Le christianisme est-il soluble dans le gaïaisme ?

mis en ligne le 14 mars 2013
Dieu bénit Noé et ses fils et leur dit : « Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre. Soyez la crainte et l’effroi de tous les animaux de la terre et de tous les oiseaux du ciel, comme de tout ce dont la terre fourmille et de tous les poissons de la mer : ils sont livrés entre vos mains. Tout ce qui se meut et possède la vie vous servira de nourriture, je vous donne tout cela au même titre que la verdure des plantes. Pour vous soyez féconds, multipliez, pullulez sur la terre et la dominez. »
C’est dans la Genèse, partie de la Bible nommée l’Ancien Testament, commun aux juifs et aux chrétiens. Cela a donc imprégné les cerveaux occidentaux pendant des siècles. Cela a été la justification de la suprématie et de la domination de l’espèce humaine, blanche le plus souvent, sur toutes les autres formes vivantes. D’où l’intérêt de ne pas considérer certains peuples, ethnies ou « races » comme humains à part entière… On a alors moins de problèmes de conscience à les massacrer, les déporter ou les réduire en esclavage, puisqu’ils relèvent un peu de l’« animal ».
En économie, on parle d’accumulation primitive pour le capitalisme européen naissant, en ce qui concerne le pillage des réserves d’or en Amérique latine, à la suite de la découverte du Nouveau Monde. On oublie que dès 1500, les chasseurs de baleines européens (basques) entamaient le massacre le long des côtes américaines. Ces réserves de graisse qu’étaient les cétacés contribuèrent largement, elles aussi, à l’accumulation primitive qui fera des États-Unis une puissance économique. (C’est la graisse de baleine qui servait entre autres à l’échelle industrielle, à l’éclairage, avant l’utilisation du pétrole.) De même, le hareng, pêché quasiment jusqu’à l’extinction, avait été pour les Pays-Bas une ressource primordiale pour asseoir leur suprématie. Une bourgeoisie religieuse, une main sur la Bible, l’autre sur le livre de comptes. Et cela dura bien après les Lumières et les révolutions. Une bourgeoisie rationnelle pour la construction de navires, pour les connaissances géographiques, pour la mise en place du capitalisme. Mais avec des bases idéologiques irrationnelles car religieuses. La « parole » de Dieu, une fois de plus, est là pour cautionner des comportements sociaux et économiques : ici, l’être humain au-dessus de la nature. Et bon nombre de nos détracteurs de l’écologie, même athées, ne font que prolonger cette vision.
Il a fallu attendre la deuxième moitié du XXe siècle pour que cet élan soit remis en cause, du moins pour que de plus en plus d’individus critiquent, alertent, dénoncent le saccage, l’empoisonnement, l’élimination d’espèces et la mise en danger de la nôtre, au final. Et l’écologisme fut dès le départ critique vis-à-vis du capitalisme comme du communisme, dénonçant entre autres chez l’un comme l’autre la même apologie de la suprématie humaine sur le reste de la nature. On me dit que « l’anarchisme n’a pas d’histoire commune avec l’écologisme ». Cela fait pourtant un sacré point commun ! La remise en cause anarchiste des pouvoirs ? Cela concerne aussi celui que s’arroge l’espèce humaine sur les autres êtres vivants, non ? (Et je ne parle pas ici de manger ou non de la viande.) De la même façon qu’une classe sociale dominante peut conduire toute une société au désastre, obnubilée qu’elle est par ses seuls intérêts, nous sommes capables de nous détruire parce qu’incapables de rejeter ce dogme qui fait de la planète une matière première et non notre environnement. La rupture est essentielle, révolutionnaire. Moins de cent ans séparent cette prise de conscience écologiste de la naissance de l’anarchisme… Une broutille à l’échelle de l’histoire. L’histoire commune, elle, se fait, aujourd’hui.
Alors, on peut mettre en avant le mysticisme de certains écolos, ou pour d’autres leur gestion annoncée du capitalisme vert, dénoncer les gourous ou le nombre de chrétiens dans leurs rangs… Sans blague ? Il y a des chrétiens chez les écolos ! Non ? Incroyable ! Comptabilisés 2 200 millions dans le monde (même si les chiffres sont gonflés – comme j’ai été baptisé, je dois être comptabilisé dedans), on peut en effet s’attendre à en trouver plus que des anars, et ce quasiment partout (chez les joueurs de pétanque aussi), dans des proportions écrasantes, et cela ne signifie absolument rien. Que les chrétiens écolos ne perçoivent pas la contradiction entre leur engagement politique et le texte biblique cité plus haut, c’est une chose. Nous, nous aurions tort de ne pas pointer du doigt cette faille, gentiment. Pas hargneusement. Parce que l’étiquette d’aujourd’hui n’augure pas des engagements de demain : les gens évoluent. Parce que l’écologie peut aussi mener à l’anarchisme. Et l’on peut avoir été chrétien. Ce n’est pas immuable. Statistiquement, il y a beaucoup plus de chances pour qu’un chrétien devienne anar que le contraire… Nous y aurions même intérêt ! Mais peut-être cela n’a-t-il aucune importance ? On s’en fout ? Restons entre nous. Dans ce cas nous pourrions nous occuper de nos propres contradictions, celles qui nous font adopter parfois des fondamentaux identiques à ce que nous combattons.



