Mélanchon aime les matons : abondance aérienne dans la presse thorezienne
mis en ligne le 3 mai 2012
C’est sûr, on ne manque pas d’air, à L’Humanité. On respire, largement, à pleins poumons. Même si d’autres manquent, eux, d’un peu d’espace, de liberté de mouvement, voire, pour parler franc, de liberté tout court. On s’aperçoit de cette amplitude pulmonaire à la lecture, sur humanite.fr, d’un entrefilet charmant, agrémenté d’une magnifique coquille : « La front de gauche soutient la lutte des personnels pénitentiaires. » Ne reprochons pas aux responsables d’humanite.fr leur inattention. Elle nous vaut la révélation de la véritable appellation des amants de Mélenchon, l’affront de gauche. Si l’on pousse la lecture plus avant, on apprend que « après FO et la CGT pénitentiaire, le Front de Gauche a apporté, hier, son soutien à cette lutte légitime ». On nous pardonnera sans doute quelques amicales critiques à l’égard de ces trois admirables organisations. Car il est étonnant qu’elles ne soutiennent pas la lutte des policiers de la DCRI, dont Le Canard enchaîné a récemment révélé l’existence. On ne les entend pas réclamer des plateaux-repas plus variés pour les CRS ! Nul ne lit qu’elles exigent des danseuses du ventre dans les gendarmeries ! Qui oserait affirmer qu’elles suggèrent des stages de yoga et de macramé pour le personnel de surveillance des centres de rétention administrative ? Mais elles soutiennent le petit personnel de la Pénitentiaire, et c’est un beau début. Elles le font au motif que « la situation dans les prisons françaises est déplorable ». Dans leur courageux combat pour la vérité, elles ajoutent que « la souffrance au travail des surveillants est la conséquence directe de choix gouvernementaux désastreux et irresponsables ». Modestement, nous proposons ici au sénateur Mélenchon quelques modifications de ces phrases, par ailleurs d’une parfaite exactitude. Ainsi, sans doute vaudrait-il mieux écrire que « l’existence des prisons françaises est déplorable ». Et si nous admettons sans réserve que la vie professionnelle d’un gardien de prison n’est pas un lit de roses, nous nous permettrons de rappeler que celle des détenus a encore bien moins de rapports avec l’horticulture.
En toute humilité, nous irons jusqu’à méditer sur la pertinence de l’appellation « Front de Gauche » pour une organisation qui ne semble pas désirer débattre de l’utilité même de l’institution pénitentiaire. Jamais nous n’oserions déranger le sénateur avec un rappel des traditionnelles et vives objections anarchistes au principe de la privation institutionnalisée de la liberté. Mais nous ne saurions nous soustraire au devoir de signaler, par exemple, qu’il serait bon de réfléchir à la justice de l’incarcération de dizaines de milliers de personnes dont les condamnations découlent de la pénalisation des drogues. Car la dépénalisation de celles-ci donnerait immédiatement aux maisons d’arrêt, qui en manquent beaucoup, un peu de l’air dont semble disposer le Front de Gauche, L’Humanité, FO et la CGT pénitentiaire.
On me chuchote qu’il faudrait peut-être jeter quelque lumière sur le douloureux problème du choix, on ne peut plus volontaire, par les gardiens de prison de leur profession on ne peut moins honorable. Mais la jeunesse lit Le Monde libertaire, et je préfère, on m’en excusera, jeter un voile pudique sur les turpitudes de l’humanité (pas celle des rotatives, celle qui abuse de la planète). Ne prenons pas le risque de corrompre de jeunes esprits en leur révélant trop tôt qu’il y a des gens pour vouloir être banquier, économiste, publicitaire ou gardien de prison.