Le Local des «Grains de Pollen» est sauvé
Évreux
Il y a quatre mois, après 48 heures d’occupation de l'hôtel de ville d’Évreux, Grains de Pollen -- comité contre le chômage et la précarité -- obtenait un local. Fin avril, le comité recevait un courrier de la mairie lui indiquant qu’il devait prochainement quitter les lieux.«Grains de Pollen» est un de ces collectifs indépendants nés pour la plupart dans la dynamique du mouvement des chômeurs en France et en Europe.
On voudrait les faire taire !
Parce qu’ils renouent avec les principes du syndicalisme révolutionnaire, de l’action directe ; parce qu’ils organisent des conférences, des expos, des débats (Chiapas, éducation, histoire du 1er Mai, l'économie racontée aux fauchés, la lutte des licenciés d’Auchan-Le Havre) ; parce qu’ils organisent des projections de films qui ne sont pas au goût des princes (Watani, un monde sans mal de Med Hondo [[La CCOC (Commission de classification des œuvres cinématographiques a assorti l’exploitation de ce film de la mention suivante : «plusieurs scènes violentes et notamment celle de suicide collectif sont de nature à troubler la sensibilité du jeune public» ; la violence de ce film est infime en rapport à celle dans laquelle nous évoluons et il n’y a pas de suicide collectif…]]); parce qu’ils éditent un bulletin (Le Sirocco) pour que tout le monde sache et possède des éléments d’analyse, des pistes de réflexion pour dépasser les frontières du possible ; parce qu’ils sont debout et ne se résignent plus, on voudrait faire taire ces grains de pollen.
Ne souhaitant pas attendre l'été démobilisateur et saison des mauvais coups, les Grains de Pollen ont choisi l’offensive. Après un courrier à Roland Plaisance, maire d’Évreux, resté sans réponse ; une conférence de presse ne suscitant aucune réaction de la mairie, ils décidaient d’aller chercher eux-mêmes la réponse du maire.
Venus de Nantes, de Rennes, de Paris, les invités [[Mardi 2 juin, les Grains de Pollen avaient invité ceux et celles qui voulaient nous aider à se joindre à nous pour défendre le local (nous y faisions allusion dans le [précédent Monde libertaire- rub1264], page 3). Étaient là des membres des collectifs de Nantes, Rennes, EDF-Barbès, des militants de la CNT et de la FA, en tout une trentaine de personnes.]] ce 2 juin ont donc eu le plaisir de visiter l'hôtel de ville où nous allions vivre quelques moments riches et comiques.
Vive les mariés
D’abord, on nous posa le problème d’un mariage programmé dans une heure dans la salle prévue à cet effet et que nous avions envahie. Nous ne voulions pas empêcher cette union mais ne souhaitions pas perdre l’accès à la salle. Tractation avec les employés de la mairie et la police d’où il ressort que nous verrons cela avec les futurs époux. Voici enfin la belle et son prince charmant qui, découvrant la situation, nous invitent chaleureusement à assister à la cérémonie déclarant leur soutien à la lutte des chômeurs. Ils se sont mariés sous les applaudissements des occupants et ont pris congé, après la photo de famille. Enfin, M. le maire qui, après avoir d’abord quitté la mairie pour une «réunion à la préfecture», vint nous rendre visite.
Après le mariage, le grand guignol
«Vous ne représentez rien», «vous êtes une association anarchiste», «vous employez des méthodes fascistes», «les extrêmes se rejoignent»… M. le maire aime les lieux communs et les arguments de bistrots. Mais qu’il est jouissif de le voir ainsi jouer son numéro hypocrite et dévoilant son vrai visage devant un parterre qui l’interrompt, lui répond, lui tient tête, l’oblige à écouter la réalité des précaires, lui dit en face ce qu’il pense de la charité, des services sociaux. Des individus qui lui disent ce qu’ils ont sur le cœur. C’est bon aussi de vider son sac !
Fin du dialogue sur une promesse orale de ne pas nous expulser et de trouver une solution pour notre relogement (les actuels locaux doivent être refaits et sont destinés à une association s’occupant d’enfants handicapés) avec à la clef une proposition sous huitaine. AG des occupants pour décider de l’attitude à avoir et décisions, après avoir pesé le pour et le contre, d’envahir son bureau pour avoir un document signé.
Le ton monte un peu puis le dialogue s’installe avec le chef de cabinet du maire (M. le maire est en réunion…). On nous demande au téléphone, c’est le collectif de Nantes qui vient aux nouvelles et nous promet cent personnes en plus pour demain. «Cent personnes, s’exclame le copain, c’est super !». Évidemment, autour de lui tout le monde a entendu… Le chef de cabinet du préfet demande à nous voir… Pourquoi ? On n’en sait rien… Qu’il vienne s’il veut nous voir, nous n’enverrons pas une délégation. Discussions, tractations et… nouvelle entrée de M. le maire jouant l’ulcéré, exigeant que l’on quitte son bureau, menaçant des forces de l’ordre, refusant de signer aucun document. Devant l’obstination, il accepte de lire les quelques lignes rédigées par Grains de Pollen si nous libérons son bureau. Sachant que, lui devant et nous autour, il restait à notre disposition, nous attendîmes dehors les trente secondes qu’il fallait pour signer. Nous quittions la mairie rassurés sur l’avenir du local après moins de cinq heures d’occupation. L’action directe, ça tient la route !