Plysorol Lisieux : l’abandon du site par les responsables !

mis en ligne le 25 novembre 2010
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Le groupe, qui appartenait initialement à un entrepreneur portugais, a été vendu à un investisseur chinois, M. Zhang, « qui nous avait rachetés en 2009, qui nous a laissé carrément tomber, nous dépouillant de tout. Il y a eu des périodes de chômage de six semaines, on reprenait une semaine sans matières premières qui arrivaient sur le site puis à nouveau une période de six semaines de chômage […]. On se levait à 5 heures pour bâiller à ne rien faire… Il nous a dit qu’il reprenait le site pour une durée de trois ans et qu’il s’engageait à investir de l’argent, mais il n’a jamais rien fait. Il a repris en avril 2009, et en septembre 2009 il commençait à y avoir des difficultés et on a alerté les pouvoirs publics, le préfet est venu sur place et nous a carrément dit qu’en aucun cas il fallait troubler le nouveau repreneur et dix-huit mois après il y a 151 licenciements et les pouvoirs publics ont laissé faire ». À la suite de ce fiasco organisé, un nouveau repreneur s’est fait connaître, Ghassan Bitar, libanais cette fois-ci, le capitalisme et l’exploitation des salariés, le mépris dans lesquels ils sont tenus ne connaissent pas de frontières. Mais cette fois-ci le groupe, qui comptait trois sites, à Épernay, à Fontenay-le-Comte et à Lisieux, se voit amputé du site de Lisieux. Le nouveau repreneur conserve donc les deux autres sites français et les deux sites gabonais ; au Gabon il devient propriétaire d’une forêt de 580 000 hectares et d’une usine de déroulage. Sans compter les filiales françaises, il semblerait que l’enjeu soit la matière première, à savoir le bois, c’est-à-dire les grumes. « Il [M. Zhang] a juste pris la matière première au Gabon, en laissant pourrir la situation ici, en vendant les stocks et en prenant les salaires. Plysorol a deux filiales au Gabon, 580 000 hectares de forêt et une usine de déroulage et ils doivent transformer le bois là-bas, maintenant, parce qu’on n’a plus le droit d’exporter les grumes. Mais depuis qu’il nous a repris il n’a jamais apporté la matière première sur les sites français. En fait les grumes, il les exportait directement en Chine, alors que Monsieur Estrosi s’engageait personnellement à veiller à ce qu’aucune grume ne quitte le territoire gabonais vers la Chine en réponse à des questions posées par Messieurs les députés Souchet et Leteurtre, à l’Assemblée nationale. Et quand on a invité (certains disent séquestré) M. Zhang en septembre 2009, le mois d’après Monsieur Estrosi, ministre de l’Industrie, est venu sur le site de Fontenay et il est revenu en disant que tout allait bien et que cela allait repartir et qu’il allait même embaucher… Comme c’était avec les Chinois, est-ce qu’il n’y avait pas d’autres marchés avec eux, ce qui voudrait dire que c’est au niveau politique qu’on a sacrifié une partie du bois pour autre chose, ce qui expliquerait peut-être pourquoi on avait rétrocédé 580 000 hectares de forêts qui étaient certainement la cible des Chinois à l’époque de l’achat. »
Pour cette nouvelle péripétie, tout commence donc le 11 octobre, après avoir réinjecté de l’argent dans le groupe, M. Zhang a stoppé tout réinvestissement au bout de dix-huit mois sur les trois ans d’engagement. Le tribunal du commerce a prolongé l’activité de trois mois pour trouver un nouveau repreneur, Ghassan Bitar, avec licenciement d’une partie du personnel. Les engagements avaient été rompus, c’est le début du mouvement. Le plan proposé une première fois par Ghassan Bitar déclaré non viable l’était devenu par miracle des décisions du tribunal. Peut-être parce qu’il sauvait 300 emplois sur les 450 des sites français : « Pour eux c’est la course à l’emploi. »
La sortie du tribunal en ce 11 octobre a été houleuse, les salariés ayant appris le comportement des acteurs du tribunal se sont fâchés, « il faut savoir que le manager de crise dansait avec le DRH dans le tribunal quand ils ont annoncé les licenciements, et tout le monde riait comme il faut. En sortant ils rigolaient moins et ils dansaient d’une autre façon. Ils ont été bousculés un petit peu, vu le contexte, la misère était dans la rue, il y avait 150 salariés dehors… même l’avocat du CCE s’est adressé à nous avec mépris ».
