Enterrement de seconde

mis en ligne le 16 septembre 2010
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? C’est enfin la rentrée, les mômes ! La vraie, la seule rentrée qui vaille, non celle des bahuts et mièvres cours d’écoles aux préaux glauquissimes, non, mais la rentrée littéraire ! Lecteur compulsif-boulimique, dévoreur assumé de pavés sitôt imprimés que mangés par les yeux, tu seras, cette année, servi comme jamais : 701 romans et pas moins de 300 essais t’attendent à l’étal des charcuteries-librairies. C’est beaucoup ? Certes, c’est énorme et ridicule, étant bien entendu qu’une poignée de stars totalisent l’essentiel des ventes, condamnant de fait de pauvres opus à ne jamais trouver leur public. Ainsi la graphomane Nothomb squattera-t-elle les devantures, entre les tranches de lard et ce mauvais cochon d’islamophobo-bof Houellebecq. Alain Minc, à l’essai, nous gratifie lui d’une « histoire politique des intellectuels », dont on s’accordera le droit de penser, sans l’avoir lu, le plus grand mal – pensez-vous sérieusement que les tresseurs de lauriers ont pris, eux, le temps de l’ouvrir ? Écoutons son auteur : « Il faut absolument préserver le modèle de l’intellectuel français, parce que c’est douillet. » Plus tard, et comme subitement frappé d’un éclair d’objectivité, Minc avoue en un souffle : « Je suis un intellectuel de pacotille, un intellectuel à temps plein. » À tremplin ? Cela va sans dire. Puis, c’est au tour de Philippe Manière, le journaleux qui ce matin-là lui servait la bonne soupe, de commettre cette sortie-déroute : « Je suis intimement persuadé que nous sommes tous des intellectuels, sauf bien évidemment ceux qui sont complètement idiots. » Y’a pas à dire : ça vole haut.
Autre rentrée, la syndicale. Battre le pavé plutôt que de le desceller, voilà l’erreur, recommencée. Le pouvoir ne s’y trompe pas, qui nous enfle au fur et à mesure, baudruches défilant au rythme des slogans gnangnans. Mardi dernier un amendement voté en commission et en catimini (pléonasme) prévoyait par exemple une refonte de la médecine du travail : « Les missions définies seront exercées par les médecins, sous l’autorité de l’employeur. » Autorité ? Employeur ? On imagine sans peine, à terme, le résultat. Voilà comment, profitant d’une fenêtre de tir ouverte à tous les mauvais vents, les azimutés du Sarkozystan-pour-mille-ans s’empressent de dézinguer à tout-va. Mais c’est qu’« il s’agit de l’intérêt supérieur du pays », s’étrangle en un sanglot Copé. « On est en train de changer d’époque », s’emballe-t-il, « la réforme, c’est un rendez-vous pour la nation. » C’est ballot parce que moi, je l’attendais à La Bastille. Et tandis que je glandais à l’abri du Génie, une petite vieille est passée, en murmurant à sa copine : « Dans les manifs, on voit toujours les mêmes. C’est comme aux enterrements. » De seconde, là, l’enterrement.