bon français. Chez les évangéliques américains, qui n’ont jamais vraiment su s’ils priaient Mammon plutôt que Jésus, on ne rigole pas avec la dîme. Officiellement. Réellement, en 1968, les affiliés aux église américaines donnaient en moyenne 3,1 % de leur revenu à leur église. Pas le bon pourcentage, mais c’était déjà quelque chose. On en est à présent à 2,66 %.
Le pourcentage – parmi les évangéliques – de personnes payant vraiment 10 % de leur revenu est 6 %. Selon une intéressante statistique donnée par Sider, si les évangéliques payaient la dîme, les églises américaines disposeraient de 146 milliards de dollars par an. Les Nations unies, rappelle alors Sider, estiment que 80 milliards de dollars par an suffiraient à assurer eau potable, dispensaires accessibles et éducation primaire au milliard de personnes les plus pauvres sur Terre. Bref, conclut Sider, « il resterait encore 60 milliards de dollars pour faire de l’évangélisation dans le monde ».
Sider continue. L’organisation True Love Waits (Le véritable amour attend) milite pour supprimer toute activité sexuelle prémaritale. Elle demande donc aux jeunes de signer des promesses de « se garder pour le mariage ». Depuis 1993, deux millions de promesses ont été signées. Mais Sider, honteux et confus, gémit ; 88 % des signataires des promesses ont quand même eu des relations sexuelles avant le mariage. Et le taux de maladies sexuellement transmissibles parmi les signataires ne diffère pas de celui des non-signataires ! Une citation trop attendrissante pour ne pas être donnée : « Tragiquement, le pourcentage de chrétiens mâles impliqués dans la pornographie n’est pas très différent de celui des non-sauvés [unsaved]. » Ça branle dans le manche, monsieur Sider !
Pourtant, le plus drôle du livre n’est pas dû au pauvre Sider, mais à un autre imbécile, étalé par les éditeurs en quatrième de couverture. L’immortel auteur de Le Christ est Tout ! Un manifeste joyeux sur la suprématie du Fils de Dieu, David Bryant, écrit, dans un affligeant jargon d’école de com’que nous traduisons avec le plus scrupuleux respect : « Scandale n’est pas un mot trop fort pour le déficit de sainteté dans nos rangs. Ron Sider a articulé avec force ce que d’autres leaders chrétiens ont identifié comme une crise – une crise de christologie –, une crise de comment nous voyons, nous cherchons, nous parlons et servons le Fils de Dieu pour TOUT ce qu’il est. Cependant qu’il nous expose aux preuves convaincantes de l’impuissance spirituelle et de la paralysie de nos vies et de nos églises, Sider nous emplit du grand espoir que, grâce à une étreinte plus tenace de l’autorité de Jésus, le mouvement évangélique pourra de nouveau impacter le monde “d’une façon digne du Seigneur”. »