L'Élite
À la petite semaine
Dans quelques années, je serai ingénieur de haut rang et cadre de haut niveau, patron d'entreprise peut-être. Dans mes fonctions et ailleurs, on me verra parader, plastronner, prendre des poses, afficher la suffisance, la morgue, le mépris qu'autorisent envers le tout-venant sans diplôme ces longues années d'études et de sacrifices offertes par papa-maman. Il me sera enfin permis d'user de cette autorité imbécile, toute disciplinaire, étrangère aux compétences professionnelles mais sans laquelle il n'est pas de commandement respectable et respecté.Pour mieux soumettre et humilier, la tradition, cette camisole de connerie sanctifiée par le temps, me dit, et je le crois, qu'il n'est pas de meilleure école que celle de la soumission et de l'humiliation. Alors, pour l'heure, je déambule à poil et à quatre pattes, une plume dans le cul et les partie génitales enduites de mélasse, léchant les bottes de mes aînés en hautes études et en perversité abjecte, obéissant à des injonctions avilissantes où le fantasme sexuel est roi. L'an prochain, la plume formatrice sera dans le cul de l'autre, les fantasmes éducatifs assouvis seront les miens, et à l'avenir ce sont mes bottes dominatrices qu'on léchera.
Comme la caserne, Arts et Métiers du pauvre préparant la «bleusaille» à une marche au pas à perpétuité, le bizutage huppé des établissements haut de gamme participe de ces us et coutumes qui façonnent les indispensables meneurs d'hommes.
Après la quasi-disparition de la première, il est triste et révoltant de voir le second promis bientôt à un avenir sans joie sadique. Les meilleures intentions se révèlent parfois les pires, et l'on devrait savoir au gouvernement que chaque coup porté contre ce type d'abjection est un coup porté contre les forces vives de la nation. Contre ceux qui comptent. Contre l'élite.