L'Intégrisme gravé sur la croix ou sur Marianne ?
Depuis l'appel à la seconde évangélisation, lancé à Compostelle en 1982, l'évêque de Rome n'a de cesse de rechristianiser l'Occident. Ainsi, il «élève l'Opus Dei au rang de prélature personnelle»[[Frédéric Brunnquell, in Golias magazine n° 42, mai-juin 1995.]] et attise les forces vives de l'Église et de l'extrême droite contre la culture de mort : pétitions et mailings contre la «pollution médiatique» (Charlie Hebdo ou «Au bonheur de la vie» sur FR3), retrait des affiches de film (Harcèlement, Prêt-à-porter, Larry Flynt), commandos antiavortement (et ça continue, le 1er mars dernier, Xavier Dor sévissait encore à la clinique Isis à Paris), dépôt de propositions de loi réclamant le non-remboursement de l'IVG ou, plus insidieux encore, «visant à étendre à l'échelle nationale l'existence de centres d'accueil des femmes en détresse»[[Proposition de loi n° 3192, déposée le 5 décembre 1996.]], machine de guerre contre le droit à l'avortement.
Car c'est, bien sûr, sur la question du droit des femmes à disposer de leur corps, donc choix et droit à l'avortement, à la contraception, à la sexualité quelles qu'en soient les formes (dans ou hors mariage) et quels que soient les partenaires (homo, hétéro ou bisexualité), que les bigots et extrémistes sont les plus actifs : choix ne se conjugue-t-il pas, si on le veut, si bien avec plaisir ? Or le plaisir n'est-il pas interdit dans nos sociétés de par la culture chrétienne ? Ne cherchons pas l'intégrisme seulement derrière le voile : il est aussi gravé sur la croix et la médaille de la «sainte» vierge !
Ne risque-t-il pas de l'être aussi sur Marianne ? Les lois de bioéthique votées en juillet 1994 ont résisté aux coups de boutoir de ces intégristes sur la reconnaissance à l'embryon d'état d'être humain. Précaires à durée déterminée, ces lois sauront-elles résister au deuxième assaut lors du vote définitif en 1999 ? Et quant au rapport Gissenot pour la conférence sur la famille, il n'a guère à envier en matière de réaction et de tradition au livre blanc Oser la famille , de Christine Boutin. Le préambule donne le ton : «La mise en œuvre d'une politique spécifique de la famille s'impose à partir du moment où l'on considère que cette dernière est la première école de vertus sociales et que la société ne peut donc pas s'en passer»[[Rapport final du Comité de pilotage de la conférence de la famille, remis le 6 février 1997.]]. Il s'agit purement et simplement de réhabiliter la famille la plus traditionnelle qui soit, lieu d'épanouissement peut-être pour certains mais surtout espace fermé et espace d'oppression pour beaucoup de femmes et d'enfants. Et si la vie commune d'individus avec ou sans enfants prend de multiples formes (familles monoparentales, décomposées, recomposées, unions libres entre hétéros ou homosexuels, cohabitation, ou vie en célibataire alternée...), c'est bien pour partie le fruit de la dénonciation du rôle de la famille et de l'émergence d'une force d'émancipation des femmes dans les années soixante-dix. Aujourd'hui, on nous propose un Code de la famille[[Idem.]] et un Comité interministériel de la famille[[Idem.]], et on cherche à déterminer un «indice du coût de l'enfant»[[Idem.]] puisque «l'union stable et durable d'un homme et d'une femme sont le mode de vie le plus efficace pour assurer la reproduction, puis la formation du capital humain qui sont les deux piliers du développement»[[Idem.]]. Je n'invente rien : ce sont les mots de Mme Gisserot, procureur général auprès de la cour de Cassation, en 1997.
Attention, danger imminent : les intégristes sont de retour. Le refrain est encore dans nos têtes, la période de Pétain ou le code de la famille en Algérie ne sont pas si loin dans nos mémoires.
Femmes et hommes debout, quels que soient vos choix d'amour. Demain il sera trop tard pour défendre votre vie intime. Déjà que vous n'avez plus le droit d'accueillir un étranger chez vous !