La proposition de Ghassan Bitar contenait la possibilité de vendre les terrains de l’entreprise de Lisieux, pratiquement 13 hectares, pour faire un abondement dans le PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) pour les salariés licenciés, « ce qui aurait fait une prime plus conséquente car la proposition d’aujourd’hui c’est 2 000 euros pour dix ans d’ancienneté, soit une misère. C’est pour ça qu’on peut comprendre la colère des gens. Ghassan Bitar a racheté l’ensemble du groupe pour 350 000 euros sachant que sur Lisieux il y a pour 450 000 euros de stock. Il avait été dit que tout ce qui aurait été vendu du stock serait pour les salariés, mais on n’a pas avancé… L’idée, c’est de partir dignement avec une prime décente pour les salariés licenciés et pour les salariés qui vont rester ». Est-ce que ça veut dire que si les salariés trouvaient leurs dix-huit mois de salaires cela calmerait les choses ? « Dix-huit mois plus les préjudices moraux, car il n’y a pas que ça en jeu, et on veut la même prime pour ceux qui restent parce que si cela se trouve, si ce n’est pas bien, dans deux mois ils seront virés et partiront avec rien. Il est déjà prévu entre six et huit mois de chômage pour ceux qui restent, en septembre, à la date de remise de l’offre de reprise qui se terminait à quinze heures, à deux heures on savait déjà que c’était M. Bitar alors que ce n’était pas fini, et on sait déjà que l’État cautionnait le chômage entre six et neuf mois jusqu’à la reprise. Autrement dit il y a un repreneur et c’est l’État qui cautionne le chômage, c’est le contribuable français qui nous paie. Déjà de l’époque de M. Zhang, l’État payait le chômage alors même qu’il s’était engagé sur trois ans. »
La proposition de M. Bitar a été acceptée alors qu’il existait un autre plan de sauvetage proposé par deux cadres de l’entreprise, si ce n’est qu’ils n’avaient pas les finances, mais l’État aurait peut-être pu les aider et cela aurait permis aussi de pérenniser les filiales gabonaises et les entreprises en France, ce qui n’est pas certain avec la proposition acceptée par le tribunal.
Et depuis c’est l’abandon : « c’est suite aux licenciements qu’il y a eu et aux salariés qui sont repris et depuis la décision du tribunal du commerce du 11 octobre, on n’a eu aucune nouvelle, aujourd’hui, on a été carrément abandonnés sur le site de Lisieux ; on n’a plus de directoire, le repreneur, on ne l’a pas encore vu, on n’a vraiment vu personne. Pas d’interlocuteur, pas de médiateur, rien ». Il y a un carnet de commandes peu fourni mais pas de matière première, personne ne peut donc travailler normalement, ce qui veut certainement dire que l’abandon du site était prévu de la part du repreneur avant que les décisions soient prises, et cela malgré les démentis des antagonistes.
Le problème de la solidarité se pose : « Est-ce que les deux autres entreprises qui font partie du groupe sont solidaires ? »
« Pas du tout, eux ils sont sauvés, depuis le 11 octobre, jour de la décision, on n’en entend plus parler. Le site de Lisieux, auparavant le fleuron du groupe, a donc été sacrifié pour garder les autres sites. Le directoire est à Fontenay. Tous les hauts cadres ont été repris et sont sur Fontenay… Il faut savoir que pour ceux qui étaient en difficultés financières le DRH les a réunis pour leur dire qu’il pouvait éventuellement leur donner 35 euros sur avance de salaire du mois, qu’est-ce que vous voulez faire avec ça, dans un premier temps on nous donnait 35 % du salaire mais ça ne paie même pas le loyer, qu’est-ce que vous faites pour les gens qui ont besoin, là, maintenant. C’est pour ça qu’on a mis en place une solidarité et qu’une solidarité des gens de l’extérieur s’est manifestée, des commerçants ; il y a des boulangers qui nous amènent le pain ; d’ailleurs on les remercie, il y a des gens qui ont été très généreux. »
Et du côté du soutien des élus et du ministre, il est venu essentiellement de Clotilde Valter, conseillère régionale, qui est derrière eux et suit le dossier et vient les voir régulièrement, sinon seul le président du conseil régional, M. Beauvais, leur a accordé son soutien et fut présent avec eux à Paris devant le ministère de l’Industrie. Du côté du ministère de l’Industrie : « Quand on a été au ministère de l’Industrie, à Paris, on a été accueillis par huit à neuf fourgons de CRS, on nous a parqués comme des animaux, on nous a mis là et il ne fallait pas bouger, il n’était pas question d’aller troubler leurs affaires, on leur a bien dit que ce n’était pas nous les voleurs. »
Quant au maire de Lisieux, ce n’est même pas la peine d’en parler, pour lui ce sont des empêcheurs de tourner en rond et de faire la politique de droite que tout élu UMP se doit d’appliquer pour faire plaisir au grand chef Sarkozy.
Les partis de l’opposition n’auront pas été très présents non plus.
Tout au long de cette période de transition, « il y a eu deux administrateurs, deux mandataires, un manager de crise, un cabinet-conseil de suivi du plan social de sauvegarde de l’emploi, qui au final vont nous coûter cher, qui nous avaient promis d’être payés en heure et en temps » ; tout le monde n’aura donc pas été déçu du dépeçage du site de Lisieux, bien rémunérés pour mener à bien leur tâche de destruction alors que, « quand on voit le député, il nous dit il n’y a personne pour payer, nous on lui dit et bien c’est simple l’État avance l’argent et réclame au chinois. Alors là, ce n’est plus la même chose ».
Depuis quelque temps les médias nationaux s’intéressent au site de Lisieux, cela permettra de sortir les salariés de leur isolement, des salariés qui le disent : « On se bat, on a du mal. »



