Intérimaire dans le nucléaire
un métier à risque
Après une nouvelle année d'exploitation salariale, l'été sera pour bon nombre de travailleurs l'occasion, sinon de partir en congés, tout au moins de prendre un peu de repos. Cependant cela ne sera pas le cas des «trimardeurs du nucléaire» pour qui les mois d'avril à octobre représentent au contraire la période de pleine activité. En effet le retour des chaleurs estivales et des nuits de plus en plus menues entraîne inéluctablement une baisse de la demande d'électricité. Baisse dont EDF va profiter pour procéder à l'arrêt de plusieurs tranches de son parc nucléaire afin de les recharger en combustible.Ce sale boulot où les risques d'exposition aux radiations sont inévitables est effectué par plus de 22 000 salariés extérieurs à l'entreprise publique et directement affectés à des travaux sous rayonnement ionisant (DATR). Un collectif d'associations et de syndicats dénonçaient en mai 1996 les conditions de travail épouvantables de ces «intermittents du nucléaire».
La France en retard sur l'Europe
Alors qu'une directive européenne du 13 mai 1996 exige des États membres de rabaisser d'ici au mois de mai de l'an 2 000 la dose annuelle moyenne sur cinq ans à 20 milliserts, la France s'entête à appliquer une limite annuelle de 50 milliserts. Toutefois les précaires du nucléaire sont soumis à une double surveillance dosimétrique. La première est gérée par l'Office de protection contre le rayonnement ionisant (OPRI), la seconde par EDF. Le collectif évoqué plus haut estime que cette surveillance est en fait une «gestion de l'emploi à la dose» qui accentue la précarisation de ces travailleurs puisque les «intermittents» qui s'approchent des limites en vigueur sont condamnés au chômage. Pour conserver leur job, certains iront jusqu'à «oublier» de prendre les dosimètres lors de leurs interventions de maintenance des installations nucléaires. Ainsi, le 3 février dernier, deux salariés extérieurs à EDF ont été temporairement privés d'accès à la zone du bâtiment B1 de la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher) parce qu'ils avaient laissé au vestiaire l'un des deux appareils obligatoires de mesure de la dosimétrie [[Le Monde, 5 février 1997. Ce n'est certainement pas le reportage diffusé dans l'émission «La Marche du siècle» du mercredi 18 juin qui nous rassurera ; et encore moins le débat qui a suivi. Toute la mauvaise foi des responsables des entreprises sous-traitantes et d'EDF était flagrante. Ils ont beau jeu de nous parler de pacte de progrès qui prétendument améliore les conditions de travail des intermittents du nucléaire.]]. Pis encore, l'ajout à ces risques d'irradiation d'horaires impossibles, de bas salaires et des déplacements fréquents poussent quelques-uns des «trimardeurs» au suicide [[Le Monde, mercredi 15 mai 1996.]].
Nouvel incident à Gravelines
En janvier 1997, la centrale de Gravelines (Nord-Pas-de-Calais) fut arrêtée pendant une douzaine de jours suite à la détection d'un défaut de soudure sur le circuit de refroidissement de l'alternateur situé dans la partie non nucléaire de la tranche numéro 6 [[[«Nucléaire délétère», Le Monde libertaire n° 1083- art2510].]]. Or c'est précisément dans cette même tranche, stoppée cette fois pour renouveler le combustible, que deux salariés d'une entreprise extérieure ont subi une «exposition accidentelle» alors qu'ils effectuaient des opérations de contrôle de... devinez quoi : eh oui ! de soudures par gammagraphie industrielle ! D'après l'OPRI, ils auraient reçu respectivement des doses de 19 et 26 milliserts [[Nord-Éclair des 8 et 9 juin 1997.]]. Avouez que l'on pourrait être tenté de rapprocher les deux incidents. Combien de temps la loi du silence qui est habituellement de mise dans le lobby nucléaire empêchera de savoir avec exactitude ce qui s'est réellement passé ?
Le poids du lobby nucléaire
Fin janvier 1997, Le Monde révélait que le ministère du Travail et des Affaires sociales projetait d'interdire dans les zones les plus dangereuses tout recours au travail intérimaire. Ce qui provoqua une levée de boucliers chez les sous-traitants. Qui s'en étonnera lorsque l'on sait que cette activité représente six milliards de francs pour un volume de quatorze millions d'heures de travail ?
Et demain ?
Dominique Voynet qui, contrairement à ce qu'elle avait annoncé au sortir du deuxième tour de la dernière farce électorale, a accepté le poste de ministre de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire s'apprête à fermer Superphénix, le surgénérateur de Creys-Malville. Qu'en sera-t-il du reste du parc nucléaire ? Pendant ce temps-là, Framatome couvre les pages des quotidiens nationaux d'une campagne de publicité (pardon de propagande) particulièrement pernicieuse qui prétend que pour protéger la couche d'ozone il faut recourir au nucléaire ! Un conseil : soyez actifs aujourd'hui pour ne pas être radioactifs demain ou alors avalez la pilule d'iode que l'État finira par distribuer à chacun d'entre nous !