Nazi dans le rétro
mis en ligne le 13 juin 2013
Certes, le fait a plus d’un an. Toutefois le symbole est assez fort, même au pays du Ku Klux Klan : un membre de l’American Nazi Party (ANP), John Bowles, est devenu lobbyiste à la Chambre des représentants et au Sénat 1. Aux États-Unis, le lobbyisme est une activité officielle et les lobbyistes voulant exercer au Sénat doivent donc s’enregistrer auprès de cette institution. Cette activité se donne pour but de rencontrer les parlementaires pour leur faire prendre des décisions en faveur du lobby x ou y. Autrement dit, dans ce cas de figure, les parlementaires auront à décider si cet homme est fréquentable et si oui, si ses propositions sont susceptibles de donner lieu à des suites législatives – sa première intention étant de rendre plus faciles les candidatures nazies à divers scrutins. On trouve aussi des revendications en faveur de la cause animale, de l’environnement, des fermes familiales, et last but not least, de la protection de la nation et du droit à porter des armes (contre ce que l’ANP appelle le « lobby juif des anti-armes au Congrès »). Voilà pour la fonction 2. L’homme maintenant : Bowles était autrefois membre du National Socialist Movement ; mais regrettant que les gens dans son pays ne savent pas très bien ce qu’est le national-socialisme – en lisant surtout le mot honni de « socialisme »… –, il a préféré adhérer à l’ANP, le mot « nazi » étant, lui, sans ambiguïté. Comme il le dit sans ambages : « À l’avenir, quand les gens arriveront au bureau de vote et verront la croix gammée, ils sauront ce pour quoi ils peuvent voter. 3 » Le parti maintenant : l’ANP est bien évidemment un parti suprémaciste blanc, promoteur d’une république aryenne en Amérique. Sur son site dédié à son activité de lobby, une rubrique s’intitule benoîtement : « Pourquoi les Américains devraient-ils apprécier Adoph Hitler ? » On trouve aussi une liste nominative des membres des deux chambres par types raciaux : Juifs, Noirs, hispaniques, etc., sous la rubrique « Le lobby israélien en Amérique et le maquillage racial du Congrès US ». Ah la liberté d’expression poussée jusqu’à l’absurde ! Une belle leçon made in USA… Sur le site du parti (orné d’une croix gammée revêtue de la bannière étoilée des USA), il est demandé que l’État promeuve la culture aryenne et ses enseignements, et se débarrasse de l’art « moderne » et de la musique « moderne », telle que le « rap » ! Il est demandé à l’État de prendre des mesures eugéniques dites « positives » visant à la reproduction privilégiée des « meilleurs éléments raciaux de la république aryenne » et d’eugénisme « négatif » en œuvrant « pour que ne se répandent plus les défauts héréditaires et le sang racialement impur au sein du patrimoine génétique de la communauté raciale ». « Une renaissance spirituelle » est réclamée pour les valeurs de la nation blanche, aryenne. Rien que de très banal venant de cette fange encore fertile, mais rien que de très écœurant, surtout quand on pense que la Grèce a franchi le pas de l’oie en installant au cœur de l’Europe des députés néonazis et leur milice, laquelle quadrille les villes en chassant les métèques – notons-le, dans l’indifférence des médias français…
« Heil Myself ! »
En fait, j’ai retrouvé cette information à propos d’un très récent exemple de ce que les États-Unis peuvent exhiber quans il s’agit de leurs extraordinaires capacités à produire le summum du grotesque et du sordide mêlés. Début juin, un homme s’est rendu en uniforme d’officier nazi à un tribunal des affaires familiales afin de plaider sa cause. Heath Campbell, demeuré en chef de sa phalange, portant moustache, coupe de cheveux à la Hitler et svastika tatoué sur le haut du cou, a cru pertinent de s’attifer de la sorte pour demander qu’on lui rende ses quatre enfants que les services sociaux avaient retiré à sa tutelle parentale pour cause de négligence et de violences domestiques. Selon ses dires : « Si ce sont de bons juges et de bonnes personnes, ils regarderont ce que je suis à l’intérieur et ne s’arrêteront pas à l’apparence. » Le problème, c’est qu’en son for intérieur, il reste un pourri de nazi ! Les enfants avaient été prénommés : Adolf Hitler, JoyceLynn Aryan Nation, Honszlynn Hinler Jeannie (allusion à Heinrich Himmler) et Heinrich Hons (idem). Comme le dit un copain, la vie de famille devait être gratinée : « Adolf Hitler, arrête de persécuter Aryan Nation ! »
Pendant ce temps, à Paris, un jeune homme, Clément Méric (militant SUD et Action antifasciste Paris-banlieue), s’est fait tabasser à mort par des néonazis français…
1. Source : Le Monde, 14 avril 2012.
2. À noter l’exergue du site de l’ANP dédié à son activité de lobbyisme : « Écrasons le contrôle du Sénat par les lobbyistes sionistes. »
3. Source : le quotidien The Hill, 13 avril 2012.