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


Dan

le 5 décembre 2010
Bonjour,


Alors que les salariés léxoviens de Plysorol sont toujours en lutte (occupation du site depuis le 26 octobre), que le dernier repreneur a confirmé vendredi 3 décembre que l’usine de Lisieux (14) est à terme condamné de disparition, la détermination des salarié(e)s et la mobilisation citoyenne ne faiblissent pas. Pour preuve cette nouvelle initiative de soutien : l’organisation d’un concert-débat le samedi 11 décembre 2010 à Mézidon (14) avec et pour les Plysorol.


VOIR EN LIGNE :

> Toute proposition, tout partenariat, toute aide est la bienvenue (come.nesterowski@orange.fr ou daniel.delerue@free.fr)
> Nous voulons cette soirée ouverte et solidaire
> Pour et avec les plysorol et l’ensemble des soutiens et de la population

Retrouvez ici les groupes qui ont accepté, de manière militante et non marchande, de participer au concert de solidarité à la lutte des salarié(e)s de Plysorol (en cours de finalisation). Nous les en remercions par avance.


Soulmen2Vous trouverez sur le blog de la manifestation un certain nombre de précisions : http://solidariteplysorol.over-blog.org/. Nous vous convions, par solidarité ouvrière et citoyenne, à relayer cette initiative sur vos blogs, sites web et réseaux sociaux préférés.

L’histoire des travailleurs léxoviens de Plysorol est un exemple type de la casse sociale, du pillage des savoirs et savoir-faire des ouvriers, et de l’inconsidération des salariés orchestrés par l’économie libérale mondialisée défendue par les uns et les autres. Nous, citoyens de Normandie et de France, soyons tous solidaires des Plysorol

Je me tiens naturellement à votre disposition pour toutes informations complémentaires.

Bien à tous.

Daniel Delerue - 06 31 78 81 39
http://solidariteplysorol.over-blog.org/