éditorial du n°1095
Ce qui permettait, il y a encore quelques années, de passer au travers des filets, relève désormais de la prouesse. Quelques exemples : les amendes contractées dans les transports en commun font l'objet de poursuites de plus en plus sévères ; « traficoter » son compteur EDF devient quasiment impossible grâce à la généralisation d'un nouveau matériel permettant à cette entreprise publique de comptabiliser à distance votre consommation ; des fichiers de locataires « mauvais payeurs » se mettent en place et s'échangent entre les régies et agences immobilières ; la « police des chômeurs » des Directions départementales du travail traque les « faux demandeurs d'emploi » (ces « salauds de pauvres » !)...
Bref, si la situation économique se durcit, la chasse aux fraudeurs (les fraudeurs-prolos, cela va sans dire !) redouble également d'intensité !
Dans ce contexte, la malheureuse Commission nationale de l'informatique et des libertés (la CNIL) s'échine pourtant à prouver son utilité en publiant chaque année son rapport et en faisant état de divers avis dans tous les domaines qui touchent « à nos libertés »... Elle gronde contre la vidéo-surveillance et aboie contre la récente ordonnance relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de santé.
Il est vrai que cette ordonnance représente un danger supplémentaire.
Explication : sur une idée originale de M. Barrot, l'ex-ministre du Travail et des Affaires sociale, le NIR (votre « numéro de sécu ») devient utilisable par quasiment l'ensemble des organismes sociaux. L'ANPE et l'ASSEDIC en font déjà un usage courant, et il existe, depuis le 24 avril 1996, un « méga-fichier », appelé le Répertoire national inter-régimes des bénéficiaires de l'assurance maladie (RNIAM) ; fichier qui couvre l'ensemble des assurés sociaux, tous régimes confondus. Le danger d'un tel fichier est tellement évident que la CNIL n'a pu s'empêcher de mentionner dans son rapport : « il a été demandé de prévoir les modalités de destruction du fichier en cas de circonstances exceptionnelles ».
Mais la sage commission ne précise pas quelles pourraient être ces « circonstances exceptionnelles ».... Et, par ailleurs, faut-il attendre de se retrouver en régime totalitaire pour condamner ce gigantesque fichage social dont l'utilisation « ordinaire » nous menace déjà chaque jour ? !