Nouvelles des fronts

mis en ligne le 14 janvier 2010
« Merci aux partenaires sociaux » pour leur grande responsabilité durant la crise. On dénonçait souvent Thibault, Chérèque et Mailly et quelques autres, sans toutefois en avoir la preuve formelle, de collaboration douce avec le pouvoir d’État. Cette fois, la preuve nous a été donnée par le président de la République lui-même lors de ses vœux à la nation. Ce n’est pas en soi une révélation mais l’explication de ces journées fourre-tout de mobilisation à répétition que nous avons connues ses deux dernières années : de la responsabilité, rien que de la responsabilité et de la démobilisation orchestrée. En d’autres mots, ne pas ébranler le système et surtout tout régler entre gens raisonnables qui savent ce qui est bon pour la très obéissante et confiante population… en espérant qu’en 2010 les tartuffes qui nous dirigent se voient démentis par les faits et qu’enfin ça branle dans le manche !
Si 2010 n’a pas vraiment bien commencé, 2009 s’est bien terminé : le CAC 40 a augmenté de 22 %, les patrons d’EADS ont été blanchis de tout délit d’initié et Julien Dray, dit « touche pas à mon association », a été condamné, comme un mineur turbulent, à un simple rappel à la loi. Les uns en centre de rétention puis en charter, les autres, en guise de soumission à l’ordre qui les a faits, la Rolex au poignet droit. 2009 qui finit bien, Thibault reconduit à la tête de la CGT, les banques renflouées, le travail précaire en hausse et 4 centimes d’euros d’augmentation de l’heure pour les smicards… 2010, dans ces conditions, ne peut que s’annoncer bonne et fructueuse pour les profiteurs.
2009 qui finit bien pour les 100 licenciés de chez Christian Lacroix dans la confection, les 98 de chez Dynamic dans le textile, les 200 de chez Hypner à Cernay dans le Bas-Rhin, les 201 de RFI, les 570 des chez Fortis (banque) et pour tous les autres qui auront la chance d’être virés seulement en 2010.
2009 qui s’est bien terminée par une flambée de grève dans les musées nationaux, chez les salariés routiers qui ont choisi le moment opportun pour lancer leur mouvement de blocage des entrepôts et arrachés quelques avantages. Mouvements sociaux aussi dans les transports publics, d’abord à Lyon au TCL, puis à Toulouse et enfin en Ile-de- France avec la grève sur le RER A à la RATP. Les deux derniers mouvements méritent quelques commentaires. Toulouse d’abord augure bien de l’avenir et du déplacement de la conflictualité. Il faut savoir que le métro de Toulouse est un métro entièrement automatique, donc sans conducteur. Ce sont les techniciens qui ont arrêté les machines, comme quoi on a beau automatiser comme à Paris la ligne 14 et bientôt la ligne 1 pour briser les grèves, lorsque le ras-le-bol est là, le service minimum n’est qu’un slogan pour électeur pris en otage. Quant au RER A, malgré une grève dure de plus de quinze jours, la semi-défaite est au bout du tunnel. Des pertes de salaires importantes pour les grévistes et une prime de productivité de 80 euros par mois en fonction des trains arrivés à l’heure. Lorsqu’on connaît la fréquence des pannes de signalisation, des ruptures de rail ou de caténaires, sans compter les colis suspects et les incidents de personnes, on peut faire le pari que cette prime n’est que de la poudre de perlimpinpin. À la suite de cette défaite, la CGT, toujours raisonnable, a déclaré que la lutte continuerait sous d’autres formes et sur ce point on peut lui faire raisonnablement confiance. Enfin, toujours pour clore cette année 2009, échec cuisant de la journée de mobilisation dans l’éducation nationale contre la réforme de la formation des profs, grève chez Rodia et Arkéma (chimie) dans le Rhône pour les salaires et sur la pénibilité du travail, grève avortée des salariés chargés d’alimenter les distributeurs de billets et belle grève des techniciens précaires de Radio France avec solidarité des titulaires. Philippe Val en DRH, on s’en branle ! Lutte exemplaire aussi de nos camarades contre les 220 licenciements de l’usine Nexans (tréfilerie) de Chauny dans l’Aisne où a flotté fièrement le drapeau noir.
2009 qui finit bien pour les derniers suicidés de l’année, pour celui de chez Visteon près de Belfort et celui de Pôle Emploi. Année qui finit bien aussi pour les Moulinex qui après dix ans de procès voient confirmer qu’ils ont été virés « sans cause réelle et sérieuse » et qui vont du coup pouvoir gratter quelques indemnités.
2009 qui finit mal pour les 946 licenciés de chez Ericsson en Suède et les 1 700 de chez British Airways. 2010 qui commence mal pour 14 000 cheminots de la Deutsche Bahn qui pourrait bien prendre le train des licenciements, ainsi que les 10 000 annoncés dans le monde chez ArcelorMittal.
Année qui finit bien avec 80 700 emplois supprimés dans l’Hexagone au troisième trimestre et 20 millions dans le monde selon l’OIT, qui en annonce des millions d’autres. Année 2009 se terminant en apothéose pour les agriculteurs qui se suicident en silence et dont les revenus sont en chute de 34 % et pour les 744 189 ménages surendettés (5,9 % de plus qu’en 2008) qui n’ont même plus les moyens de s’acheter des munitions pour se tirer une cartouche. En bref, le toujours plus d’inégalités est en marche. Inégalités comme principe d’action du libéralisme économique qu’illustre bien le modèle « américain ». En 2001, aux états-Unis, 50 % des plus pauvres possédaient 2,8 % des richesses mais 1 % des plus riches en accaparaient déjà 32,7 % et le fossé s’est encore accru depuis. En France, les profiteurs faisaient profil bas et n’en captaient à la même époque que 20 %, mais on peut compter sur eux et sur le système qu’ils se sont construits de mains de maître, tout a été mis en œuvre depuis pour combler ce retard.
Et pour début 2010, ça recommence, grève des cheminots sur Paris Saint-Lazare et sur PACA.
2010 qui commence dans la tradition, journée de grève dans les ports et docks contre la privatisation, idem dans la fonction publique le 21 janvier et journée de mobilisation dans l’éducation à l’appel de la FSU le 30. Autant dire que le printemps sera froid ! À quand l’unité, le fédéralisme dans les luttes ?
2010 sera donc un grand cru, bosser plus pour gagner moins, quelques dizaines de milliers de licenciements en plus, des dégâts collatéraux en forme de suicides et de maladies professionnelles. Et pour le printemps que rien n’annonce chaud, des retraites qui seront, selon les partenaires sociaux, raisonnablement à la baisse pour une durée de cotisation raisonnablement augmentée.