Volcan vs ordre économique

mis en ligne le 29 avril 2010
Il me revient à la mémoire des livres pédagogiques pour expliquer la formation du monde aux enfants des écoles républicaines, laïques et obligatoires. C’était dans les années 1960. Tout l’Univers ça s’appelait. On y voyait des dessins de dinosaures fous de terreur et, dans un décor de fonds de volcans en furie, des éclairs apocalyptiques, un ciel noir obscurci par la fumée, des fleuves dégueulant de lave, des rochers qui dégringolaient en écrabouillant tout sur leurs passages. Manquait que le bruit. Des trucs à presque pas dormir de la nuit. Mais la douce présence de maman… Enfin bref.
Maintenant les volcans, enfin Le volcan, est bien là. P’tit salaud. À l’heure ou j’écris, ils sont encore 40 000 Français à piétiner sous les néons des salles d’embarquement, à dormir sur des lits de camp, pour les plus veinards, à bouffer des chips et boire de l’eau claire depuis huit jours. Sale affaire. Ils s’en rappelleront de leurs vacances aux Seychelles (je sais même pas où c’est) ou à l’Île Maurice ou je ne sais où, vachement loin en tout cas, dans les pays pauvres qui n’ont que les Allemands en short pour s’enrichir. T’as qu’à voir. Pour mon compte, j’ai été faire du water-polo en Vendée, alors le nuage de cendres, tu penses bien…
M’enfin le plus dur il paraît, il paraît seulement, que ça a été pour les hommes d’affaires ou les commerciaux internationaux qui n’ont pas pu ramener les commandes ou pas pu les signer ou pas pu être là lundi pour le conseil d’administration ou surveiller la pointeuse. Ils étaient restés coincés à Hongkong ou à New-Delhi, comme les footballeurs obligés de se déplacer en autocar, ce qui, tout le monde en conviendra nuit considérablement à leur récupération, et je n’en dirais pas plus sur les footballeurs…
Tout ça pour dire que cette histoire montre, comme les philosophes de CM2 l’ont originalement souligné, la petitesse de l’être humain face à Dame nature, qui peut en un instant reprendre ce qu’elle a généreusement offert, mais surtout que ce genre d’événement entrave la croissance économique et ça c’est pas d’la bombe bébé, c’est beaucoup plus grave que quelques milliers de pékins en sécurité totale mais juste un peu retardés. Un peu comme les passagers des trains en retard à cause d’un mauvais entretien ou d’exécrables conditions de travail des cheminots, mais là il n’y avait personne après qui bêler. Produire moins loin et acheter moins loin, privilégier les légumes de saison, par exemple, ne plus rançonner ou racketter les pays émergents (que ceux qui ont un plus beau mot le signale au Monde Libertaire), stopper net enfin cette folie destructrice, ce nouvel ordre mondial, celui dont les gisements d’uranium ou de pétrole ne profitent qu’aux compagnies occidentales et non pas aux populations locales, celles-là même qui la plupart du temps dorment dans de bien pires conditions que celles des touristes venus les prendre en photos, dans les aérogares climatisés en attendant de retrouver leurs cuisines équipées et leurs antennes satellites pour voir comment va le monde.
Eh bien c’est un scoop, mais il ne va vraiment pas bien.
Maintenant il semblerait que les avions redécollent et que tout rentre dans l’ordre. Mais quel ordre ?