Makhno, une histoire des paysans insurgés d'Ukraine
Théâtre
Une pièce de théâtre autour de l'histoire de l'anarchiste ukrainien Nestor Makhno et de ses partisans, voilà qui ne peut qu'éveiller l'attention de tous ceux chez qui vibre la fibre libertaire. L'idée paraît d'autant plus alléchante en ces 80 ans de commémoration de la Révolution russe qu'elle permet de montrer que le formidable vent de liberté qui souffla à l'est fut loin d'être l'apanage des bolcheviques. Bien au contraire.Le projet « Makhno » est né à partir d'un atelier de recherche théâtrale d'un mois pour comédiens professionnels à la comédie de Valence autour du thème de la parole révolutionnaire. Cet atelier a réuni, autour de l'histoire de Makhno, une dizaine de comédiens de la région Rhône-Alpes. À l'issue de ce travail, ce groupe de comédiens, baptisé groupe Tsekh, a décidé de poursuivre l'aventure en continuant les répétitions et en organisant une tournée dans les villages de la région.
Tourner dans les villages, c'est pour la troupe Tsekh une occasion de quitter la ville et ses théâtres pour s'adresser à d'autres publics. Raconter cette histoire de Makhno c'est aussi renouveler les textes théâtraux consacrés au monde rural. Tsekh a formulé le vœu qu'à travers cette histoire de paysans d'autrefois les villageois d'aujourd'hui puissent entendre un théâtre qui s'adresse aussi à eux et leur parle d'eux-mêmes. Dans le but de tourner dans les villages, le spectacle se présente sous une forme légère, privilégiant le travail d'acteur, pouvant être joué partout, en intérieur comme en extérieur. Le spectacle, d'une durée de 1 h 15, se découpe en une dizaine d'épisodes courts retraçant l'ensemble de l'épopée de la Makhnovtchina.
À l'image des événements qu'ils racontent, les épisodes s'enchaînent rapidement, nous transportant des premières années de lutte et de bagne de Makhno à la guerre contre les blancs en passant par la mise en place de la commune libre de Gouliaï-Polié après février 1917. La rencontre entre Makhno et Lénine au Kremlin n'est pas oubliée et la pièce se termine par la trahison des bolcheviques et le massacre des partisans de Makhno par l'armée rouge.
Au delà du travail sur la mémoire révolutionnaire et le monde paysan, la troupe Tsekh a voulu, à partir de cette histoire oubliée, déformée puis étouffée et effacée par les dictionnaires comme les livres d'histoire, tenter de restituer la mémoire des insurgés anarchistes ukrainiens de 1917 à 1921. C'est aussi faire justice à la mémoire de Nestor Makhno et de ces hommes et femmes qui ont tenté d'ériger dans leurs villages et leurs bourgs le communisme libertaire. C'est d'ailleurs essentiellement cela qui est mis en avant dans la pièce plutôt que les batailles et les événements complexes de la Révolution. L'objectif est bien de mettre en avant la construction d'une commune libre de paysans à une époque charnière de l'histoire.
« Ainsi la Révolution russe de 1917 comme la Révolution française de 1789, connut ces instants où toutes les institutions étaient repensées, tous les acquis remis en cause, toutes les questions posées à nouveau. C'est cette imprévisible aventure que nous souhaitons raconter aujourd'hui, une aventure dont l'utopie n'est jamais tout à fait morte ». Devant une telle déclaration de foi, nous ne pouvons qu'avoir envie d'encourager ces jeunes acteurs pour ce qu'ils apportent au théâtre, à l'histoire mais aussi à l'anarchisme.