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


Katzyn

le 8 avril 2013
Je voulais réagir sur cet article, bien écrit, sans haine, parfois légèrement condescendant, mais qui ne l'est pas?

Pas reagir sur le thème de l'ecologie, mais celui de l'atheisme, ou la foi, au choix, sans parler de mon opinion personnelle, mais en tentant de vous convertir tout de même à ma pensée.

La religion, des livres écrit par des inconnu, on été des excuses pour des puissants, souvent lettrés, de faire la guerre, de promouvoir des méthode inhumaines et des pillages de ressources. Tout le monde sait que la religion a été un moyen d'expliquer le monde et de tromper sa peur, que ce soit en sacrifiant sa récolte a demeter, son cheval a neptune, son enfant à Axomama, puis dans les religions occidentales "modernes" monothéistes, faire des dons, crucifier son ennemi, le mettre au bucher, le questionner, parfois même pas un ennemi mais un persan qui voulait découvrir le monde, qui se retrouve pendu sans raison.

La religion est detestable, oui. Cependant, je trouve que le mouvement libertaire n'a aucun droit de dire a un catho: tu ne dois pas croire en dieu. Si croire rassure les gens, si ça les aide, laissez les croire. L'autogestion est possible, du moment ou tout le monde se respecte. Avec le temps, peut-être que nos descendants seront tous athés, mais en attendant, evitons de classer des gens dans des cases a cause de la religion.


Bref. Seconde partie (plus courte) anti-tout, très personnelle.
Je pense que croire en dieu est idiot. Je pense que de ne pas y croire est imbécile.
Franchement, qu'est-ce qu'on s'en fout si dieu existe ou pas? s'il existe tant pis, s'il n'existe pas tant pis, qu'est ce que ça change dans notre vie exactement? Le mieux est de ne pas ce poser cette question, qui n'aura jamais de réponse, plutot qu'avoir une position dogmatique imbécile.

voil), my 5 cts

tetenlair

le 26 juillet 2013
OK pour l'article bien envoyé ! mais pourquoi ne parler QUE des CHRETIENS ?? et les autres??? Patogent pas sur la meme planete!!??
Juste question ?? oubli ! involontaire ou volontaire?
MOI SUIS 1000% écolo.dans la tete mais en vérité moins car la sociète dans laquelle nous vivons ne nous aide pas.

Askarim

le 15 septembre 2015
Que les libertaires anti religions (re)lisent Tolstoï ça leur fera le plus grand bien. Vous confondez religion et clericalisme, christianisme et catholicisme etc...
Il existe tout de même de nombreuses cultures dans ce monde qui se servent dans la nature et qui n'ont pas attendu l'ancien testament pour la piller. Que je sache les moines vivent dans le respect de leur environnement. Globalement, la spiritualité améliore l'empathie et permet le contrôle d'un certain nombre de pulsions anti vie ce qui n'est pas, on en conviendra, la préoccupation des matérialistes de tout poil (anarchistes en tête). Tolstoï voyait en Jesus la promesse d'un nouveau paradigme: la rupture avec le légalisme désincarné et la justice froide de l'Ancienne alliance. De ce point de vue, Jesus nous rappelle que malgré sa capacité à soumettre la nature (ce qui est un fait et non un dogme), l'homme, en travaillant son humanité, se libère de ses pulsion par l'amour et la charité. C'est la sanctification de la vie. Après il est évident que l'institution politico-religieuse a largement dévoyé ce message au cours des siècles en illustrant ses exactions par des emprunts ici ou là, et surtout dans l'ancien testament. Exactement comme aujourd'hui où pour justifier l'atroce (la guerre), on s'appuie sur l'amour (les droits de l'homme). Bref la connerie humaine a toujours existé, la spiritualité n'en est pas le produit mais le garde fou.

vincent F

le 15 septembre 2015
@askarim
"Que les libertaires anti religions (re)lisent Tolstoï ça leur fera le plus grand bien" tout à fait d'accord.
"Bref la connerie humaine a toujours existé, la spiritualité n'en est pas le produit mais le garde fou."
Là je dis non, désolé. Déjà sur ces questions il n'y a pas de "bref", ensuite il n'y a pas non plus de "toujours", enfin, si la "spiritualité" est une tendance inéliminable des sociétés humaines, et parfois respectable(surtout quand elle ne demande pas de sacrifices, lesquels sont en fait intrinsèquement liées au sacré donc à la spiritualité...), elle n'est pas plus un garde fou à la connerie que la science est un garde fou à la guerre.