éditorial du n°1315

mis en ligne le 10 avril 2003

L'image de marque de la France est préservée. Sans rougir, et ce grâce au courage et à la ténacité d'un seul homme, la France, qui s'exprime à travers lui, peut clamer à la face du monde qu'elle est dans le camp de la paix, de la démocratie et de la défense des droits de l'homme. Quelle fierté ! Le peuple reconnaissant exprime sa gratitude à celui qui a su troquer son costume de « super-escroc », pour celui, plus confortable, de « super-héros ». D'après les habituels pourcentages, 75 % de la population accorderait sa confiance à Jacques Chirac, et se réjouirait de sa politique extérieure. Quelle morne et dangereuse réjouissance pourtant, au regard de ce qui se trame dans les coulisses de la politique intérieure. Ici la guerre est ouvertement déclarée et la faveur du bon peuple importe peu. Si nous avions eu l'impudence de l'oublier, Sa Sainteté monseigneur Jean-Pierre Raffarin a su nous le rappeler, au détour d'une magnifique métaphore, de celles dont il est devenu le maître incontesté. « Il y a un pilote dans l'avion », a-t-il déclaré le 3 avril sur France 3 et France Info. Et à l'instar de son compère Nicolas Sarkozy, qui comme il l'avait promis, s'applique à bouter hors de France ou à mettre sous les verrous tous les indésirables, Raffarin ne renie en rien ses promesses. Disparition du service public, disparition de la Sécurité sociale, disparition des retraites, bien sûr tout cela à petit feu. Bref, comme prévu les riches vont s'enrichir et les pauvres s'appauvrir. Et ces derniers n'ont qu'à mourir en silence, afin de ne pas troubler ces premiers dans la célébration de leur victoire.

L'ennemi s'est déclaré, à nous de nous défendre. Car nous ne sommes pas une masse indistincte de Français, de citoyens ou de manifestants, dont l'expression se réduit à ces fichus pourcentages, dont se gargarisent les médias. Nous sommes bien plus. Nous sommes des individus capables de penser et d'agir, capable d'oeuvrer par nous-même à la construction d'un monde qui se rapprocherait davantage de nos aspirations. L'idée d'un État bienfaiteur, porteur du bien public est un mythe. Abattons-le.