Le charbon contre le corail
mis en ligne le 22 mai 2014
Sur 2 600 kilomètres de long, un monde sous-marin émerge au large de la côte occidentale de l’Australie. Du monde entier, touristes comme plongeurs viennent s’émerveiller des splendeurs de la Grande Barrière de corail. Des centaines de petites entreprises vivent peu ou prou de cette attraction. Tous les jours des bateaux charrient leurs fournées de curieux pour un plongeon dans une mer où des poissons aux couleurs de l’arc-en-ciel voisinent avec des coraux aux multiples couleurs. Pour combien de temps encore ? Car des appétits bien étrangers à ces merveilles mettent en danger cette splendeur classée au Patrimoine de l’humanité par l’Unesco.Le charbon en Galilée
Il ne s’agit pas de la région de la Palestine, mais de l’endroit où, en Australie, se trouve l’un des plus grands gisements de charbon thermique au monde, si ce n’est le plus grand. Ce bassin couvre 247 000 kilomètres carrés (surface de la France métropolitaine : 502 000 kilomètres carrés). La Galilée australienne se trouve dans le Queensland, à proximité de la Grande Barrière. Ce voisinage est un problème pour la commercialisation vers l’étranger de ce charbon. Mais pas un très gros problème. Il suffit de percer cette barrière et d’établir un port pour permettre aux immenses bateaux de matières premières de venir faire le plein de ce charbon à destination de l’Asie essentiellement. Pour que cela marche, il va falloir construire une nouvelle ligne de chemin de fer de 500 kilomètres de long et surtout creuser un chenal, c’est-à-dire déplacer quelque cinq millions de tonnes de sédiments marins qui seraient déversés sur ou à proximité de la barrière de corail, en entraînant sa mort, évidemment. Tout cela avec la bénédiction du gouvernement. Car celui-ci vient de changer. Un parti chassant l’autre les travaillistes se sont fait sortir par le parti libéral dirigé par Tony Abott. Il faut dire que chez les travaillistes, un groupe n’aimait pas être dirigé par une femme, Julia Gillard, assez sensible aux sirènes environnementalistes. Abott, quant à lui, est cul et chemise avec les grandes industries locales, essentiellement minières, et dépend au Parlement d’un parti créé de toutes pièces par un magnat de l’industrie, Clive Palmer, le Palmer United Party. Son argument de base est de nier toute réalité aux problèmes environnementaux.
Les gros sous du charbon
À qui appartient ce gisement de charbon ? Parlons gros sous et jeu du bonneteau, puisque entre les gros, il n’y a pas de cadeau à se faire. Vous n’avez certainement jamais entendu parler de Georgina Hope Rinehart. Elle a hérité quelques bricoles de son papa. Il était considéré comme le plus riche citoyen d’Australie. Il avait fait fortune dans le minerai de fer, pas comme mineur bien sûr. Mort en 1992, il laisse à sa fille de quoi vivre suffisamment pour qu’elle devienne en 2010 milliardaire. Elle posséderait aujourd’hui 13 milliards de dollars. Donc cette dame a décidé en septembre 2011 de vendre les avoirs qu’elle possédait dans le gisement de Galilée à une entreprise indienne nommée GVK pour 1,26 milliard. Le charbon produit là a pour nom charbon thermique, puisqu’il sert essentiellement aux centrales électriques. Au moment de la vente, la tonne de ce produit valait 120 dollars. Mais cela n’a pas duré. En 2012, il avait perdu plus de 25 %. Il s’affiche aujourd’hui autour de 74 dollars la tonne. C’est pour partie la faute aux défenseurs de l’environnement. En privilégiant la production alternative d’électricité, ils portent atteinte aux intérêts économiques de beaucoup de monde. Madame Rinehart a de son côté bien tiré son épingle du jeu. Elle va pouvoir continuer à investir dans les « charities » au Cambodge, orphelinat de filles, et lutte contre l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants.
Et la France dans tout cela ?
Pas impliquée en tant que telle, évidemment ! Mais une de ses banques bien connues a été chargée de chercher des investisseurs intéressés par cette mine. Devant la baisse régulière du prix du charbon, les associés locaux au projet ont retiré doucement leurs billes. Rio Tinto a montré l’exemple. Puis BHP Billiton, qui est le numéro un du monde du point de vue minier, et enfin au mois de février de cette année une entreprise choisie par le gouvernement local du Queensland a jeté l’éponge. Il reste deux compagnies indiennes, dont GVK, qui, selon certaines sources, n’aurait pas les fonds nécessaires pour finir de payer ce qu’elle doit à Madame Rinehart. C’est là que la Société Générale entre en scène avec un projet nommé Alpha Coal. Il faut trouver de l’argent ! En France, une campagne pour s’opposer à cette implication a été lancée par les Amis de la Terre. En Australie même, les plaintes déposées en justice par l’association locale écologiste Coast and Country ont été reçues favorablement par un tribunal foncier local, mais la décision n’est pas impérative, le gouvernement du Queensland étant favorable au projet.
Pour participer à l’action de déverser quelques tonnes de charbon devant le siège de la Société Générale en allant sur http://www.bizimugi.eu/fr.